Bon, si on regarde bien, la dernière fois que Lewis Trondheim a réalisé un truc un peu ambitieux, c’était en 2007 avec Bourbon coscénarisé par Appollo. Entre deux trucs autobio, des coups de téléphones portables et un Spirou qui ne me fait pas remuer la queue, il semblait que le gars Trondheim végétait (ah, j’ai oublié un Lapinot sans Lapinot). Ce roman graphique illustré par Matthieu Bonhomme est donc une réelle surprise. Et une bonne surprise.
Hervé est une espèce de geek immature, nombriliste et obsédé de propreté qui se voit soudain affublé d’un étrange ”pouvoir”: tout le monde peut voir, entendre, ressentir ce qu’il voit, entend ou ressent. Le voilà au centre du monde littéralement et il va découvrir que ça n’a rien de vraiment folichon.
Y’a rien à dire, ça fonctionne parfaitement. Le mâle peu dominant un peu ridicule comme Trondheim les aime fonctionne superbement et sa course pour échapper à tous ceux qui le considèrent comme faisant désormais partie de leur vie est d’un rythme qui ne laisse pas de répit. Il faut dire que tout le monde voudrait bien profiter de ce canal unique pour faire passer leurs messages et les copains d’Hervé finissent par trouver une idée géniale pour se faire de l’argent. J’imagine que l’on peut voir ça comme une parabole sur la société du Web où l’intimité est dévoilée au monde entier par l’intermédiaire des blogs voire des webcams mais aussi sur la notoriété et le problème de devenir un personnage public.
J’étais très content à la sortie du livre mais deux minutes après, j’ai commencé à réfléchir. Le thème m’a fait penser à deux fameux films : Dans la peau de John Malkovich et The Truman Show. Dans les deux cas, le spectateur était ramené à sa situation première qui est le voyeurisme. Il est assis dans une salle et regarde des gens vivrent leur histoire. Les films traitant du voyeurisme mettent donc en abîme ce constat (on regarde des gens qui sont observés ou qui se savent observés). Le scénario de Trondheim rappelle Dans la peau… par le fait que les gens utilisent le sujet comme ”caméra” vivante. Il se rapproche du second qui voit le ”monde entier” (bon, les USA mais c’est quasi tout comme hein) profiter d’un personnage et se l’approprier littéralement. Mais les deux films allaient beaucoup plus loin. Les conséquences du passage dans la tête de Malkovich étaient bien plus violentes : les personnages voyaient leur rôle amoureux et professionnel littéralement passés à la moulinette et pouvaient se recréer une nouvelle vie. Pour The Truman, le personnage interprété par Jim Carrey prenait conscience de l’artificialité de son monde et des gens qui l’entouraient et devait reprendre en main sa vie. Dans Omni-visibilis, une fois le postulat établi, on assiste à une longue course bien menée … qui est plus proche du scénario hollywoodien bien ficelé que du cinéma indépendant.
Je ne dis trop rien sur le travail de Bonhomme qui est efficace sans plus.
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