Du cul divin
Avertissement : les images présentées ici peuvent ne pas être adaptées à un public mineur – nudité frontale notamment.
Contrairement à l’idée répandue, la pin up n’est pas une invention états-unienne – ces bigots protestants n’auraient jamais pu concevoir une telle chose – mais originaire de Paris. Les spécialistes de la chose ont choisi Jules Cheret comme père de la pin up.
Cet affichiste français a créé une jeune fille souriante et dynamique qui a vendu les produits les plus divers en s’exposant sur les murs. Les soldats états-uniens de la Première Guerre Mondiale vont ramener dans leurs bagages les filles dessinées de La Vie Parisienne et d’autres revues du même type, leurs bas malicieusement exposés et leurs seins dévoilés au nom de la République et de la Liberté. Les starlettes du cinéma US vont accompagner le mouvement et ces images vont atteindre un statut quasi religieux lors de la Seconde Guerre Mondiale. Peintes sur les fuselages, accrochées dans les armoires des soldats, ces demoiselles en maillot de bain ou à la robe envolée sont désormais des entités protectrices dont l’innocence malicieuse tient à l’écart la Mort et la Peur.
Mais tout à une fin et la nudité totale de Playboy va faire oublier les pin ups classiques. Devenues rétro avec leur corset et les porte-jaretelles, les girls accrochées au mur vont continuer à titiller les dessinateurs qui aiment dessiner de jolies filles et il y a toujours des volontaires pour réaliser des pin ups plus ou moins classiques, en mode fantasy, SF, steampunk et toute la panoplie geek habituelle.
Personnellement, je n’ai aucun goût particulier pour le genre qui m’a toujours paru quelque peu suspect. Des filles totalement artificielles qui miment l’innocence mutine pour des mecs qui se la jouent macho, très peu pour moi – à l’exception notable d’Enoch Bolles. Néanmoins, les diverses déclinaisons actuelles de la pin up dans le graphisme actuel accroche toujours mon regard. Fétichiste, décalée, féministe, la fille qui pose permet un zeste d’humour toujours bienvenu en dessin (cf. mon billet sur Sveta Shubina). Avec les filles dénudées de Vince, on entre dans une autre variation du genre.
Nue avec une tête de mort
Le lecteur attentif de ce blog s’étonnera peut-être du fait que je n’ai jamais parlé auparavant de Vince – ou du duo Stan & Vince. Dessinateurs et scénaristes, ils débarquent chez Delcourt avec un univers SF très référencé et un dessin réaliste/ligne claire soigné… qui ne me séduit pas. J’ai suivi leur parcours de loin, sans jamais y trouver mon compte, même lorsque Vince a commencé à collaborer avec Trondheim, ce qui m’a quand même énormément intrigué. Et puis, paf, des pin ups. Car pendant que Stan (Stan Manoukian) s’amuse à crobarder des monstres, Vince, un peu plus âgé mentalement, dessine des filles toutes nues. Ça m’a tellement plu que j’ai commencé à stocker sur mon disque dur toutes ces images de manière quelque peu obsessionnelle – voire maniaque dérangé. Pas aidé par le fait que Vince ait abandonné certaines de ses méthodes de partage pour d’autres sans prévenir son public (on le retrouve désormais sur son Instagram ou Facebook).
Latex miroir et regard total
Il y a plusieurs raisons à cette fascination. Vince ne dessine pas des pin ups sérieusement (en général). Elles sont dessinées rapidement sur un coin de table, sur un bout de papier qui traîne ou un carnet de croquis A5. Elles permettent d’expérimenter des choses visuelles ou juste de s’amuser. Il y a des séries (avec un monstre, fantasy, vampire, mythologie, technique de dessin) sans que ce soit cadré. Et elles sont toujours parfaites. Parfaites d’un point de vue anatomique si on aime le modèle Manara avec de longues jambes et une taille fine. Parfaites du point de vue réalisation. C’est cette nonchalance parfaitement maîtrisée qui me fascine. Ça et parce que c’est aussi érotique tendance fétichiste avec pas mal de latex – et même parfois pornographique . À une époque où les dessinateurs mâles se réfugient derrière la blague ou l’excuse geek (combien de Véra de Scoubidou en situation délicate ?), Vince dessine au premier degré des filles sexy selon un canon classique et arrive à y injecter une ironie moderne. Ses filles l’ont amené à réaliser des expositions avec des travaux plus conséquents mais avec toujours la même approche.
Sur sa boutique officielle, Vince vend des impressions et un petit recueil de ses pin-ups, plutôt orienté dessins pornographique – oups, épuisé depuis peu.
https://vinnifantastic.company.site/
Une BD de cul à l’italienne
Esmera est une BD érotique publiée chez Glénat en 2015 et scénarisée par Zep. Dans les années italiennes 1960, Esmera change de sexe à chaque fois qu’elle jouit pour devenir Marcello et vice versa. Le jeu de la dualité est classique dans la littérature érotique et quelque peu actualisé par les différents mouvements LGBT+++ (n’oublions personne). Je n’en ai pas parlé ici parce que je n’ai rien trouvé à dire. Le scénario ne m’a pas emballé (moins drôle que le Gisèle & Béatrice de Féroumont) et les filles et garçons (les garçons sont très sexy aussi chez Vince) n’ont pas le charme des pin ups. En prenant ”vie” dans une histoire ancrée dans le quotidien, elles perdent le côté divinité qui les rendent si fascinantes pour moi.
Autant dire que ce n’est pas encore cette fois-ci que je craquerai sur une BD signée Stan ou Vince. Il me reste à tester le Donjon futuriste pour voir si Vince finira par emporter le morceau.
Je découvre cet article, il est bon ce Vince !
Très bon.
Merci pour l’article, très instructif. Vince est très bon, et plus humain que Liberatore.
Ou que Manara. Ses filles ont une vie propre comme le franco-belge de qualité a su insuffler à ses personnages.