Quand j’ai proposé Aglaëe Aglaé (dit encore les enquêtes insolites des Maîtres de l’Étrange) aux éditeurs, j’ai été un peu déçu du manque de réactivité de leur part… Ce n’est qu’après coup que je me suis rendu compte qu’il y avait de nombreuses séries et histoires sur le même thème (enquêtes à la Belle Époque) en publication ou en projet. Du coup, je me suis mis à lire ce que mes confrères avaient réalisés sur le sujet. Et j’ai peur de ne pas avoir tout vu…
Chez Vents d’Ouest, le thème est porteur puisqu’il y aura trois histoires en comptant la mienne. Chambres noires d’Olivier Bleys et Yomgui Dumont est d’inspiration fantastique baroque. Une famille allumée escroque les crédules en faisant apparaître des ectoplasmes sur des plaques photographiques (très à la mode à l’époque). Sauf qu’un vrai fantôme apparaît un jour. Je n’ai lu que le premier tome (le second est sorti il y a peu) qui est assez intrigant et un peu frustrant (les motivations des méchants se font un peu attendre). Le dessin de Dumont, qui rappelle aussi bien la Nouvelle École française (Sfar, Blain…) que Tim Burton est très expressif et souligne l’étrangeté de l’histoire. Si je devais donner mon avis (c’est fait), je dirai que la famille de héros est un peu trop compliquée : il y a un membre pour chaque situation, ce qui est bien pratique pour la narration mais donne un résultat étrange.
Les quatres de Bakerstreet (que je m’obstine à appeler ”de Baskerville”) est une série qui marche bien et qui arrive à son quatrième tome. Elle n’est pas vraiment Belle Époque mais plutôt Victorienne puisqu’elle se déroule à l’époque de Sherlock Holmes. Le fameux détective utilise les gamins errants de Londres comme source d’information et la série reprend le concept en mettant en avant trois gamins orphelins engagés par Sherlock et qui vivent leurs propres aventures. Je n’ai lu que le tome 2, Le dossier Raboukine. Dans cette histoire, il n’y a pas vraiment de mystère (un meurtre rapidement élucidé et secondaire) mais plutôt un emprunt à l’Histoire intéressant : la lutte entre la police secrète tsariste et les exilés russes révolutionnaires. L’approche est très classique (Loisel a signé la préface du premier) aussi bien dans la narration/découpage que dans les personnages et intrigues (les gamins sont débrouillards et propres sur eux, les révolutionnaires au nombre de cinq, la fille jolie…). Ce tome 2 n’est donc pas particulièrement Holmesien mais je n’ai pas lu les autres. Le seul point qui m’a chiffonné, c’est la lumière d’août qui tombe en permanence sur Londres : c’est particulièrement coloré et lumineux même quand il pleut, on se demande un peu où est passé le fameux fog :-)
Je connaissais déjà le travail de Cyril Bonin en tant que dessinateur de Fog, une série Victorienne avec Roger Seiter au scénario que j’avais bien aimé. Les histoires étaient intrigantes et le dessin de Bonin avec ses personnages longilignes ajoutaient à l’étrangeté. Pour cette histoire en deux tomes (un seul lu), la quatrième de couverture fait référence à Arsène Lupin et nous avons un inspecteur appelé Lupin qui enquête sur le vol de trois tableaux sans valeur dans une famille bourgeoise. Si l’enquête commence à peine dans le premier tome, l’histoire tient bien la route grâce aux différents personnages soigneusement construits et qui ne se dévoilent que peu à peu. Une jeune fille qui vit le monde à travers les romans, une mère qui se sent mal en permanence, un grand père un peu sénile et souriant, une tante très moderne et douée pour le tir au pistolet et une inspecteur, grand échalas malin qui ne se laisse pas manoeuvrer… Difficile de dire qui a commandité le cambriolage. L’ensemble est très théâtral mais dans le bon sens du terme avec une vraie qualité de dialogues.
Je n’ai pas lu Aspic, les détectives de l’Étrange (argh, j’arrive après dans l’Étrange) de Thierry Gloris et Jacques Lamontagne qui en sont à leur second tome. Pour le coup, j’ai un peu la honte parce que les personnages ne sont pas sans rappeler Aglaëe : un vieux enquêteur du nom de Dupin enquête sur des évènements étranges, secondé par une jeune fille hyperactive. L’ensemble paraît soigné mais je n’ai pas eu l’occasion de le lire.
Clues, publié chez Akileos, en est à son deuxième tome. Entièrement réalisé par Mara, la série raconte l’enquête d’une jeune fille qui rejoint Scotland Yard à la période victorienne (c’est possible ? Non, ce n’est pas possible) et qui découvre que l’affaire dont elle s’occupe a des ramifications avec la mort de sa mère. Le graphisme vient ‑encore !- de l’animation. Visiblement, un troisième tome est en préparation. Pas lu – et merci à Totoche pour l’avoir déniché.
Special Branch est une unité d’enquête scientifique d’élite de la police anglaise victorienne avec une fille dedans – quelle ouverture d’esprit, ces Anglo-Saxons ! Seiter et Hamo à la baguette et c’est publié chez Glénat. Il y a un côté étrange à cette multiplication de policiers féminins pour cette époque puisque le concept des enquêtes à la Sherlock, c’est de confronter une rigueur déductive à des évènements étranges, bref remettre de l’ordre là où il y a désordre. Présenter des filles en policier, c’est ajouter du désordre pour cette époque et ça frise le contresens mais c’est évidemment très ”moderne” (on pourra se référer au bouquin de Lacassin, Mythologie du roman policier, pour réfléchir au rôle de l’enquêteur dans ce genre d’histoires).
Au final, j’ai l’impression que le thème génère des univers variés et seul Aspic semble fonctionner sur le même registre qu’Aglaëe.
mise à jour du 07/05/2012 : Clues propose aussi une jeune enquêtrice qui prend de l’assurance. Je suis d’une originalité effrayante…
Si vous connaissez d’autres séries/histoires en parution du même genre, n’hésitez pas à m’en faire part que je complète ce billet.
Curieux, cet engouement soudain. A croire que le film de Besson sorti l’an dernier a suscité des vocations. C’était adapté d’une BD célèbre, je crois… Attends, j’ai le nom sur le bout de la langue… Sinon, j’avais bien aimé *Professeur Bell* et *La ligue des gentlemen extraordinaires*.
@Totoche : ah, désolé Totoche, mais les ** ne permettent plus de faire de l’italique (il faudra passer par sauf si j’installe autre chose).
Le film a dû surtout décomplexer les éditeurs :-) C’est comme pour les histoires de pirates et Pirate des Caraïbes. Vivement un grand succès cinéma western.
@Li-An :
On annonce un Django par Tarentino. Qui sait ?
@Pierre : le problème, c’est qu’un western à la Tarantino, ça sera surtout du Tarantino :-)
Yomgui et Bonin sont fabuleux…Est-ce que la (lointaine) série d’Abel (dessinateur lointain) est dans cette catégorie ”belle époque”..?Oh,et Wininger…Belle route à l’Aglaee;nous serons réactifs !
(Et un excellent LAPINOT:”Walter”)
@julien : oui mais ce sont des histoires qui commencent à dater…
Mais moi aussi je commence à dater…
@julien : bah, on est tous dans le même bateau :-)
Bel entretien ce jour dans Casemate.
Quelque chose de programmé dans un Monde de Bulles Sur LCP ?
@Alakaluf : ah, c’est déjà sorti ? Non, pas de Monde de Bulles. Un vieux gag familial parce que je n’aime pas beaucoup le présentateur (sans l’avoir rencontré, hein, c’est juste à la télé) et tout le monde rigole à l’idée que je sois obligé d’être gentil avec lui :-)
Dupin… Le Chevalier Dupin ? Ce doit être une référence au personnage de Poe…
@Guy : en effet, Dupin de Poe est considéré comme l’ancêtre des détectives privés de roman. C’est lui qui inspirera le Sherlock de Doyle. Il y a une référence directe à Dupin dans les Maîtres de l’Étrange.
@Li-An : Et je viens de vérifier on le croise dans la Ligne des Gentlemen Extraordinaires ! Sacré Dupin.
@Guy : je ne suis pas allé voir mais je suppose qu’il doit aussi être présent dans La Brigade Chimérique de Gess et Lehman.
Special branch T.1 de Seiter et Hamo ed Glénat
@Raoul ketchup : ah bravo. Voilà un vrai professionnel :-) Le titre est un peu trop ”moderne” à mon goût…
http://www.bedetheque.com/serie-18094-BD-Clues.html
@Totoche : Bonne pioche, je le rajoute.
@Totoche Tannenen : pas sûr que ça rentre dans la même catégorie. Je demande à voir :-)