Métamorphose, c’est la collection que j’aime à râler dessus. Toujours aguichante côté dessin et, au final, jamais satisfaisante au niveau scénario. Et pourtant, j’aimerai l’aimer cette collection, attendre fébrilement les nouveautés, ronchonner auprès du libraire parce qu’il est en retard de fourniture… Et justement, il y a un Petit signé Hubert et Gatignol.
Bertrand Gatignol, j’ai failli acheter son Pistouvi – avec Merwan au scénario – qui a eu une drôle de carrière puisqu’il est passé de roman graphique noir et blanc à deux albums couleurs intitulés Jeanne en très peu de temps. Je n’ai pas d’exemple autre de changement d’épaule d’un éditeur aussi rapide.
Voir associé Gatignol avec Hubert dans une forme de conte fantastique, Hubert est le scénariste de Beauté, ne pouvait que m’exciter le porte-feuille.
Il était une fois dans un lointain royaume une famille royale d’ogres. Cannibales et incestueux. Et comme on pouvait s’y attendre, la consanguinité ne fait pas que du bien. Mais voilà t’y pas que la Reine accouche par surprise d’un minuscule bébé – minuscule relativement à la taille des ogres. Maman en est certaine, ce petit ogre est une nouvelle chance pour la famille : apte à copuler avec des humaines, il va pouvoir régénérer le sang ogre comme le fondateur de la lignée – tout aussi petit – l’avait fait à l’origine.
C’est un gros et grand bouquin en niveau de gris, un truc ambitieux comme les aime Métamorphoses. Et on entre dans le château des ogres avec un certain effarement. Gatignol a su rendre avec une maîtrise impressionnante le gigantisme des lieux et des habitants, apportant un côté Gargantua cannibale avec beaucoup de talent et j’avoue que j’ai pris un grand plaisir à découvrir les lieux et les personnages. L’histoire est partagée en chapitres ouvert par la biographie de chaque membre important de la lignée, ce qui apporte un arrière plan intéressant à l’histoire. Et heureusement.
Heureusement parce que l’ensemble souffre d’un problème de naissance : les personnages sont des abrutis qui ne dépassent pas la phrase de dix mots. Grognements, interjections et cris semblent être leur seule façon de communiquer quasiment et, comme notre héros est lui-même assez mutique, on finit par s’ennuyer vaguement du manque de profondeur des protagonistes. La grande élégance du trait de Gatignol s’embourbe quelque peu dans le Disneyen contemporain dès qu’une histoire d’amour pointe son nez ( on s’attend à voir voler les colombes et à l’apparition d’un petit animal familier genre tatou, tapir ou ornithorynque ). Et comble d’agacement pour moi, si les actes de cannibalisme sont décrits minutieusement avec un humour noir bien trempé, on ne voit quasiment rien des actes à caractère sexuel. Un paradoxe qui nous rappelle que, depuis la mode des zombies en BD et ailleurs, s’il est de bon ton de croquer son voisin, il est indécent de suçoter le téton de la voisine.
Lors de ma consultation pré-achat, plusieurs personnes m’ont prévenu qu’ils ne voyaient pas trop ce qu’Hubert avait voulu raconter au final. Bien que ce ne soit qu’un premier tome pour Les Ogres Dieux, je reste sur la même impression – la scène finale m’a paru un peu trop artificielle.
Un dessin qui mérite le détour et propulse Gatignol dans les dessinateurs à suivre avec attention mais un scénario qui ne tient pas toutes ses promesses ? Caramba, encore raté !
Hé, mais c’est très bien Pistouvi, faut l’acheter !
Mais c’est Pistouvi ou *Jeanne** qu’il faut acheter ?