La cuisine des Ogres (Fabien Vehlmann & Jean-Baptiste Andreae – Rue de Sèvres)

Atten­tion ! Cet album comporte du lettrage informatique.

cuisine ogres vehlmann andreae cover
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Il devient quelque peu diffi­cile de faire de la BD d’imagination un peu élabo­rée dans un paysage édito­rial qui vomit de l’adaptation litté­raire ou du docuBD comme d’autres vomissent leurs litrons à la fête du vin de Bourgueuil. Le « conte pour adulte » semble être une approche futée : on n’est pas obligé de faire réaliste et on peut toucher un public litté­raire — pour le public BD tradi­tion­nel, on se conten­te­ra d’une bonne rasade de Schtroumpfs ou de Blake et Morti­mer.

Enfants au citron

La cuisine des Ogres a un peu le cul entre deux chaises. Il a les carac­té­ris­tiques d’une BD jeunesse (une enfant comme héroïne) mais la cruau­té de l’histoire peut viser un public plus large.

J’avoue que le mot «  ogre » en BD me fait immédia­te­ment penser à la fameuse série du regret­té Hubert (chroni­quée ici) et j’ai vague­ment craint la redite. En fait, pas du tout, Vehlmann, au scéna­rio, développe un univers inatten­du en situant son histoire… en Savoie. J’ignore si c’est tiré d’un authen­tique conte local, mais on conseille aux enfants d’éviter une partie de la montagne toujours ennuagée/​enfumée où les ogres feraient leur cuisine. Et keski­mangent les ogres ? Des petits enfants.

Voilà donc Blanchette, gamine empotée en rupture de ban, enlevée par une terrible créature qui destine ses proies au marché des ogres. Notre héroïne découvre alors un univers peuplé de person­nages fabuleux, tout un écosys­tème basé sur… la cuisine des ogres.

Omnivore

Dans notre socié­té où le manger devient un enjeu politique, écono­mique et écolo­gique, pas étonnant que les ogres aient le vent en poupe. Voilà des personnes qui ne se contentent pas de salade au quinoa. « Je mange, donc j’existe », voilà leur credo. Avec un Andreae qui atteint sa vitesse de croisière côté dessin, Vehlmann s’amuse à décrire, jusque dans les détails les plus violents, le fonction­ne­ment de la cuisine. On frise le gore dans le grotesque et c’est assez réjouis­sant. Les créatures qui vivent autour de cette cuisine sont tout aussi travaillées et l’univers tient merveilleu­se­ment la route.

On salue­ra la perfor­mance de Andreae qui reste inspi­ré et multi­plie les scènes impres­sion­nantes sur près de 80 pages – éh oui, on fait des BD comme avant mais à la pagina­tion roman graphique de nos jours. J’ai vraiment eu beaucoup de plaisir à la lecture, Vehlmann démontre son effica­ci­té et sort un récit très solide, avec de multiples person­nages secon­daires soigneu­se­ment imbri­qués dans le récit. Ça m’a épaté.

On finira par une note amusée : l’éditeur n’hésite pas à impri­mer en quatrième de couver­ture que c’est une « histoire complète ». On voit que les lecteurs n’aiment plus qu’on les prenne pour des jambons de nos jours – même si le sous-titre Trois-Fois-Morte laisse à penser que d’autres volumes sont prévus.

cuisine ogres vehlmann andreae 02
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4 commentaires

  1. ”C’est une histoire complète”…ce doit être l’équi­valent de ”salle clima­ti­sée” pour les restaurants…par contre, on en a fini avec les autocol­lants ”par le scénariste(dessinateur)de…”
    À part ça…il fut un temps où un auteur tenait absolu­ment à affir­mer, préci­ser d’emblée qu’il ne lisait pas la moindre bande dessinée…ton enthou­siasme et ta curio­si­té dans un regard critique est d’autant plus appréciable.

    • En fait, j’en lis très peu, notam­ment parce que c’est cher à acheter – et les tendances édito­riales ne corres­pondent pas à mes goûts. Et il faut recon­naitre que faire des BD et en lire sont deux choses très diffé­rentes. Il y a des metteurs en scène de ciné qui ne doivent pas aller beaucoup en salle.

      C’est un peu étonnant que je m’achète autant de BD sur une période aussi courte.

  2. C’est surtout un désir d’enthou­siasme qui m’appa­raît salutaire dans un flot de parutions.
    Entre Thier­ry Martin, Cyrille Pomes (dont le ”Bertillon”avec Dracq et Barth est excellent)Tehem,Merwann,etc etc, on parvient toujours à regagner cet appétit pour un genre, peut-être afin d’y saisir,aussi, nos sensa­tions premières propres à l’enfance ?

    • Pas toujours relié à l’enfance. Le magazine Spirou des années 80, c’est mon adoles­cence et il est aussi lié à Métal Hurlant du coup. Et l’Assoce, je suis adulte.
      En fait, je n’ai pas eu beaucoup accès à la BD dans mon enfance. J’ai commen­cé à en lire à l’adolescence vraiment.
      J’ai un Pomes à chroni­quer, mais ça va dans être une salve ”déçu”.

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