En tant que vice-trésorier adjoint de la section loiretaine du Fan Club Kerascoët, il était un peu obligé que je me précipite dans la librairie la plus proche pour acquérir le recueil consacré au travail du fameux couple d’illustrateurs/auteurs BD. Et c’est l’occasion de commencer une semaine ”qu’est-ce que je vais offrir/me faire offrir pour Noël ?” (oui, j’ai déjà acheté mes cadeaux).
Paper Dolls (Soleil)
Que voilà un bel ouvrage qui inaugure une nouvelle collection, Venusdea, dirigée par Barbara Canepa et Clotilde Vu chez Soleil.
Pas étonnant de retrouver les deux mêmes à la tête de la collection Métamorphoses – qui m’a fait pousser moultes soupirs – et Vu est aussi à la tête de la collection Noctambule toujours chez Soleil : des dames qui ont publié sans relâche des histoires d’enfants perdus dans une forêt belle mais inquiétante ne pouvaient que croiser le chemin des Kerascoët.
Paper Dolls est un énorme pavé de 350 pages pour 50 euros fabriqué avec grand soin par de petits Chinois, à la couverture tissu et autocollants fixés (”ça fait cheap les autocollants” a déclaré mon fiston plein de délicatesse), pages découpées pour laisser voir ce qu’il a derrière, impression soignée, on en a pour son argent si on a l’argent pour se le payer – j’ai réussi à m’en tirer en piquant un bon cadeau FNAC qui traînait depuis un an dans les poches du fiston.
Le livre rappelle le concept des 40x40 des Humanoïdes Associés – notamment celui consacré à Moebius – avec une palanquée d’images de tout horizon (crobards, travaux publicitaires, recherches personnelles, images rares, photos de travail…) et un texte minimaliste (il faut parfois chercher la légende, ce qui est un peu enquiquinant).
Il y a de quoi faire puisque les Kerascoët font feu de tout bois : connus sur ce blog pour leur travail de dessinateurs BD, ils œuvrent aussi régulièrement pour de grandes marques (magasins, parfums, magazines…), créant packaging et design. Il y a d’ailleurs une dichotomie dans leur travail (sûrement issue du fait qu’ils soient deux à bosser en concert): un graphisme très simple dans les personnages, quelque fois relâché, très graphique, que l’on retrouve surtout en BD et une précision diabolique dans des œuvres décoratives plus à destination des commandes. Mais les deux peuvent parfois se mélanger ponctuellement.
Une interview très intéressante à la fin de l’ouvrage nous apprend que Marie Pommepuy est plutôt la partie créative et impulsive du duo tandis que Sébastien Cosset préfère passer derrière pour rendre les choses efficaces – j’imagine que c’est plus complexe que ça mais ça résume la chose.
Le livre reprend l’intégralité de leurs travaux – à l’exception notable des Donjons – et on découvrira notamment des dessins pour deux projets de film d’animation sous la houlette de Vehlmann. Il y a donc des cartons d’invitation, des extraits de planche, des ex-libris, des petits crobards, des affiches…
En tant qu’auteur, j’ai été finalement frappé par deux choses : le dessin quelque fois très simple des personnages, proches d’un Hergé des débuts avec un héritage Sfar, mais un Sfar qui verrait plus loin que ses personnages. Une simplicité qui permet d’avancer vite pour en tirer une vitalité et un mouvement très moderne. Et, en parallèle, une précision diabolique dans les détails, notamment vestimentaires où tout est soigneusement pensé pour habiller littéralement le personnage. Beaucoup de dessins de travail mérite plusieurs degrés de lecture : presque basiques à première vue, ils prennent de l’ampleur sur des choses à peine perceptibles et dépassent la joliesse. Et leur sens décoratif est diabolique – je ne connais aucun dessinateur BD (peut-être Druillet ?) avec de telles qualités graphiques.
Je sens que je vais payer de ce pas ma cotisation au Fan Club pour l’année 2015.
Beauté – intégrale (sc. Hubert – Dupuis)
Il y a quelques mois est sorti une intégrale Beauté reprenant les trois albums de l’histoire mais en version noir/blanc/doré. On peut voir dans Paper Doll que les Kerascoët ont dessiné chaque planche en posant une couleur unie en plus du noir (une couleur différente pour chacun des albums il me semble). Finalement, l’éditeur a préféré des couleurs classiques et une version luxe de chacun des titres a repris le rendu des planches originales (au prix rédhibitoire). Cette intégrale permet donc d’apprécier le concept un peu modulé par un choix uniforme d’un doré classieux.
Les Tchouks (sc. Benjamin Richard – Rue de Sèvres)
Dans un concept un peu schizophrène, Les Kerascoët ont signé plusieurs petits livres enfants – textes de Benjamin Richard – dans une série appelée les Tchouks.
Je dis ”schizophrène” parce que Rue de Sèvres est présenté comme la partie BD de L’école des Loisirs et on peut penser que la collection aurait eu plus sa place là-bas.
Je n’ai acheté que le premier tome – On a fait une cabane ! – et j’avoue que je n’ai pas été convaincu.
On retrouve plein de petits personnages rigolos – les Tchouks en question – qui jouent en bande et qui vont construire leur cabane. C’est trèèèès gentil et on se demande quel âge est visé exactement : on ne construit pas de cabane dans la forêt à cinq ans sans son papa ou sa maman et on a l’impression de voir des gamins assez grands pour être indépendants parler comme des bébés. Les dessins sont aussi un peu décevants : sur ce premier tome je n’ai même pas cherché à comprendre qui est qui – ils sont tous ”différents” sans que leur personnalité (si ils en ont une) ne transparaisse dans leur design. Et le lettrage informatique m’a fait pleurer.
J’ignore si les histoires s’améliorent par la suite mais je n’ai pas du tout accroché.
Et l’avenir ?
D’après ce que j’ai compris et sauf rebondissement de dernière minute, il n’y a pas de projet BD pour les Kerascoët – comme dirait un des libraires de ma connaissance ”ça ne se vend pas ces trucs” – je ne sais pas ce que deviennent les projets de film d’animation. Pour les travaux de com’, il faudra guetter leur blog.
L’ensemble du Fan Club loiretain retient son souffle pour 2015…
Je en te savais pas autant fan de base. ;)
C’est très très très rare que je fasse mon fan (Hitchcock, Lynch, Moebius, Franquin, des gens comme ça qui ont déjà une vraie stature en général). Mais en même temps, la fanattitude n’est pas très rationnelle : on craque pour un artiste pour des raisons objectives et quelque fois un peu obscures. Et ça fait du bien d’être un peu fan à mon âge, d’attendre avec angoisse et impatience la prochaine œuvre… Ça ne risque plus d’arriver avec Franquin ou Hitchcock…
A la dernière assemblée plénière du Kerascoët fan-club du Comtat Venaissin, un consensus s’est dégagé autour de la motion que les Tchouks c’était bien pour lire à haute voix aux petits qui lisent pas encore (mais qui ont déjà très envie de construire des cabanes).
Je ne veux pas risquer une scission entre Fan Clubs. Et je n’ai pas pu tester sur un public de l’âge adapté – mon fils est parti en courant (oui, il sait marcher).
Diantre ! Il est superbe cet ouvrage !
En tant que libraire qui a eu à vendre leurs BDs, j’avoue que ce ne sont jamais des best-sellers, mais tous leurs albums ont la reconnaissance du public. Personnellement je chéris mon album de Jolies Ténèbres…
Un album étonnant, ce Jolies ténèbres. Je sais qu’il y a un projet qui dort dans le tiroir d’un éditeur et ce serait bien qu’il le ressorte.
On peut fusionner avec le fan-club (autocollants gratuits et magnets à volonté)de Matthieu Bonhomme?Il se trouve que Dupuis a aussi mis-en-intégrale de ce côté.
La grâce du beau duo poursuit de fasciner.Mais l’envie absolue d’en connaitre les coulisses ne me convainc plus.
En plus, je n’ai pas acheté grand chose de sa série baleinière. Mais bon, priorités, priorités.
Les coulisses ne sont qu’une petite partie du bouquin des Kerascoët.
Pour ce qui est de la dichotomie entre les personnages et le reste, cette interview ( http://www.9emeart.fr/post/interview/franco-belge/kerascoet-paper-dolls-l-interview-3027 ) nous apprend qu’en fait c’est surtout Marie Pommepuy qui s’occupe des personnages, cqfd.
Une interview un peu planplan. Je les aurai bien interviewé pour ce blog mais ils ne sont pas fans de l’exercice…