Bestioles (Ohm & Hubert – Dargaud)

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C’est rare que je tourne autour d’un album avec une curio­si­té qui ne demande qu’à s’assou­vir. Que pouvait bien racon­ter Hubert, plus connu pour sa série Miss Pas Touche très éloignée de la science fiction, associé avec Ohm, un dessi­na­teur déjà aperçu chez la bande à Tchô et dont le trait ligne claire/​kawai m’avait tapé dans l’oeil ? Les voilà associés dans une aventure plané­taire qui ne va pas sans rappe­ler des choses. Bestioles serait-il l’anti Avatar ?
Sur une planète (loin dans l’espaaace), une colonie ”terrienne” (c’est une BD anima­lière) occupe un archi­pel, exploi­tant les minerais rares via des plate­formes offshores et laissant le conti­nent princi­pal vivre tranquille­ment sa biodi­ver­si­té au nom de principes fonda­teurs écolo­giques. Un dirigeable dirigé par un capitaine poivrot et incom­pé­tent, avec pour équipage une jeune femme déter­mi­née, fraîche issue de l’École et un fils à papa amoureux des livres, se crashe par accident dans la jungle conti­nen­tale. Confron­té à une réaction violente des bestioles locales, ils sont sauvés par de mysté­rieux humains qui se révèlent être une colonie renégate et sectaire décidée à coloni­ser les terres inter­dites de manière agressive.
Des humains, une jungle préser­vée, une exploi­ta­tion minière, pour le coup Cameron pourrait faire la grimace mais on est très loin du block­bus­ter à gros muscles. Hubert et Ohm ont choisi de montrer un environ­ne­ment étran­ger franche­ment bizarre et le dessin pseudo mignon accen­tue ce phéno­mène (on pourra aussi se référer à A.L.I.E.E.E.N de Trond­heim dans le genre mignon inquié­tant lui-même très référen­cé). Ce n’est pas une jungle sédui­sante où les héros peuvent se fondre mais plutôt un terrain hostile avec sa propre logique et qui se défend contre un intrus dange­reux et qui ne fait pas ”joli”. Il y a d’ailleurs une excel­lente idée de mise en forme où la dernière bande de chaque page est réser­vée aux bestioles qui vivent dans la forêt ce qui permet d’évi­ter le manichéisme en appor­tant un point de vue non humain sur l’histoire.
La pilote, Luanne, est un person­nage cousin de Miss Pas Touche : une jeune femme intré­pide qui ne s’en laisse pas compter et qui est prête à tout pour sauver sa peau. À ses côtés, Childé­ric, rat de biblio­thèque couvé par sa moman, semble être un poids mort jusqu’à révéler des ressources utiles. Hubert joue sur les carac­tères dissem­blables des person­nages et évite l’écueil de l’équipe soudée. Au contraire, chacun gère la situa­tion de son point de vue et du coup rien ne semble vraiment acquis dans une situa­tion qui parait déses­pé­rée. Au final, on se retrouve avec un très bon album doté d’un vrai souffle et d’un suspens prenant.

pistolet à eau

En complé­ment : assez étran­ge­ment, le thème de la jungle hostile semble devenu un classique dans la BD SF. J’ai déjà parlé de mon admira­tion pour Le Tribut de Legrand et Rochette qui montrait des humains confron­tés à une jungle terri­fiante et où un soldat humain passait de l’autre côté de la barrière pour décou­vrir sa beauté (kof kof, il y a un Cameron dans la salle ?). Appol­lo et Brüno avec Biotope montrent une colonie scien­ti­fique qui finissent par se perdre dans la jungle qu’ils étudient. Et un peu d’auto-analyse montre que mon Horla de Planète Lointaine est comme une jungle symbole d’incons­cient qui conta­mine la réalité.

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8 commentaires

  1. Intéres­sant. C’est en général le genre d’album que je laisse sur les rayons, en le consi­dé­rant comme desti­né aux enfants (à cause du graphisme simpli­fé). A essayer à l’occa­sion, donc !

  2. Je ne consi­dère pas vraiment le graphisme comme ”simpli­fié” (ou alors la ligne claire est aussi un graphisme ”simpli­fié”). Le décalage appor­té par le dessin fonctionne bien je trouve.

  3. Décalé est un terme qui convient proba­ble­ment mieux, en effet. Si j’ai bien compris, c’est un récit qui se lit au premier degré, mais aussi au second degré en ce qui concerne l’humour. Cela rejoint ce que l’on destine en général aux enfants, mais … il n’est pas désagréable de retom­ber en enfance. ;-)

  4. Ce n’est pas une histoire à lire au second degré, c’est une vraie histoire de SF avec de vrais persos. Il n’y a pas de sens caché, ce n’est pas un truc pour gamin avec une seconde lecture possible.

  5. Pas osé. Comme Raymond, j’ai fini par le reposer dans son rayon, franche­ment pas attiré par le graphisme ”playmo­bil”, et craignant de retom­ber sur une histoire du genre ”Jolies Ténèbres”.
    J’ai proba­ble­ment eu tort…
    Et puis, comme j’avais trouvé le ”Delporte”, plus rien ne comptait à mes petits yeux zembués d’émotion

  6. Ça n’a rien à voir avec Jolies Ténèbres (bon, c’est vrai que moi j’avais beaucoup aimé ce dernier :-)). Bravo pour le Delporte (il semble­rait que la St Valen­tin approche pour moi).

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