La sortie d’un nouvel album signé Goossens est toujours un évènement. Même s’il n’a jamais rencontré le grand public, son travail d’humoriste a fini par infuser. La preuve avec une préface signée Édouard Baer, le barbu le plus cool au monde, qui introduit La porte de l’univers.
On va commencer par ce qui fait mal. Le test du fiston, pourtant habituellement séduit par l’esprit Goossensien, a été sans appel : « Pfff, c’est toujours la même chose, ça sent le réchauffé. ». Je lui ri au nez et j’ai attaqué cet album en toute confiance. Mais…Que… Est-ce que la jeune génération pourrait avoir raison ?
Robert Cognard est humoriste. Un vieux de la vieille qui se retrouve sans emploi. Son humour ne fait plus rire et son pic de créativité (danser en tutu avec un maquillage de clown) est désormais bien loin. De tribunaux en garnison, il va tenter de justifier son talent jusqu’à interpeller Dieu lui-même. Ou un clown déguisé en Dieu ?
J’avoue que j’ai été un peu désarçonné. Le personnage de Cognard, typique de Goossens, n’a pas le charme de Georges et Louis ou le décalage de Jésus. Il passe par des situations classiques de l’univers de l’auteur (la caserne étant la plus représentative), on retrouve des clins d’œil à l’univers BD (qui d’autre rend hommage à ce point à la BD ?), des échos de gags qui reviennent de manière inattendue, mais l’ensemble fait plus penser à un catalogue de l’univers de Goossens qu’à un vrai album longuement mûri et inattendu dans sa familiarité comme on en a l’habitude. C’est la postface signée par Goossens lui-même finit par éclairer l’ensemble du projet : Goossens explique de manière profonde son approche de l’humour, et par là même, sa vision de l’Humain tel qu’il fonctionne en société. Évidemment, ce n’est pas très consensuel et ça peut faire grincer des dents mais c’est une analyse intéressante de la nature du rire dans une société moderne. Et une bonne leçon pour les apprentis humoristes. Mais, franchement, ce n’est pas un album que je conseillerai. Pour le coup, les aventures de Cognard semblent plus une démonstration de la réflexion de Goossens qu’un vrai album de la trempe de ce que nous offre l’auteur depuis de très longues années.
C’est bien que tu m’aies coiffé au poteau, moi aussi je voulais stigmatiser un système qui s’essoufle, en contrefaisant les idiosyncrasies locutoires de Cognard, tu m’épargnes presque cette douloureuse corvée (j’ai même relu de vieux albums pour vérifier que le compte n’y était pas)
Je ferai donc un billet complémentaire au tien, comme un supplément gratuit. Mais je vais attendre un peu, sinon les gens ils vont croire qu’on est de mêche, bon sang de bois.
Il y a un truc qui s’appelle « l’actualité » et qui fait que tout le monde parle de la même chose en même temps. Ne te prive pas. Et je suis rassuré de voir que je ne suis pas seul à être déçu.
Tout est dit,hélas;préface,postface,un essoufflement,je ne sais pas.Un brin de mélancolie nous traverse..?
En effet, on ne l’avait pas vue venir celle-là. Ça fait un peu testament du coup.
ça fait surtout radotage : les concepts qu’on entrechoquait joyeusement pendant des décennies faisaient des étincelles qui foutaient le feu partout, là ça produit juste un peu de poussière. On est devenu prisonnier de son génie créatif érigé en système. Dans l’absolu, notre libre-arbitre nous permet d’en sortir à tout moment, pour pisser contre le mur qui arrête le torrent de la connerie, mais le peut-il vraiment ?
J’attends le prochain pour me faire un vrai avis. En plus, je le connais un peu, je ne peux pas être aussi définitif :-)
Même si les livres ne sont pas comparables ‑Un recueil de courts récits publiés comme réédités or Fluide glacial ‑Tu serais troublé par la similitude du fond et de l’esprit de la critique de Dominique Warfa à propos de « laisse autant le vent emporter tout »(les cahiers,mars avril 1985)et ton billet ; justesse pertinence dans ce qui est pointé,cerné comme un problème entre le livre et nous…Cela m’a beaucoup frappé.
Je n’ai pas eu l’occasion de lire ça. Mais je ne crois pas avoir eu ce sentiment sur cet ouvrage. Après, Goossens travaille sur des canevas très personnels et récurrents. Si on accroche pas, on peut trouver ça très artificiel.