Franchement, je me demande quel serait le sort le plus adéquat pour l’éditeur et l’auteur du nouveau Gaston : la pendaison ou le goudron et les plumes ?
Je ne suis pas vraiment convaincu par le concept des reprises BD. Pas convaincu d’un point de vue artistique. On ne peut pas dire que tous ces albums qui squattent les têtes de gondole aient permis l’émergence d’un grand artiste ou d’une grande œuvre – ou démodé les albums dont ils s’inspirent, ce qui est quand même un peu le but (et certains spécialistes de l’édition considèrent que le succès phénoménal de peu d’albums empêchent l’émergence d’autres œuvres ou artistes plus inspirés puisque les ventes moyennes ne suivent pas le mouvement). Mais, bon, quand on m’annonce que Blutch adapte Lucky Luke, je prends mon vélo et file à la librairie. Parce que, quand même, Blutch les zamis.
Des caramels rouges
Voilà Lucky Luke bien embarrassé par deux gamins dont les parents ont disparu. Deux gamins particulièrement difficiles à gérer et qui en font voir de toutes les couleurs à notre héros. Lucky Luke part à la recherche du couple et tombe sur une histoire de butin convoité par des brigands.
J’ai adoré les cinq premières planches qui m’ont fait hurler de rire. Lucky Luke a une bonne bouille, les gamins sont incroyables (une espéce de condensé des Dalton en version mini), les persos secondaires sont savoureux, ça semblait bien parti. Mais faut tenir 46 planches et, mine de rien, c’est long 46 planches. L’histoire de butin n’est pas très passionnante, les parents sont des personnages qui détonnent un peu – très caractérisés physiquement mais qui ne vont pas bien ensemble et sans que ça apporte au thème de la famille. Et les gags des gamins sont quelque peu redondants. On ne peut donc pas crier au chef d’œuvre mais je me suis globalement bien amusé. Le Lucky Luke et le Jolly Jumper de Blutch m’ont bien plu, certains gags récurrents m’ont fait sourire (les shérifs sont plus portés sur la paperasse que sur l’action, les truands nient tels des petits voyous de nos jours), le dessin est rapide mais efficace et Blutch s’est amusé à placer des clins d’œil aux albums de Morris et Goscinny. Dans les remerciements, on croit deviner qu’il a voulu à faire vivre l’aventure sa propre petite famille, ce qui explique peut-être que ça coince un peu dans une BD aussi typée. Un album de reprise modeste mais honnête qui rend hommage aux opus classiques tout en faisant un petit pas à côté. On peut être quand même être un peu déçu que le dessinateur du génial Rancho Bravo, qui apportait un joyeux coup de vent frais en genre western en BD, n’ait pas été plus révolutionnaire.
Bah, dans les ”vrais” albums de Lucky Luke il y a aussi des gags ”quelque peu redondants” et on n’a jamais songé à s’en plaindre. Je dirais même que Morris et Goscinny appuyaient délibérément sur ces redondances ; alors pour Blutch, faire pareil, ça faisait partie de l’hommage (je suppose).
Bon, c’est pas tout ça, mais quand est-ce qu’on mange ?
Je n’ai pas trop insisté sur la comparaison avec les scénarios de Goscinny mais dans ces derniers, tout est soigneusement construit au service du thème de l’histoire. Blutch n’est pas Goscinny, ça se saurait, et ici les gags sont beaucoup plus libres.
”on croit deviner qu’il a voulu à faire vivre l’aventure sa propre petite famille” -> oui, ce sont ses enfants. Casper est son fils autiste. C’est d’ailleurs lui qui a tracé les lettres du mot ”fin” en dernière case. J’ai lu l’album sans le savoir et s’en m’en rendre compte (j’aurais dû, je suis un peu concerné) et ça a modifié ma perception déjà favorable de cet album. Car le portrait de ce personnage est délicat, jamais dans la moquerie (il n’est pas bête, ce n’est pas Averell – seulement décalé) et très juste. Ce n’est d’ailleurs pas un sujet dans l’histoire (si ce n’est au moment de la mission finale qu’il refuse), c’est ainsi et ça n’interpelle personne. Bien sûr ses répliques font rire mais jamais à ses dépens, c’est très subtil. C’est contemporain et de mon point de vue c’est de cette façon qu’on devrait traiter de ce type de sujet.
Bonjour,
Étant plutôt du genre circonspect en ce qui concerne les reprises de héros de BD j’ai acheté l’album du bout des doigts. Même constat : les premières pages, ok, puis le soufflé retombe. Au-delà des vannes redondantes cette aventure pêche à mon avis par faiblesse de l’intrigue et le manque de thèmes forts. Donc passé les premiers instants ma curiosité est retombée, et je me suis même forcé à terminer la lecture.
Et graphiquement parlant, ça fonctionne mais à aucun moment je n’ai senti l’esprit ni l’énergie que dégageaient les dessins et les couleurs de Morris.
Alors il est vrai que quand je pense à Lucky Luke, je pense au Cavalier blanc, à La guérison des Daltons, au Fil qui chante ou à La Ballade des Daltons… peut-être mes attentes étaient-elles trop hautes.
J’en profite pour remercier pour ce blog passionnant.
Merci pour le compliment – ça aide à écrire des billets. Je suis d’accord, d’un point de vue scénaristique, on est loin de ce qui fait la force des scénarios de Goscinny. Je vous conseille de lire Rancho Bravo du même Blutch pour une lecture plus passionnante, si ce n’est pas déjà fait.
Ça se boit comme du p’tit lait,comme on ne dit probablement plus depuis…un bout de temps.
Son humour du Petit Christian traverse par instants le récit.
Étonnant que Blutch se soit frotté à des dessinateurs comme Will et Morris,au dessin,aux compositions autoritaires,calibrées,rigoureuses et limpides.Ici,ça manque parfois d’assise,de cette fermeté sans discussion.
C’est bien de citer son rancho bravo,un peu oublié…
À propos de reprise,de Gaston…Limpide.
https://www.2dgalleries.com/art/travail-de-recherche-gaston-lagaffe-et-fantasio-207204
Je me suis rendu compte que je n’ai jamais chroniqué la période Fluide de Blutch sur ce blog…puisque ça date d’avant le blog. Je compte faire un article sur Rancho un de ces jours. Il a repris plusieurs fois Gaston, notamment dans son recueil d’hommages. Le dessin de Blutch n’a pas en en effet la rigueur du franco-belge a l’ancienne mais c’est aussi sa marque de fabrique. Au moins, il ne force pas sont dessin. Et le petit lait, on ne sait même plus ce que c’est exactement :-)