On n’y croyait plus trop à ce Tif et Tondu signé Blutch. Des années que l’on en parlait dans les salons à la mode, les toilettes des bars louches et les champs de course de province. Quelle drôle d’idée que de reprendre des personnages aussi mythiques – mais pas vraiment tendances – de la part d’un des auteurs les plus pointus de la BD moderne.
Tif et Tondu en dédicaces
En même temps, Blutch a toujours joué avec les personnages de bande dessinée, les détournant ou les déformant dans une recherche finalement très contemporaine. Et la BD mérite mieux que des artistes multicartes de passage avant une éventuelle gloire littéraire ou cinématographique. La BD, ce sont des personnages et des univers bizarres ou poétiques issus d’un graphisme figuratif et toujours à la bourre que l’on ne peut pas imiter ou dépasser. Blutch assume crânement cet héritage et on ne peut que saluer cette ambition.
Bref, en attendant l’album, Dupuis fait un prélancement sous forme de cahiers à collectionner – une pratique commerciale que nous appelons dans notre jargon professionnel « la tonte des pigeons ».
Ce cahier grand format (32 cm x 24 cm) se compose d’une jaquette à la jolie couverture intrigante au recto rempli de grabouillis tout aussi excitants qu’illisibles, 21 pages de BD noir et blanc et la première partie d’un roman signé Tif & Tondu.
On évite le choc
C’est que nos deux héros ont un vrai métier bien de chez nous : ils écrivent des romans aventureux où ils se mettent en scène. Une sorte de littérature autobiographique plus mouvementée que les sorties littéraires de la rentrée. Et qu’ils sont à la poursuite de trafiquants de peintures volées. Et que Kiki, la belle blonde aux jambes interminables et à la bouche pulpeuse se fait enlever.
Alors, est-ce que ça mérite le détour ? Déjà, ce n’est pas du pur Blutch, qui n’est pas trop réputé pour ses scénarios trépidants tirés au cordeau et qui a passé la main (blanche) à son frère Robber. Une histoire qui a un peu de mal à démarrer – mon résumé vous dit déjà tout. Le plaisir, réel, vient de la multitude de personnages secondaires parfaitement croqués et réjouissants (éditrice, libraire, lecteur…) De plus, les frangins réussissent à incarner Tif et Tondu, deux personnages qui m’ont toujours laissés perplexe, en accentuant leur différence de caractère (Tif hâbleur et Tondu ronchon et inquiet).
Qualité Dupuis
Au final, j’achèterai sans sourciller le cahier n°2. C’est un poil cher pour le curieux mais l’amateur bénéficie de suppléments fort sympathique et Blutch dessine ça très sérieusement. Son approche du décor (très rétro) est à l’opposé de celle de Will et mériterait une étude approfondie.
Et il y a un certain charme à voir Tif et Tondu, ces espèces de faux jumeaux, repris par deux vrais frangins.
Vous pouvez retrouver des photos des originaux sur le blog Dupuis http://blog.dupuis.com/exclu/sur-la-table-a-dessin-de-blutch-un-retour-inattendu/.
Et une ”masterclass”sur France Culture vendredi prochain…
Ah, je tâcherai d’y jeter une oreille.
Blutch en interview pour la postérité : https://www.franceculture.fr/emissions/les-masterclasses/blutch
Ah, ah, j’ai toujours les chocottes d’aller écouter ce genre de choses, peur d’être frustré ou déçu.
Blutch a toujours des choses à dire dans ses interviews il me semble, même s’il a une tendance un peu modianesques aux digressions. Pour info Sfar et Mézières (l’année dernière celui-ci) ont aussi été interviewés dans cette série des masterclasses (très recommandable).