De retour de vacances à Tahiti (histoire de vérifier tout ce que j’ai mal dessiné dans Gauguin), j’ai ramené dans mes bagages deux BD réalisées et publiées localement par Au Vent des Îles, un éditeur local très dynamique (il faut que j’avoue qu’il est même de la famille pour dire si cette île est petite). Elles ne prétendent pas à bousculer l’Association ou battre les ventes de Blake & Mortimer mais elles ont le mérite d’exister. Il faut dire que la culture BD à Tahiti est beaucoup moins développée qu’à la Réunion par exemple pour différentes raisons (rapport au livre, culture centrée sur le chant, la danse, le rapport à la terre et j’en passe). Avec le développement du manga, on verra peut-être des auteurs jeunes tenter quelque chose dans les années à venir.
Pito Ma
Pito Ma de Toerau et Gotz en est déjà à son sixième tome (sorti la semaine dernière). Créée par Gotz (Toerau faisant office de scénariste pour ce dernier opus) , plus peintre qu’auteur BD au départ, la série narre les ”aventures” nonchalantes de cinq personnages très ”Tahiti”: un militaire français, un tahitien cool, un gros costaud gourmand, un fumeur de joints et un Chinois boutiquier et sérieux. Ces cinq jeunes célibataires passent leur temps à organiser des soirées (bringues) et ne semblent pas avoir de vrai métier (à part le Chinois évidemment, ah ah). De la même manière, les problèmes sociaux ou politiques ne sont pas abordés. Les personnages pêchent, font du surf, boivent des bières et draguent de temps en temps. Ils n’ont pas de femme ni d’enfants et curieusement, le cliché de la vahine est relativement absent des histoires. Du coup, il faut avoir vécu sur place pour saisir l’humour des situations et dépasser un dessin proche du dessin de presse. Le lecteur local complète aisément le décor et la vie locale. Prépublié dans le quotidien Les Nouvelles de Tahiti, la série fonctionne très bien.
Toriki
Toriki de Damien Riquet est un gamin tahitien qui sèche les cours pour aller surfer et vit de petites aventures très liées à la vie locale. Le dessin est plus BD que celui de Gotz mais le choix de publier les planches en noir et blanc n’a pas aidé à toucher le public visé. On a d’ailleurs du mal à imaginer que Toriki soit vraiment tahitien tellement les caractéristiques physiques polynésiennes sont gommées. Pas encore vraiment le Ti Burce tahitien. Reste à voir comment le personnage va évoluer.
Mise à jour du 12/09/2014 – j’ai croisé Damien Riquet… à La Réunion où il est venu me saluer. Il avait lu ma critique et était parfaitement conscient des limites de ses histoires puisqu’en fait, il n’a fait qu’un passage assez rapide en Polynésie Française. Il n’y a donc pas de suite prévu aux aventures de Toriki.
À propos de l’éditeur : Au Vent des Îles ne se contente pas de publier des auteurs ”locaux” mais travaille avec toute la littérature du Pacifique. On trouve ainsi dans son catalogue des romanciers australiens ou néo zélandais traduits en français. Son site : https://auventdesiles.pf/.
A propos, connais-tu La Brousse en Folie du Néo-Calédonien Bernard Berger ?
http://www.brousse-en-folie.com/
Oui, je l’ai même croisé à un Salon du Livre.
c’est rigolo ça, ”chapper” ! ç’est quasi la même définition que ” chapper ” en créole réunionnais ! ( s’enfuir, s’évader)
Tu peux commencer une thèse réunionno/tahitien, Urbatrof :-)
ouiii… une thèse sur les noms donnés aux profs , ça serait pas mal aussi. ”Coco rasé” c’est l’équivalent de ”crâne d’oeuf” ou c’est un vrai nom local ?
Je penche pour la première solution mais à mon avis, l’auteur n’a pas passé sa jeunesse à Tahiti (mauvaise langue on).
Salut Li-An, merci pour les commentaires sur Toriki (j’en suis l’auteur)… comme tu l’as devine, je ne suis pas tahitien – j’etais VAT a Tahiti (16 mois) et avais juste l’envie de tenter de faire une BD sur cette ile fabuleuse. On m’a aide pour le vocabulaire tahitien. Effectivement, tu as raison, je n’ai pas vraiment su capter les traits polynesiens, et j’aurais surement apprecie quelques conseils de pros a l’epoque. Helas, il y avait peu de dessinateurs BD a Tahiti a l’epoque (et aujourd’hui ?)… en tout cas, j’aurais adore en discuter avec toi !!! Il faut que je commande ton Gauguin maintenant…
Je ne sais pas si j’ai fait beaucoup mieux (la critique est facile…). Je ne pense pas qu’il y ait de ”pros” en ce moment sur l’île (je ne connais que Steven Lejeune qui ait résidé là-bas et je ne suis pas sûr qu’il y soit encore).
On aura peut-être l’occasion de se croiser un jour ou l’autre.
Oui, j’avais rencontre Steven Lejeune a Aix en Provence – et par la suite, j’avais effectivement cru comprendre qu’il avait vecu a Tahiti… J’espere qu’on aura l’occasion de se croiser – peut etre a la Reunion ? Je viens de passer 4 ans dans l’Ocean Indien (Seychelles & Comores)…
Peut-être en décembre à la Réunion :-)