Vous connaissiez la rubrique copinage mais je n’avais pas encore fait le coup du semi-copinage. Copinage puisque Séverine Lambour a réalisé les couleurs de Tsofia et que je n’aurai probablement jamais acheté cet album (notamment parce que ça ne rentre pas dans le cadre étroit de ma culture étriquée) et semi parce que c’est la saison des semis. Hum. Semi parce qu’il permets des réflexions sur bien des choses.
Olivier revient dans son petit village natal pour l’enterrement de son père. C’est l’occasion pour lui de se confronter à une vie et une mentalité qu’il a fuit, à un amour passé et surtout à l’influence d’une rebouteuse incontournable et qui semble gérer la vie de tous les habitants du village.
Déjà, c’est un album rural avec des gens ”normaux” et ça, ça me fait super plaisir. La ”nouvelle BD” a beau se gargariser avec sa nouvelle approche, elle tombe dans les mêmes travers que le roman français ou le cinéma (peut-être en pire) à ne parler que de ce qu’elle est, c’est à dire de citadins jeunes et inquiets. Il n’y a guère que Davodeau à se pencher sur les gens des campagnes (et Rabaté dernièrement ?), des gens qui ne semblent intéresser les médias que pour la fête du boudin. Ensuite, il y a le dessin de Benoît Springer, un personnage de Bétagraph à lui tout seul (cf. prochain billet). Arrivé dans le monde BD par la porte Delcourt, il s’est naturellement attaqué à des univers héroïc fantasy puis fantastiques/urbain vu les facilités et les qualités techniques de son dessin. Sauf que ce n’était visiblement pas sa voie. Après des années à suer à grosses gouttes, il a décidé de se remettre en cause avec beaucoup de courage et de s’aventurer vers des histoires sensibles dans un univers contemporain soit tout seul ( Les funérailles de Luce que je n’ai toujours pas lu, pardon Benoît), soit avec Séverine Lambour, n’hésitant pas à travailler avec de toutes petites maisons d’édition – La boîte à bulles pour ne pas la nommer. Autant dire que les croiser à Angoulême et discuter avec eux vous oblige à vous poser des questions sur votre propre cheminement…
Le talent de Springer l’oblige à une réflexion inédite : alors que le dessinateur moyen tente de s’améliorer techniquement, Springer cherche à oublier son dessin, à simplifier le trait, à ne pas en faire trop. Ce qui donne un album très sobre visuellement parlant, très réfléchi au niveau du cadrage et du plan, sentiment accentué par les couleurs légères de Lambour. L’histoire est du même tonneau, très écrite, ne laissant aucune place au flottement et entièrement tournée vers les rapports entre les différents protagonistes (ce qui lui donne un petit côté théâtral). Le grand intérêt de l’histoire est de ne pas conclure : cette rebouteuse qui n’apparait qu’à la toute fin de l’histoire est-elle une manipulatrice perverse ou sert-elle juste de révélateur à une population qui refuse de prendre en main son destin ? Je ramasse les copies dans une heure.
Ça ne va peut-être pas accrocher les amateurs de Blutch ou de Guardino mais je trouve plutôt sain qu’il y ait des alternatives à une BD qui se niche de plus en plus.
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C’est une belle découverte,joliment,trés joliment narrée…Ah oui,il franchit des étapes Springer;j’avoue une décèption-relative-sur son précédent livre(”…Luce”)que je croyais etre l’expression d’une mode(au meme moment Pedrosa et Duchazeau s’essayaient à l’oeuvre intime dans un n/b à la Blutch);ravi de m’etre tromper complétement:Quand une seule page vous donne envie…Avec beaucoup d’humour,B.Springer avait commis quelques ”leçons” de dessin et j’aime,j’aime vraiment l’idée d’un auteur qui reste ainsi continuellement éveillé,ouvert,prompt à toutes influences(j’aime BEAUCOUP Benoit Springer)et je loue la meme sobriété dans le travail fin de S.Lambour.Cela relance ma question quant au stade de collaboration entre les deux auteurs;la mise en couleurs pensée,créée dans les premiers pas du récit,en cours..?C.Gibelin avait de belles idées là dessus…Merci LI AN !
Tiens, c’est une question intéressante surtout que moi je réfléchis peu aux couleurs quand je dessine. J’imagine que ça dépend des auteurs. Dans le cas de Lambour/Springer, ça doit être plus facile…puisqu’ils vivent ensemble :-)
Davodeau … Rabaté … tu en fais beaucoup pour nous donner envie de lire cet album ;-)
Honnêtement, je ne me suis jamais intéressé à Benoit Springer. Peut être que ses albums sont un peu noyés dans la surproduction Delcourt (ou la surproduction tout court). Il y a les ”Funérailles de Luce”, c’est vrai, mais je ne m’y suis pas encore intéressé.
En tout cas, la planche que tu montres est plus qu’intéressante. J’aime bien la sobriété de la présentation (les couleurs aussi, d’ailleurs).
Oui, bon, c’est juste des noms pour cibler l’univers. Ils ne font pas du Rabaté ou du Davodeau. C’est leur truc à eux, hein :-)
des hommes d’influences ?
Un trés bon album sensible avec de belles ambiances couleurs mais une couverture invisible qui ne reflete pas la richesse du récit.
Euh,puis-je me permettre une question?Je n’ai jamais vu le moindre bout du nez d’un album de Springer,peu avant LUCE,nommé”3 ardoises”(?pas certain…)annoncé courant 2004-05…Bon,mais quoi il est paru ce livre ?
@julien : Tu trouveras sa biblio complète ici.
Merci !
@raoul ketchup : en effet, la couv dessert un peu l’album, je suis d’accord. Et merci à Provisus de répondre en mon absence :-)
Le talent de M Springer est multiple, j’ai tjrs apprécié son trait et sa narration. Son univers est à la fois riche, à la fois ”bigger than life” et intimiste… Toujours surprenant de par ses choix de scénarios… un gars à suivre. Je me demande bien ce qu’il va nous concocter…
À ce qu’il me semble, un projet chez la Boïte à Bulles et un autre chez Cadran Solaire.
A suivre … cadran solaire ? çà sent le ”bigger than life” , cool.
Je ne sais pas si ”Bigger than life” peut s’appliquer à leur travail :-)
Je ne suis pas un champion du discours sur l’oeuvre, néanmoins j’apprécie l’introduction du fantastique dans la vie ”normale”. Je retrouve cet aspect dans volunteer, dans les funérailles de Luce…
j’entendais pas ”bigger than life” des histoires qui sortent de l’ordinaire, du ”réel”, pas des super héros à la mode US
Mais je te rejoins dans la rebouteuse, le réel est présent et le ”fantastique” bcp moins.
J’ai découvert le travail de Benoit Springer avec Terres d’ombres qui pour moi reste un must de l’heroic Fantasy, ma préférence va à ce récit qui a su s’approprier le genre tt en lui apportant un souffle nouveau.
Idem pour Volunteer ou les auteurs mélangent les genres avec brio. Concernant l’heroic fantasy, Il m’a fait part dans son blog de sa volonté de ne plus aborder ce genre. Mais comme il a des doigts en or au service de scénarios surprenants…je suivrai son évolution avec plaisir.
Vu ce que tu présentes sur ton blog, je comprends tes préférences :-). Disons que j’ai l’impression qu’il préfère se consacrer au ”quotidien” en ce moment.
petite note , Rabaté fait de la bd ” campagnarde ” depuis presque 20 ans et ce bien avant d’etre édité chez VO ( ici ) . IL en a d’ailleurs bien ch… pour imposer son univers qui au départ était graphiquement très sombre avec plein de coup de pinceaux secs ( pas du tout tendance à l’époque ) après il a fait Ibicus et puis le reste ( décollage , reconnaissance venant avec ).
c’était pour relevé ton ”dernièrement ? ”dans ton texte d’intro :-)
Rabaté venant de me région natale , je tenais à préciser la chose ;-)
bon mon lien à l’air de ne pas fonctionner , au niveau de ces première bd je pensais à ”les cerisiers” a l’asso puis ”ex voto” chez Vo , ”le ver dans le fruit ” etc …
C’est la parenthèse qui a interloqué mon blog (j’ai corrigé). En effet, Rabaté a fait de la BD à la campagne à l’époque mais je n’accrochais pas du tout à son trait très sec. Et le ton ne me plaisait pas …