Front nuageux en provenance des Açores
Fin de cycle pour Ralph Azham, le canard fantasy aux cheveux bleus avec ce septième volume Une fin à toute chose. Ça méritait bien un petit billet.
J’avais déjà évoqué le travail principal de Lewis Trondheim dans Spirou ici en 2011. Avec deux albums par an, le bougre a tenu la distance.
Ralph Azham se déroule dans un univers fantasy animalier sans référence aux classiques – pas de nains ou d’elfes – mais qui pique une idée à Lanfeust de Troy : certains personnages sont dotés d’un pouvoir qui leur est unique et qui leur donne les cheveux bleus (oui, comme dans Yoko Tsuno). Azham peut deviner que les femmes sont enceintes – super puissant – et fait revenir les ”fantômes” des victimes des gens qu’il croise (ça ne marche évidemment que sur les personnes qui ont tué des ”êtres humains”) qu’il peut diriger. Ça lui apporte un bonus dans les combats non négligeable. Mais l’oblige à être constamment sous l’emprise de l’alcool pour éviter de voir des fantômes apparaître inopinément et étrangler un ami.
Le royaume où il vit est dirigé par un vieux roi et croit en la légende d’un Élu qui viendra le débarrasser d’un super méchant en lutte contre le royaume – Vom Syrus. Un Élu avec les cheveux bleus évidemment. Sauf que Azham a raté le test et est devenu le souffre douleur de son village natal. À la fin du premier tome, il quittait le village pour accompagner un garçon orphelin à pouvoir.
Pouvoir et religion, une vinaigrette au goût corsé
Azham a hérité de son ancêtre Herbert de la série Donjon (coscénarisée par Joann Sfar) une coolitude et un sens de l’auto-dérision un peu agaçant au début – et même certains de ses amis s’en plaignent – mais on finit par s’y faire. Globalement, en plus d’aventures fantasy avec pouvoirs étranges et objets magiques à quêter, Trondheim développe ses interrogations sur le pouvoir et sa nature (déjà présentes dans ses premiers albums dont Lapinot et les carottes de Patagonie). Azham est rapidement en conflit avec les autorités politiques et religieuses et se retrouve à bousculer les structures en étant obligé de trouver des solutions de rechange qui correspondent à sa vision de la vie plutôt non violente.
Dans l’ensemble, Ralph Azham est une excellente série, moins délirante ou poétique que Donjon, mais aussi moins foutoir, sans partie action qui tire à la ligne. Trondheim y injecte beaucoup de bonnes idées et s’amuse avec le concept de magie et de pouvoir dont il teste la logique et les limites régulièrement. Le personnage central est très entouré et Trondheim réussit à garder un équilibre scénaristique cohérent.
Ce tome 7 clôt le cycle de manière très réjouissante sans tricher aucunement et on aimerait bien voir une suite de cette qualité. On remarquera au passage que le thème de la religion est présent dans la série de manière régulière et souligné avec ce dernier volume où le destin de Azham se révèle très christique avec un Judas particulièrement bien vu.
Graphiquement, ça reste de l’efficacité Trondheimesque revigorée par la technique de colorisation de Brigitte Findakly mais la couverture du 7 est aussi faible – plus faible ? – que celle du tome 1 et j’ai l’impression que ça a été dessiné plus vite sur la fin. Heureusement qu’on est plus intéressé par ce qui se passe dans les cases.
Elles ne nous lâchent pas une seconde les couleurs de B.Findakly.Doit-on insister auprès des éditeurs pour souligner encore le rôle,trés tôt dans la création,de la ou le coloriste.Même pas son nom en couv.,mince.
Un peu foutraque la ”hune” du livre,en effet.
Ben, c’est un choix de son mec – Lewis lui-même :-). Il ne veut pas que la mère de ses enfants soient coauteur de ses albums, c’est comme ça :-)
J’ai un gros problème avec Ralph Azham c’est qu’à chaque album j’oublie quasiment tout de ce qu’il y avait dans le précédent, du coup je mets toujours dix pages à raccrocher les wagons (‘me rappelais plus du tout de l’alliance entre le (faux)roi et Ralph, par exemple). Alors après quand il faut se souvenir de tous les objets magiques… (j’offre ici une justification marketing imparable pour la réédition en coffret collector des 7 albums que Dupuis ne manquera pas de proposer)
Ralph Azham reste quand même la série d’aventure que je lis avec le plus de plaisir ces derniers temps, même si la scène d’action en point d’orgue m’a un peu trop rappelé la fin du film Iron Man (ça m’apprendra à regarder des mauvais films, vous me direz). Le changement de paradigme de la fin est riche de possibilité (et j’ai l’impression que trondheim a justement forcé le côté cool-cynique de Ralph dans cet album pour mieux lui rabattre le caquet ensuite)
Je confirme qu’il vaut mieux relire les albums pour se rappeler ce qu’il se passe à chaque fois. Mais c’est un des plaisirs de la BD : pouvoir se replonger facilement – et sans que ça prenne trop de temps – dans les choses que l’on aime.