1991 – La décapotable blanche roule à tombeaux ouverts sur les routes en lacet autour de Marseille. À son bord, deux héros de la BD franco/belge : Yann le scénariste de Sambre et de Chaland et, au volant, Conrad, le génial auteur du Piège malais qui vient de publier le premier volume de Donito. Ils rient fort, savourant l’air marin qui fouette leur visage buriné, l’odeur du succès et du talent… Mais, que… Mon Dieu, la voiture dérape ! Quelle tragédie ! Nos deux héros ont grillé comme deux saucisses belges !!!
2013 – Entre pèlerinages à Marseille et hommages divers, Dargaud décide de rééditer Le dinosaure blanc avec un dos toilé, comme l’édition originale. Les fans pleurent de joie – oui, ils sont tout mouillé. Mais… un instant. L’édition originale du Dinosaure n’a jamais été toilée ?!? Que cela peut-il signifier ? Est-ce que Yann et Conrad sont vraiment morts dans cet accident ? Qui sont alors ces deux individus sans vergogne qui piétinent l’héritage d’intelligence et d’ironie sauvage en reprenant Astérix ou écrivant des histoires de pilote de chasse ? Quel sombre secret se cache derrière tout cela ? Seul Bob Marone saurait faire éclater la vérité…
On va commencer par fâcher : je n’ai jamais été très emballé par Le Dinosaure blanc, une histoire en deux tomes parus chez Glénat après le départ de Yann et Conrad de chez Spirou. Ils avaient d’ailleurs créé dans les hauts de page du magazine le personnage de Bob Marone, décalquage du fameux Bob Morane de Henri Vernes. Sauf que déjà a l’époque, dans la jeune génération, on était peu à avoir lu les Marabout Jeunesse aux couvertures de Joubert. Moi, j’en avais chopé quelques uns chez un bouquiniste quelconque et je pouvais m’amuser aux textes de Yann qui décalquait savoureusement la prose caractéristique de Vernes. D’ailleurs, je préférais la version haut de page aux albums, plus explicites sur l’homosexualité des deux personnages principaux et, surtout, moins bien dessinés que Aventures en jaune. Et puis les histoires de dinosaures me gonflent. Les voir rééditer aujourd’hui est un peu surprenant : je ne me rappelle pas qu’ils aient fait un tel succès à l’époque pour justifier une vague de nostalgie. Mais après tout, les années 80 sont partout, pourquoi pas en BD ? Et ces abrutis d’ sympathiques acheteurs ne jurent que pas le ”bon vieux temps” alors les années 80 ou 50, ils ne font plus la différence… Mais bon, avec cette ”nouvelle” version du Dinosaure vous aurez en bonus la version haut de page alors au lieu de râler, je pourrai peut-être l’acheter…
Mon Dieu, professeur, la machine à remonter le temps s’est déréglée ! Nous voilà en 2003 !
J’ignore qui a eu l’idée étrange d’inventer l’école… de ressortir les personnages de Bob et Bill (Galantine) dans Fluide Glacial mais il se fait que plusieurs histoires y sont parues, dessinées par Yoann. Je n’aurai pas imaginé Yoann faire du Conrad mais il s’en tire plutôt bien – sauf pour les filles, toujours très musclées chez lui. Un parfum de yétis roses reprend donc ces histoires plus une nouvelle pour ”expliquer” un running gag un peu étrange à propos de chiffres et conclure. J’avoue que je me suis amusé des textes de Yann qui en fait des tonnes mais difficile de se passionner pour les histoires elles-mêmes qui soulignent l’homosexualité des personnages à peu près toutes les pages et sans une nana un peu sexy je m’ennuie facilement. Il y a plein de références à l’univers du Morane original mais à part quelques retraités, qui va les comprendre ? – d’ailleurs, comment se fait-il qu’il n’y ait jamais eu de film Bob Morane ou de jeu vidéo du même nom ? Toutes ces questions trouveront leur réponse dans Le mystère de la Chambre Rose où vous découvrirez que des clones de Yann et Conrad vivent dans une grotte souterraine en Mongolie où l’Ombre Bleue – bon Dieu, je sais d’où j’ai tiré mon personnage de l’Ombre dans Planète Lointaine ! – planifie la fin de la BD franco/belge avec moultes ricanements…
Professeur, il est urgent de réparer ce chronoscaphe. Dans quatre minutes et douze secondes, il sera 12 320 000 ans trop tard pour sauver le commandant Marone.
@Tororo : qu’il crève…
L’édition originale de l’intégrale, parue en 2010, était bien ”toilée” ! Tu mériterais bien une bonne fessée !
@Totoche Tannenen : l’EO en 2010 ? Tu veux rigoler ou quoi :-)
@Li-An : Ben non, ce livre a bien eu une 1ere édition sous une autre couverture, non ?
@Totoche Tannenen : c’est de chipotage mon ami. Je ne peux conserver que la date 1991.
@Li-An : Cette discussion idiote me rappelle ce fameux gag où Franquin donnait la fessée à Yann et Conrad, la faute à l’album 5 de Gaston :-)
Quand-même… Pour moi, Conrad est à son sommet dans le tome 1.
@Totoche Tannenen : je vais regarder et je vais te fesser – visiblement ça t’inspire.
@Totoche Tannenen : Je crois que Conrad n’est jamais vraiment descendu:il a connu plusieurs sommets;parvient à m’épater toujours;quand même !
@julien : Oui, oui, je suis d’accord avec toi, c’est bien pour ça que j’ai pris soin de préciser ”pour moi”. Pas question de remettre en cause une seule seconde l’immense talent du Monsieur.
Ouf.Je ne suis pas collectionneur !
Chaland disait que Franquin aurait dû mourir en ’57.Question de style.Yann & Conrad étaient prodigieux en secouant les poussières et les barbes de Spirou.Le subversif me semble ici vieillir comme un texte de Schellens(Foncine?Ou alors je confonds avec Dalens?)ou Vernes.Ils auraient dû rééditer le bouquin à sa bonne place:la collection signe de piste.
@julien : je ne connais pas le travail de Schellens. Bon, là, on ne peut pas vraiment parler de subversion – ou alors dans la manif ”pour tous”.
@julien : :-)
@julien : Chaland disait que Franquin aurait dû mourir en ’57.
Selon ce criterium, nous pourrions dire que Conrad aurait pu mourir en 1983, après la parution de Aventure en jaune chez Temps Futurs, car franchement, après ça … Les deux premiers Donito peut-être ?
@Pierre : j’adore le Piège malais !
@Li-An :
Oui moi aussi, ce diptyque a quelque chose d’intempestif, une histoire ”pour adulte” si l’on s’en tient au propos mais sous l’apparence d’un graphisme typiquement franco-belge. Je ne crois pas que cet ouvrage ait jamais trouvé son public, et il fallait une certaine audace chez Dupuis, pour le publier (collection Air Libre si mes souvenirs sont bon ?). Mais je trouve le dessin plus léché dans les deux premiers Donito où il y a un travail sur la couleurs, les textures et ces échos disneyiens sont si charmants. Dans le Piège malais, le trait déjà morrissien, à tendance a s’effilocher, défaut majeur pour moi chez Conrad, que je constate à partir de 1990. Je ne vois rien à sauver dans les Innommables deuxième époque mais je parie qu’il mettra le meilleur de lui-même dans sa reprise d’Astérix.
@Pierre : c’est vrai que le graphisme est plus relâché dans Piège malais mais pour cause de couleurs directes. L’histoire était assez Aire Libre et elle a eu son petit succès à l’époque – au moins médiatique.
Franchement, je n’attends rien du Astérix. Rien que le concept m’est artistiquement intolérable.
Salut,
Tu es sévère, mais ce que tu dis est finalement assez juste.
C’est tout moi : sévère mais juste.