Pendant longtemps, on a posé la question aux petits lecteurs de BD « Êtes-vous plutôt Spirou ou plutôt Tintin ?» – je parle évidemment ici des magazines. On pensait alors que Spirou favorisait les histoires poétiques, humoristiques inventives alors que Tintin était dans un réalisme plus documenté, plus posé.
Autant le dire tout de suite, j’ai un peu l’impression que la BD d’aujourd’hui est carrément Tintin. Il y a quelques années, quand on me demandait ce que je pensais de l’état de la BD, je bottais en touche en soulignant la vitesse d’évolution des marchés et des éditeurs. Je n’imaginais pas que le côté Spirou se réduirait à des rééditions et de l’exploitation de marque à outrance tandis que le côté Tintin prendrait son envol avec témoignages, récits d’actualité et romans graphiques sérieux. Et les auteurs tendance Spirou alors ? Et bien ils commencent à sérieusement se poser des questions – moi inclus. J’ai toujours eu l’impression que le sens de la BD – jusqu’à l’Association – allait du côté Spirou (Métal Hurlant, Fluide Glacial…). Mais il semblerait aujourd’hui que l’Association ne faisait pas seulement la Révolution : elle était l’ultime tentative d’imposer l’imagination en BD. Espérons que ce ne soit qu’un cycle et qu’on en sortira. Pendant longtemps la BD a été un moyen d’expression d’une liberté incroyable, défrichant des terrains abandonnés par le cinéma et le roman. La voir désormais aussi proche de ces derniers est un peu flippant sans qu’il soit possible de dire si c’est un effet de société ou une rentrée dans le rang bien pénible en contradiction avec les Génies franco-belges qui l’ont portée.
En parlant de l’Association, essayez de trouver le second fascicule d’information qu’elle a publié cette année. On peut y lire une histoire de François Ayroles qui narre avec beaucoup de tendresse et un second degré réjouissant la dernière assemblée générale. J’avais croisé de loin son travail (notamment sur Les moments clef…) et j’ai pu assister à Bastia à deux de ses conférences Oubapiennes qui m’ont incité à essayer de le faire inviter au festival à la Réunion. Puisqu’il y était, il était temps d’acheter un de ses albums et Lucie Durbiano m’a choisi Les amis. Un curieux ouvrage que je n’ai probablement pas encore totalement digéré.
Ayroles met en scène des petits groupes de personnages qui sont amis ou tentent de l’être. L’étrangeté de la démarche est dans le sujet : en soulignant les efforts de recherche d’amitié, les comportement de groupes qui se disent amis, Ayroles introduit un drôle de décalage puisque par définition, l’amitié ne se décrit pas, elle se vit sans arrière-pensée. Un humour pince sans rire très particulier qui n’est pas sans évoquer Goossens.
Réflexions et théorie intéressantes;le côté ”Spirou” survit;il semble être devenu l’audace;celle qui n’a plus droit qu’à un faible public-sans âge,je crois-
Cela me fait penser que les récents ou prochains pavés de Dethuin,Michel Durand,etc…expriment véritablement d’autres possibilités.Ma propre curiosité penche de ce côté là.Alors,oui,plutôt ”côté Spirou”.
Ayrolles est(évidemment)merveilleux.Qui se souvient de ses détournements(il s’agissait d’une bande de Graton,ou Reding,‘sais plus)?
Ah, je ne connais pas du tout ces détournements. Ça serait bien de retrouver les références, tiens.
Il faut lire aussi ”Les Plumes” avec Anne Baraou. Un de mes auteurs préféré. En tout cas, dans tout ce qu’a fait l’Oubapo, je trouve que c’est Ayroles le plus convaincant.
Son détournement oubapien de Michel Vaillant, c’était dans l’oupous 2 à L’
Je ne savais pas trop quoi penser des Plumes et puis il n’est pas auteur complet sur ce dernier. La thématique ne m’emballe pas des masses mais je le note quand même (j’ai peur que ce ne soit un album ”à lire une fois”). Merci pour les précisions sur le détournement.
… à l’Asso (2003 ! il y a dix ans ! et je m’en souviens comme si c’était hier).
Et Astérix, il est plutôt Tintin ou plutôt Spirou ?
Originellement plutôt Spirou. Là il est McDo.