La désolation fait partie des histoires que je qualifierai de sombre d’Appollo à ranger avec les albums réalisés en collaboration avec Stéphane Oiry, une histoire qui porte un regard peu amène sur la condition humaine d’aujourd’hui et celle à venir.
Évariste, de son vrai nom Jean-Louis Payet, prend place sur le Marion Dufresne, le fameux navire qui fait la liaison entre l’île de La Réunion et les îles Kerguelen, chargé de scientifiques partant en mission de quelques mois pour les fameuses terres désolées. Évariste n’est pas scientifique. Il a acheté une place de touriste sur un coup de tête pour fuir un chagrin d’amour et l’horreur de la civilisation. Les amateurs de BD se rappelleront l’album de Lepage (cf. ma chronique ici) et on retrouve peu ou prou la même ambiance mais en version dégoûtée. C’est qu’Évariste n’est à sa place nulle part. En partant pour les Kerguelen, il ne s’attend à rien, observateur désabusé de ses congénères humains, resassant son histoire d’amour foireuse en matant les photos Instagram de son ex. Finalement, il va trouver son destin sous forme de rochers.
C’est un peu compliqué pour moi de me faire un avis sur cet album. Il se trouve que je connaissais déjà l’histoire tirée d’une nouvelle d’Appollo pour le magazine littéraire Kanyar (article ici), il n’y avait donc pas la surprise de la découverte. Le dessin de Gaultier est parfaitement adaptée à la noirceur de l’histoire (école indé US tendance Clowes, Burns, ce que j’appelle « le dessin où des types à lunettes suent du front ») et réussit quelques cases marquantes. Mais c’est une école graphique à laquelle je n’ai jamais accroché. Je me retrouve donc dans l’impossibilité de conclure : est-ce que je ne préfère pas finalement la nouvelle à la BD ?
Reste qu’Appollo donne, comme à son habitude, du grain à moudre au lecteur. Avec le voyage d’Évariste, il joue sur le besoin très moderne de l’évasion/du retour à la Nature/de la communauté refuge. Évariste cherche à échapper à sa culture familiale en changeant déjà de patronyme puis à la société contemporaine symbolisée par son ex petite amie. Le voyage vers les Kerguelen est en fait une tentative de transformation qui n’aboutit à rien parce qu’Évariste n’a rien en quoi se transformer. Le Marion Dufresne est un joli paradoxe à lui tout seul : il symbolise un voyage qui serait l’antithèse du tourisme de masse (petit groupe privilégié, longueur du trajet en bateau, projet scientifique en excuse utile, départ de l’île dite paradisiaque pour un caillou glacé et venteux). Ce fantasme de vouloir ne pas faire comme les autres pour vivre une expérience « exceptionnelle » qui « marquera à jamais » est finalement de la même eau qu’un voyage en Thaïlande ou en Grèce. Dans tous les cas, il n’y aura pas de miracle. Sauf que dans La désolation, Évariste va bien trouver l’essence de l’Humanité, le rêve post-zadiste dans toute sa vérité crue. Pour échapper à la vie, finalement il n’y a rien de mieux que la Mort.
Oula,tu laisses présager une fin dramatique..
Je vais être obligée de lire cette BD maintenant ;)
Pas du tout. Ils se marièrent et vécurent heureux.
Bonjour, Il y a une faute à mon nom. (Voir la couverture, ci-dessus.)
signé : un dessinateur porteur de lunettes qui sue du front.
CG
Ce n’est pas le dessinateur qui sue du front, ce sont les personnages. Et pour le nom, j’aurais dû parier. J’étais sûr que j’allais faire une erreur.
C’est pas clair du tout et je sue tout de même du front.
Par ailleurs, je trouve que les planches ne sont pas du tout mises en valeur. Ce jaune ambiant, hideux et les ombres sur les cadres, Bwaaa, ça ne fait pas du tout envie.
Ah ben c’est parce que je scanne à la va vite moi-même l’album. Mais je peux remplacer par les fichiers officiels.
bin je pense que vous y gagneriez aussi bien en temps qu’en qualité.
Merci.
Sauf que je n’ai pas accès à tous les fichiers officiels (qu’il faut aller chercher). Je regarde les planches qui me plaisent/semblent significatives et je scanne. Je ne vais pas vérifier si elles sont dispos en ligne (je perdrai encore plus de temps). Par contre, pour ce qui est de la saturation, je suis bien d’accord. Je peste pas mal sur ce réglage par défaut que je n’arrive pas à compenser. Du coup, j’ai rescanné la première planche. Pas sûr que ce soit mieux.
Une bonne surprise pour cette rentrée.
Pourquoi une version en noir et blanc ?
Pour ma part,je préfère la version couleur qui,si elle peut surprendre,colle bien au scénario.
Les planches en noir et blanc, c’est vraiment une vision différente du travail. C’est plutôt cohérent de faire une version limitée en noir et blanc pour les amateurs.
Une version noir et blanc, parce que certains apprécient de voir les planches brutes.
Et c’est l’occasion de montrer ma façon de travailler. Il y a dans cette version augmentée, un cahier graphique de 17 pages, contenant des recherches graphiques et des parties de story-board.
Merci.
Les types à lunettes qui suent du front. Ça donne envie.
N’est-ce pas ? À mon avis, ça pourrait te plaire.