J’ai beau ronchonner après ce qui ressemble fort à une uniformisation de l’édition BD actuelle, il arrive de temps en temps sur les étalages de nos libraires des albums qui sortent carrément de l’ordinaire. Ce Souvenirs de l’empire de l’Atome en est un exemple frappant. Couverture hyper travaillée – quelle douceur du cartonnage et, oh, ces rayons dorés incrustés ! – pagination épaisse et propos ambitieux, c’est le genre d’objet qu’on aimerait voir chaque semaine en nouveauté… Reste à le lire.
J’avoue que j’ai hésité à l’acheter et il aura fallut des critiques très positives de certains de mes lecteurs pour que je me décide. Il faut dire que les histoires de Smolderen me font peur, j’ai toujours l’impression d’avoir loupé la moitié du propos tellement c’est intelligent. ”Bien après la chute de l’Empire de l’Atome”, Paul et sa famille passèrent quelques semaines au Mexique. Ces quelques mots en ouverture résument le propos : le thème ce sera la mémoire.
Paul, brillant fonctionnaire états-uniens, est en train de craquer. Depuis son enfance, il est en contact psychique avec un Zarth Arn, général puis conseiller de l’Empereur des Étoiles dans environ 121 000 ans de notre futur. Mais Paul n’arrive plus à garder le contact avec la réalité et ses supérieurs l’envoient voir un psy. Lequel psychologue publie quelques années plus tard un ouvrage consacré au futur soigneusement décrit par Paul qui va attirer l’attention d’un gourou proche de l’Armée, Gibb Zelbub, qui manipule les grands esprits qu’on lui présente pour devenir… le Maître du Monde !
Raconté comme ça, ça a l’air assez simple mais il faut voir que toute la structure du récit est en flashbacks, chacun racontant son histoire et Paul ses souvenirs. La notion de mémoire est au centre du récit et les références abondent. Référence à la SF des années 30/40 (Les Seigneurs de l’Instrumentalité de Cordwainer Smith, les empires d’Isaac Asimov…) et ensuite, à la suite d’un voyage dans le Bruxelles de l’exposition universelle où l’on croise André Franquin et des échos de Moebius. Si j’ai beaucoup apprécié la première partie, purement SF états-unienne, j’avoue que j’ai été un peu dérouté par le méchant Zelbub, décalque de Zorglub, ridicule inclus et il a fallut m’accrocher pour boucler l’album. C’est hyper bien construit (tout démarre au milieu des ruines de l’empire maya, par un jeu de Memory, le méchant se signale par la perte de mémoire de ses victimes) avec des références intelligentes (j’ai rêvé où il y a un morceau de L’invention de Morel ?), tout cela soigneusement dissimulé dans une espèce de thriller ironique mais c’est un petit peu trop pour moi. Un peu comme s’il y avait au dessert des profiteroles, une île flottante et une tranche de brioche façon pain perdu avec de la glace vanille. Sans compter que je n’ai rien compris à l’histoire du condamné chinois, soit-disant le traumatisme qui a déclenché l’évasion psychique du héros.
Le dessin d’ Alex Clérisse a suivi le sens inverse : très inspiré par les années 50/60 (école Mary Blair), il m’a semblé au début en décalage avec la SF décrite qui fait plutôt années 40/50. Mais petit à petit, avec l’arrivée des années 60, ça devient très cohérent et la richesse d’idées graphiques est impressionnante.
Au final, c’est un album dont je conseille fortement la lecture au lecteur qui aime la BD ambitieuse mais avec un risque certain de désorientation voire d’agacement.
Le dessin,la couv,et ce billet inspiré vont encore m’inviter à la curiosité:Merci Onc’Li An !
(Le dessin renvoie à Renaud Collin,un’ poco)
Ah:Et merci de ronchonner pour nous.J’y souscris.
@julien : je ne saurai dire pour Renaud Collin.
Ce qu’il ya de bien (aussi) avec cette bd, c’est qu’on peut la lire dans le désordre, ça marche toujours. Dingue.
@Olivier R : j’avoue que je n’ai pas essayé…