Dans Variations, Blutch multiplie les scènes où un vieil homme qui lui ressemble fort tombe à genoux devant une donzelle pour lui arracher sa petite culotte. En fait, non.
Il y a des jours où je me dis que je me déplace en librairie feuilleter les nouveautés BD uniquement parce que Blutch fait des albums. Blutch, c’est un auteur qui rêve encore une bande dessinée étrange et poétique telle qu’elle s’est développée dans les magazines des années 60/70, à une époque où les éditeurs ne voulaient pas passer pour des ringards en costard cravate et publiaient tout ce qui paraissait artistique et cohérent. C’est comme cela que Les naufragés de l’escalator de Antoinette Collin et Jean-Marie Brouyère s’est retrouvé dans Spirou. Ah, vous aussi ça vous a marqué cette BD dessinée par une fille (!!!) ? On va plutôt dire alors Alexis, Fred ou Forest.
La bande dessinée est un art étrange où il n’y a pas de discours des artistes sur l’Histoire dusdit art. Si on se penche (pas trop près du bord, s’il vous plaît madame) sur la peinture, le cinéma, le roman, la musique populaire on se rend compte que les œuvres actuelles citent, détournent, interpellent les œuvres du passé. En bande dessinée, on fait des clins d’œil, on fait des reprises qui sentent bon le pognon mais on ne fait pas de création qui fasse réfléchir sur la nature du médium, son passé et son éventuel avenir. Et Dieu sait si le passé commence à être bien riche alors que le présent semble bégayer et le futur nous fuit.
Dans les auteurs importants, je ne vois guère que Goossens qui mette en scène (mais ponctuellement) des personnages BD (mes lecteurs compléteront peut-être cette liste). Et, comme par hasard, Goossens est invité dans cet album ainsi que Franquin, Hergé, Giraud, Fred et bien d’autres dont les planches sont redessinées par Blutch dans son style. Il lui arrive de modifier des éléments (dans Angel Face, deux filles se battent dans la locomotive, Gaston prend la place de De Mesmaeker…) mais, globalement, il suit le découpage.
L’exercice n’est pas inédit, On se souvient de Giraud « échangeant » une planche avec Morris et même un numéro hors série de Tintin où les auteurs maison reprenaient une planche d’un collègue. Mais ce qui frappe dans ces Variations, c’est le côté obsessionnel, l’envie de se confronter au graphisme voire à l’univers pour en extraire quelque chose. D’ailleurs, les planches vraiment réussies sont celles d’auteur au style éloigné de Blutch comme cet extrait des 7 boules de cristal de Tintin , une planche pleine de femmes comme par hasard parce que Blutch il aime dessiner des filles nues ou quasi. On redécouvre ainsi des histoires bien connues (excellent Petit cirque de Fred ou Jerry Spring de Jijé qui se teinte de noirceur…) et on découvre des albums que l’on n’a pas lu, Blutch alternant grands classiques et citation plus pointue. Il réussit ce qu’il explique dans la préface à savoir souligner la possibilité poétique de la planche de BD sans but, un fragment qui se passe de l’histoire et fait décoller l’imaginaire, une expérience datant de l’époque des magazines où l’on tombait par hasard sur un numéro et on fantasmait ce qui pouvait se passer avant et après des extraits quelque fois déroutants. Un concept qui me séduit beaucoup et je me suis toujours demandé pourquoi personne n’a pensé à redessiner à sa manière un album entier — mais de manière sérieuse (mes lecteurs vont sûrement trouver des exemples).
Au final, un album au grand format qui passionnera les personnes sensibles à l’exercice vu son prix et le concept de maquette arty « une planche toute les deux pages ».
Blutch exécute nos fantasmes.Sublime,de plus en plus.Rien d’autre à dire:Blutch justifie également mes voyages-en-librairies…A lui seul,presque.(Ah,son ”Manara”…)
Comme je n’ai jamais été un fan le Manara, j’adore évidemment son Manara.
Dès ses premiers albums, Joe Staline avait traité Manara de ”Moebius de Prisunic” dans Métal.
Joe Staline me manque plus que Manara.
Il est vraiment protéiforme, ce Blutch.
psssst : dans le titre de ton article, le ”où” ne prend pas d’accent, passque c’est ”ou bien”.
Mon problème avec Manara, ce sont ses filles que je trouve trop magazine. Elles sont mignonnes comme des présentatrices de la météo sur la TNT. Et si on n’aime pas trop ses filles… Oups pour la faute (rédigé très tardivement).
Tu le croiras ou non, mais je suis actuellement en cheville avec une ex-présentatrice de la météo sur la TNT, qui m’a demandé un coup de main pour écrire un documentaire sur la pédo-pornographie.
Le problème c’est qu’elle n’est pas si mal dessinée que ça.
Pour le coup, je vais éviter de lui faire lire ton blog, parce qu’elle a l’air assez susceptible.
Tu veux dire que la pédo-pornographie est bien dessinée ? J’ai un doute.
Oui, c’est un genre ingrat, qui n’a pas encore trouvé son Moebius de Prisunic.
Au passage, Moebius a été accusé de réaliser des œuvres de ce type — sans compter ses relations avec Appel-Guéry.
Je te vois venir : tu dis ça pour que j’écrive un article sur Appel-Guéry, Moebius et les petits garçons sur mon blog de fake niouzes. Il est vrai que les premières pages que j’ouvre sur Appel-Guéry sont prometteuses.
Mais avant que je te réponde, laisse-moi te poser une question : de quelle somme disposes-tu actuellement sur ton compte courant ? en déduisant le crédit contracté pour acheter le dernier Blutch, évidemment.
Jusqu’à quel point,conscient,cet album est une réponse à la production actuelle:L’art pauvre de la reprise de vieilles séries(elles prennent ce coup de vieux dés la relance).Une page seule,et brillante,d’un Blutch suffit.Comme la relecture ?
Pour d’autres exemples,je pourrai te citer une page remarquable de Bernard Hislaire ”rejouant” une page de Corentin.
Ah, je serai curieux de voir ça.
https://www.2dgalleries.com/planches/800W/2017/168/yslaire-hommage-a-paul-cuvelier-2k9u.jpg
Sans la couleur,singulière,de l’auteur…Je m’aperçois que l’exercice était courant.Andréas a réinterprété une page de Chlorophylle contre les rats noirs…As-tu vu ”Psycho”,remake de ”Psychose” plan par plan..?
Merci pour la planche. La page d’Andréas est relative au numéro spécial Tintin dont j’ai parlé je pense.
Comme je suis fan de Hichcock, j’ai vu ce Psycho en effet mais ça ne m’a ébouriffé.
Ah, zut, comme j’ai limité le nombre de réponses possibles dans le flux de commentaire, je suis obligé de redémarrer une entrée pour M. Warsen : est-ce que vous me faites une proposition malhonnête à base de petits enfants ? Je vais m’empresser de vous dénoncer à qui de droit.
Je pense que vous divaguez.
Avez-vous bien pris votre potion anti-transpirante comme le docteur vous l’avait dit tantôt ?
Les gens qui transpirent préfèrent les blondes.
En BD comme pour les chansons je ne suis pas adepte des reprises un peu comme pour mes chaussettes
Les chaussettes reprisées me vont bien.
Je ne comprends pas l’engouement autour de cet album (qui vient d’obtenir le prix Wolinski)
Je ne comprends pas l’intérêt de ce bouquin : des redessinages de planches, à peine adaptées (à part un peu celle de Gillon)… Ah oui il était urgent de remettre en lumière les bagnoles de Graton, de compresser Achille Talon (qu’a pas besoin de ça), de redessiner Manara (!). Bon c’est vrai, c’est rigolo à feuilleter, pis des nanas à poil, quand même…
hum…
Blutch dit l’intérêt de l’exercice comme s’il était un débutant (est-il aussi peu sûr de son talent ?). Il veut qu’on lui dise qu’on l’aime comme quand il était enfant et qu’il recopiait Pif sur le coin d’une table ?
Blutch vaut mieux que ça, et moi, en tant que lecteur, admirateur de son travail, j’attends mieux que ça (je veux voir Blutch à travers son dessin, qu’on ne peut deviner à travers cet exercice trop scolaire).
Effectivement, comme dit Julien, pour l’exercice : une seule planche suffit plutôt que cette manie mercantile de reprise/spin-off/préquel… Blutch dans le pendant de ”la production actuelle” ? Avec un Tif & Tondu en préparation ? des participations aux livres hommages aux tuniques bleues et à Gaston ? Ce bouquin ? Blutch s’est noyé dans la production actuelle.
Moi je trouve qu’il file un mauvais coton
Blutch a un vrai problème : son travail n’intéresse pas suffisamment de monde pour qu’il vive correctement de la BD. À partir de là, il fait comme il peut (et je ne parle pas de ses angoisses personnelles de créateur). J’ignore ce que vous aimez dans Blutch mais si c’est Vitesse moderne, vous n’imaginez quand même pas que l’auteur de cet album pète la joie de vivre et va tomber les albums comme un Tibet ? Blutch est un angoissé si on en croit son travail et ses ouvrages et ses publications reflètent ses problèmes.
Je rajouterai que je ne peux que me passionner pour ce travail puisque cela correspond à des réflexions personnelles en tant qu’auteur.
Voilà donc la légende ou rumeur sur pattes :
https://www.dupuis.com/tif-et-tondu-cahiers/bd/tif-et-tondu-cahiers-tome-1-cahier-tif-et-tondu‑1 – 3/76859
Si je comprends bien, on achète un album pas complet ? Belle couverture en tous les cas.