La passion de Dodin-Bouffant (Mathieu Burniat – Dargaud)

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Dans ma jeunesse, je me préci­pi­tais dans les librai­ries BD pour décou­vrir de nouveaux univers plein de bruit et de fureur, de héros sarcas­tiques, de jeunes femmes aux formes affolantes, je rêvais de SF et d’aven­tures étranges, je rigolais sur des bêtises incroyables… Aujourd’­hui, sur le conseil des libraires, je lis une BD sur la cuisine. O tempo­ra O mores, comme disait mon cousin corse.

Mathieu Burniat est belge et rend ici hommage à la gastro­no­mie française de l’époque où la France rayon­nait dans le monde non seule­ment grâce à ses Arts et Lettres mais aussi avec ses soldats, ses femmes légères et sa cuisine.
Libre­ment inspi­ré du roman de Marcel RouffLa Vie et la Passion de Dodin-Bouffant, gourmet publié en 1924, cet album sur la bouffe que l’on cuisine à un gros avantage à mes yeux sur d’autres sortis il y a peu : il ne célèbre pas des ”stars” contem­po­raines de la cuisine d’aujourd’­hui – qui me donnent vague­ment l’impres­sion d’assis­ter à un repor­tage télé ou un entre­tien Paris Match. Il a en plus la politesse de nous racon­ter une histoire autour de la bouffe et non pas nous expli­quer combien on mange mal et qu’il y a d’autres gens plus riches que nous qui se permettent des restos délicieux. Et tertio – comme disait mon oncle espagnol – il se fout royale­ment de la gueule des végétariens/​écolos. Bienve­nus au pays du foie gras, de la tranche de bœuf saignante et de la poularde en broche. C’est qu’on savait manger à l’époque, un tanti­net trop riche au goût des nutri­tion­nistes modernes à mon avis.

Dodin-Bouffant est un fin gastro­nome, le plus réputé en France, et il a décidé de ne faire profi­ter de sa table que de vrais connais­seurs et amis. Patatras, sa fidèle cuisi­nière Eugénie le quitte pour un monde dit meilleur et le voilà obligé de lui trouver une rempla­çante à la hauteur. Aussi impro­bable que cela puisse paraître, cette nouvelle cuisi­nière, toute en ronde bonhom­mie, se révèle une vraie perle qui retourne aussi bien le cœur que le jardin de Dodin-Bouffant. Et si on la lui volait ?

Le dessin de Burniat est très agréable, en souplesse souriante, et il a un plaisir certain à repré­sen­ter les grosses gens, ce qui va bien avec le thème du livre. Je regrette juste un ”truc” moderne qui est la suppres­sion des yeux pour faire un effet, un tic qui m’a un peu fatigué sur la longueur – on finit par se deman­der ce qu’il arrive aux yeux de ces gens.

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Au final, une BD qui rappelle qu’un repas n’est vraiment bon non pas pour la quali­té des ingré­dients qui le composent mais surtout pour l’amour qu’on y a mis et le plaisir qu’on a à le parta­ger avec des gens que l’on aime. Une compo­sante qui semble avoir complè­te­ment échap­pé aux émissions culinaires télé qui font croire que la compé­ti­tion fait de la bonne cuisine.

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7 commentaires

  1. En voilà un billet bien envoyé ! En tout cas la présen­ta­tion de ce livre le rend parti­cu­liè­re­ment appétis­sant. À ajouter au repas de Noël.

    • À dégus­ter en atten­dant les apéri­tifs ou en fin de repas pendant que la marmaille s’amuse dans les cartons des jouets – et juste avant que madame vous rappelle qu’il y a de la vaisselle à faire.

  2. Le livre typique­ment victime de mes préjugés.Sorti hors mode-bouffe-grands chefs,je les aurai mis à terre (les préjugés).Beau sujet,.Merci Blog de Li an.

  3. Je recon­nais que moi aussi, les histoires sur la bouffe, ça me fait peur et il a fallut que deux libraires estimables me recom­mandent chaleu­reu­se­ment l’album pour que je tente le coup – mais l’époque décrite m’inté­res­sait alors il y avait une approche toute trouvée.
    Même mon fiston a bien aimé et l’a vite relu – ce qui est bon signe chez lui.

    En même temps, j’ai une vague idée de projet sur la bouffe moi-même :-)

  4. Merci pour la décou­verte et l’article, pour moi qui aime faire la cuisine et son histoire ( approche cultu­relle pas plus mauvaise qu’une autre des peuples et des cultures) il est toujours bon de rappe­ler et surtout en ces périodes que l’impor­tant dans la (bonne) bouffe c’est le partage et la convi­via­li­té, en complé­ment de la bd on pourra revoir ”Le festin de Babette” qui se passe à peu prés à la même époque et qui est un catalogue de la cuisine bourgeoise fin XIX°.

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