Publié en petits fascicules dans la collection Mimolette entre 1999 et 2002, Les incidents de la nuit reviennent dans un recueil et ça tombe bien puisque je ne les avais pas achetés à l’époque.
David B. rêve d’une revue mythique et inventée, Les incidents de la nuit, créée par Émile Travers, officier napoléonien, qui lutte pour le retour au pouvoir de Napoléon I, lequel attend son heure, tel un Cthulhu au fond de sa caverne. La recherche des numéros de la revue amène David B. à pénétrer dans une librairie/univers où, Travers, qui échappe à la Mort depuis quelques siècles, va se réfugier. Viennent ensuite des commentaires sur la lettre N et son rapport aux génocides. Ce qui nous conduit à la rue des Rosiers avant que Travers ne réapparaisse pour relancer sa revue dans le sang.
Je suis bien incapable de situer cette histoire de David B. dans sa biographie. Il y a un côté coq à l’âne dans sa construction où il mêle de nombreux thèmes récurrents- le rêve, les massacres, les Juifs, les livres, les lettres… C’est toujours fascinant à lire mais, comme d’habitude, je regrette un manque de réel enjeu humain qui donnerait chair aux rêveries cultivées et fiévreuses de David B. Même si apparaissent vers la fin une jeune fille blonde et un commissaire borgne, ce sont déjà des personnages oniriques et littéraires. Les perspectives du livre papier tel qu’on le conçoit dans nos années 2012 accentuent le côté décalé de l’univers, comme si on regardait une galaxie s’éloigner inexorablement en un songe nocturne. Du coup, j’ai quand même mieux compris les raisons du scénario sur la bande des Postiches, dessiné par Tanquerelle et publié il y a peu : David B. est fasciné par les bandes armées, les truands en groupe. Mais j’attends encore une grande oeuvre où il ferait le pont entre ses obsessions oniriques et cultivées et les hommes tout court ‑bon, Jérôme dans les commentaires fait remarquer justement que L’Ascension du Haut Mal correspond à mes attentes. Ce qui est peut-être pur égoïsme de ma part.
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”… comme si on regardait une galaxie s’éloigner inexorablement en un songe nocturne”… c’est joli, ça fait un peu froid dans le dos (je pense à 2001, tout d’un coup).
@Tororo : est-ce qu’on aura encore des livres papiers dans vingt ans ? Est-ce qu’il restera des librairies ? Et combien de lecteurs ?
Brrrrr. Dans le vide interstellaire, il ne fait pas chaud. Enfin, tant que HAL fait bien son travail, il n’y a pas à s’inquiéter.
@Tororo : brave Hal…
”j’attends encore une grande oeuvre où il ferait le pont entre ses obsessions oniriques et cultivées et les hommes tout court.”
C’est pas L’ascension du Haut mal ?
@jérôme : ah si, c’est ça que j’aurais dû mettre :-) Mais je parlais aussi dans la création pure où il n’y a réussi qu’en tant que scénariste il me semble.
@Li-An : Dans l’Ascension, justement, il confesse le besoin, qu’il éprouve depuis qu’il a commencé à dessiner, de se dissimuler derrière ces personnages à masques et à armures, comme derrière une, justement, armure… enfin bon, je ne vais pas développer, on n’est pas chez le docteur Goossens (à ajouter un chapitre à son Introduction à la psychologie de bazar).
@Tororo : en même temps, s’il en est conscient…
Ouais, David B, ça manque de jolies filles et de poursuites de bagnoles.
Blague à part, ça serait pas ”Le Capitaine écarlate” le livre qui fasse la synthèse entre ses obsessions oniriques, historiques et mythologiques et une intrigue à taille humaine ? Moi, c’est ma BD préférée de David B, peut-être que le génial Guibert y est pour quelque chose. Quant à l’incontournable ”Ascension du haut mal”, je crois que Jérôme a raison, et c’est assez intéressant : quand David B est entraîné par un récit fort, nécessaire et vital, c’est mieux je trouve. Mieux que cette volonté de recréation littéraire, onirique, historique, dont le récit est alors bien souvent le prétexte et qui donne des livres un peu trop démonstratifs, à mon goût.
@Grospatapouf : dans mon cas, c’est une déception ce Capitaine Écarlate… Mais, bon, j’ai un drôle de problème avec Guibert, je ne dois pas être normal.