De cap et de mots est au départ un roman jeunesse de Flore Vesco. Avec la participation des Kerascoët pour l’adaptation, c’est maintenant un album publié chez Dargaud. Un bel album de cent pages qui marque le retour des Kerascoët à la BD grand format après un étrange Voyage en Satanie au destin chaotique (un tome chez Dargaud puis un recueil chez Soleil quelques années après) et qui ne m’avait guère emballé (scénario Vehlman).
L’esperlune de la comtesse sur la commode
Séline a beau être comtesse (peut-on être comtesse du vivant de sa mère ?), c’est surtout une jeune fille pleine d’énergie et d’imagination qui anime le château familial à la tête de ses frères, au grand dam de sa mère et à l’amusement tranquille de son vieux papa. Qui décède, ne laissant que peu de choix à Sérine : un mariage imposé par sa mère ou partir à la cour pour devenir demoiselle d’honneur de la Reine. Son esprit et sa vivacité vont lui permettre de gagner le cœur du personnel de la Cour et de se faire une place auprès de ses Majestés. Mais un sombre complot s’ourdit et Sérine fait des jalouses.
La littérature a ses avantages
J’ignore si c’est dû au fait que c’est une adaptation d’un livre, mais voilà un scénario d’une grande richesse avec moultes personnages secondaires très vivants et plein de péripéties stimulantes. Je ne suis pas très adepte du roman graphique de nos jours et j’ai été quelque peu déconcerté de lire une BD où il se passait tant de choses. C’est jeunesse, donc il n’y a pas de grosse surprise à la fin, ce qui m’a quelque peu agacé : en bon républicain, j’espérais une vraie bonne révolution plutôt que la prolongation des privilèges.
Côté dessin, on retrouve la technique utilisée ces dernières années par les Kerascoët, à savoir des couleurs directes sur un dessin très souple. C’est très efficace, la petite Sérine a le charme et l’énergie voulue, les personnages secondaires sont bien croqués, mais je reste quelque peu sur ma faim. Avec Beauté, les Kerascoët avaient réalisé un travail très ambitieux inspiré par une tradition graphique européenne et porté par des choix conceptuels forts. Les couleurs directes des travaux suivants m’ont semblé comme une respiration après ce qui a dû être une expérience harassante. Mais j’aimerai bien que Beauté ne soit pas le point d’orgue de leur carrière et je rêve d’un album visuellement aussi (plus ?) ambitieux. Et c’est un album jeunesse à plus de vingt euros, donc quelque peu réservé aux enfants sages.