Pour la fête des pères, j’ai eu droit à toute l’intégrale du Docteur Poche de Wasterlain – une subtile suggestion de ma part. Je l’avais feuilletée en librairie et j’avais trouvé les suppléments accrocheurs, les propres albums que je possédais appartenant en fait à ma petite sœur à qui je les avais offerts.
J’ai donc attaqué les histoires de ce premier tome avec la légèreté du lecteur un peu blasé qui sait à quoi il a affaire. Et puis je me suis émerveillé à nouveau.
Il faut dire que j’ai découvert le docteur Poche dans des Spirou épars d’un internat militaire et j’avais été effrayé par l’ambiance un peu gothique de ces mannequins qui s’animent – Il est minuit, Docteur Poche. Et ce vieux type qui vivait enfermé dans une horloge ! Mais c’est L’île des hommes papillons qui m’a réellement fait aimer ce personnage avec ces planches pleines de vie et d’idées graphiques – chacune des planches est une nouvelle surprise, qui est capable aujourd’hui d’une telle exubérance, d’une telle richesse dans l’invention ?
Le troisième album qui complète ce recueil, c’est Karabouilla. Un véritable chef d’œuvre de bandes dessinées et je pèse mes mots. S’il y a un sentiment que la BD a dû mal à faire passer, c’est bien l’émotion – vous avez souvent eu la larme à l’œil en lisant une BD ? Et bien, Wasterlain réussit ce prodige avec cette histoire d’amour adolescente, tout en justesse, très éloignée de la poésie inventive des histoires précédentes. S’y rajoute Les belles vacances, un récit écolo avant l’heure tout en subtilité (encore le Docteur Poche dans sa jeunesse avec son demi frère Robert, un rare personnage black ”normal” dans la BD), loin des discours plombants de certains moralistes.
Le livre est complété par des histoires courtes – dont deux d’Harry Pickson que je ne connaissais pas et qui montre le docteur Poche en détective Belle Époque aux enquêtes farfelues – quelques crobards (toujours très succincts chez Wasterlain) et le texte de présentation. Même si Wasterlain se plaint dans la monographie qui lui est consacrée de ne pas avoir été assez consulté pour la confection de ces recueils, c’est vraiment du beau travail et ça rappelle à quelques points Wasterlain a été et reste un auteur incontournable, faisant le lien entre le classicisme franco/belge (il a travaillé pour le studio Peyo) et une nouvelle BD plus libre dans sa forme et dans son fond.
Cette grâce ressemblerait presque à un accident;nous y aurions trouvé mille choses tandis que Wasterlain cultivait un autre but..?Le burlesque ému du ”petit singe”m’avait touché de même.
Couleurs éclaircies?Mince,quel dessin..!
Je n’ai pas comparé les couleurs. Mais le papier est différent – et mon scan est probablement différent :-) C’est vrai que Wasterlain a choisi de s’orienter vers quelque chose de plus efficace – à la Belge ?
Je ne sais plus qui disait ”pour être considéré comme un vrai auteur BD en Belgique, il faut vendre beaucoup d’album” – citation approximative et peut-être inventée.
C’est un roc ! … c’est un pic… c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ? … c’est une péninsule !
Plutôt une pointe.
Tout à fait d’accord avec le fait que l’Île des Hommes-Papillons est vraiment son chef-d’oeuvre..
Un dessin au top (”Il est minuit…” est encore assez maladroit, et dès Jeannette Pointu il perd son style même si le premier est encore lisible), une fantaisie tendre et débridée, un scénario construit et original (La Planète des Chats a encore un dessin magnifique mais intègre quand même trop de clichés qui sentent le début d’une panne d’inspiration).
Mais je crois que ce qui as tué Wasterlain c’est aussi son incapacité à définir précisément le genre de sa série (quel point commun entre le très touchant ”Karabouilla” et le magnifiquement loufoque ”Il est Minuit, Docteur Poche” ?), dans un journal qui était beaucoup moins tolérant que Tintin sur cet aspect.
(dans Spirou, il y a bien ”421” qui a connu une évolution similaire, mais c’est tout il me semble)
Je ne suis pas assez calé en 421 pour pouvoir m’exprimer sur la question. J’ai beaucoup de tendresse pour La planète des chats. Il assume complètement l’aventure au premier degré avec beaucoup de malice. Et c’est presque un album conceptuel avec ses séquences très courtes. Ce qui a ”tué” Wasterlain, c’est qu’il était trop créatif pour Spirou mais trop belge pour pouvoir faire quelque chose ailleurs.
Par contre, votre remarque sur Tintin me laisse un peu perplexe. Je me suis toujours ennuyé à le lire et je ne l’associerai pas trop à la tolérance créative pour ses auteurs – qui n’ont jamais été très révolutionnaires.
Pour Tintin, je ne parlais pas de tolérance créative ni d’audace révolutionnaire, mais du fait que les séries partaient facilement loin de leur point d’origine, mélangeaient allègrement les genres (pas forcément avec beaucoup d’intelligence d’ailleurs).
Je pense à Naomi de Crisse par exemple, qui commence tendre et poétique pour au troisième album devenir beaucoup plus dur…
Pour le coup, je n’ai pas assez de recul pour commenter. Sur Spirou, il y a eu quand même des évolutions dans certaines séries. Franquin et son Spirou évidemment, mais aussi des choses comme Yoko Tsuno ou le Scrameustache – pour aller vers des redites ou rendre la série le plus grand public possible. Et puis les auteurs des années 80 qui sont passés à autre chose. Jojo est une série qui a pas mal évolué.
Je rajouterai qu’il a déclaré que son dessin première manière lui demandait beaucoup de travail, ce qui explique l’évolution graphique.