Une réflexion poussée de l’écosystème BD basée sur des analyses en immersion (c’est à dire des visites plus ou moins régulières à mon libraire) tend à démontrer le dynamisme remarquable des éditions Sarbacane qui cherche à publier des albums pointus mais accessibles… et peut-être dédaignés par les gros éditeurs traditionnels.
Un auteur de BD en trop est un bon exemple de réussite éditoriale pour Sarbacane : une fabrication soignée, un grand format, un travail graphique pointu, tout cela au service d’une histoire ironique qui montre avec un sens mordant de la vérité les coulisses de la vie d’un auteur BD.
Daniel est un auteur BD qui s’intéresse à des sujets sociétaux/policito/écolo, un genre où il a quelque peu de mal à rencontrer le succès. Pour faire tourner la marmite, il travaille pour l’édition jeunesse (ce qu’il déteste) et enseigne la BD, et plus spécifiquement la perspective, dans une école (ce qui le déprime). Daniel est mal barré. Jusqu’à ce qu’il croise les planches d’un ado, Kevin, qui fait de la BD « comme ça ». Des planches géniales que Daniel va finir par faire passer pour les siennes.
De Daniel Blancou, j’avais beaucoup aimé son Roi de la Savane (qu’il ne semble pas que j’ai chroniqué sur ce blog, étonnant) et la forme sophistiquée de ce dernier ouvrage m’avait intrigué. Après sa nomination à Angoulême et les retours positifs, j’ai fini par me le faire offrir. Je ne peux que le conseiller à mon tour.
Blancou parle du quotidien de l’auteur BD mais en prenant de la hauteur, suggérant les luttes de pouvoir, la pression de la mode, l’utilité des réseaux, l’importance de la séduction et la solitude au final devant les planches. Et avec le personnage de Kevin, il aborde aussi la place de la BD dans le microcosme artistique. Des questions très pertinentes qui interrogent un médium qui ne semble pas trop savoir vers où aller, rattrapé par l’importance du calendrier médiatique et des thèmes qui plaisent à la presse, toute une pression qui avait été épargnée à la BD pendant des décennies et qui semblent un prix bien lourd à payer en échange d’une certaine reconnaissance. C’est aussi un rappel pas désagréable du côté un peu punk de la BD (pas besoin de moyens ou d’expérience pour être génial) et le paradoxe total aurait été de rafler le Prix du Meilleur Album.