Il y a cinq (!) ans, je me faisais l’écho d’un appel aux planches originales réalisées par Beuville pour une adaptation du Morne au Diable d’Eugène Sue. La tâche me paraissait fort difficile et je n’espérais plus de nouvelles au point de sérieusement envisager d’acquérir les numéros du magazine Tintin (Milou ! Quel journal !). Et, paf, sans crier gare, voilà l’ouvrage publié chez La Crypte Tonique, un libraire/éditeur belge, accompagné du magazine du même nom n°14 qui raconte Beuville vu par nos amis Belges c’est à dire en gros les rapports de Beuville avec la BD Belge (Hergé, Franquin et Follet notamment).
Ce rendez-vous avec la bande dessinée (qui n’en est pas tout à fait puisque Beuville n’aime pas le concept des phylactères qui cachent le dessin) est un fiasco intéressant. Beuville a été invité à participer à un magazine qui a en 1950 de grandes ambitions artistiques. Mais les hachures des planches du Morne, les lavis aériens et même des traits de case pas droits donnent des vapeurs aux responsables éditoriaux et à Leblanc, le fondateur de la revue . On veut un trait clair, des aplats propres, bref, de la ligne claire comme Tintin qui plaît tellement à toute la famille. Beuville reçoit un courrier détaillé de Hergé qui tente de le recadrer et qui espère le voir créer ensuite un personnage enfantin récurrent dans le monde de l’aviation (rappelons que Beuville est un pilote émérite et qu’il a réalisé de nombreux ouvrages sur la question). Au lieu des 64 pages prévues initialement, Le Morne n’en fera que 41, le dessin devenant plus clair et moins intéressant pour faire plaisir aux éditeurs et Beuville ne rééditera pas l’expérience de sitôt. De toute manière, Leblanc veut plus de Tintin, Hergé monte le studio et vogue la BD formatée.
Pour bien dégoûter complètement Beuville, les planches ne lui sont pas restituées puis confisquées par un(e, ne soyons pas sexiste) margoulin(e) qui les revend tranquille. L’ouvrage publié par La Crypte Tonique reprend donc les planches originales retrouvées plus des reproductions du magazine (avec un coup de griffe au passage au directeur du Centre Belge de la Bande Dessinée qui m’a bien fait rigoler). La couverture est souple, le format est de 25 cm × 29,3 cm et, si j’ai bien compris, une reproduction de la taille originale des planches de Beuville (il y a trois bandes, n’essayez même pas d’imaginer la taille des dessins).
La revue publie aussi des témoignages et interviews de Cabu et Hislaire qui clament leur admiration pour le travail de Beuville (Cabu s’interroge sur les opinions politiques de ce dernier, une question qui m’avait aussi titillée). Et Alec Séverin crée un pont entre Beuville et la Nouvelle BD Française via Sfar et l’atelier Quincampoix (puis des Vosges).
C’est vrai que ces dessins du Morne font furieusement penser à cette école et sont, dans la première partie, d’une beauté et d’une énergie stimulante. J’adore le travail de Beuville, je vous l’ai dit ?
Le livre sera en vente à Angoulême, à la librairie La Crypte Tonique à Bruxelles et sur leur site https://www.lacryptetonique.com/Achat-en-ligne.html.
Un avion a disparu
Je profite de ce billet pour décourager les curieux qui voudraient acquérir Un avion a disparu de George Delamare paru aux éditions de Marcy en 1947. En effet, Beuville est crédité des illustrations (et les revendeurs le signalent en toute innocence) alors que ce n’est absolument pas le cas.
Ta critique détaillée exprime tout ce qu’il y avait dans mon pauvre ciboulot;l’amour de Beuville est une délicieuse évidence;et accompagne une nouvelle année que je te souhaite excellente.
À toi aussi une bonne année 2019, ami Julien.
Bonjour,
J’ai découvert le travail de Beuville à travers votre blog ( même si je me suis rendu compte que j’avais déjà croisé son travail ici ou là _ certaines couvertures, par exemple, ne m’étaient pas inconnu ).
Merci, donc, pour cette belle découverte.
Existe-t-il à votre connaissance un livre encore disponible qui soit un bon panorama de son travail ? ( Beuville Art-book à l’air épuisé – était-ce d’ailleurs une bonne monographie ? )
Bonne année 2019
Romain
Bonjour, il n’y a aucune monographie au sens classique du terme – elle serait bien évidemment chroniquée sur ce blog. C’est pour cela que je collecte les ouvrages de Beuville patiemment. Au bout d’un moment, il y aura sur ce blog une bonne partie de son travail :-)
Bonne année à vous aussi.
Bonjour
C’est tout aussi ingénieux !
Je commence juste à détester un peu Hergé et Leblanc.
Ils ont eu un impact considérable sur le dessinateur de Beuville. C’est une grosse perte !
Je ne pense pas que Beuville aurait continué dans la BD. C’était un illustrateur avant tout et comme il ne voulait pas mettre de phylactère, il aurait pu difficilement faire carrière.
Quelle excellente nouvelle !
Je me procurerai un exemplaire prochainement.
Merci pour l’info !
Ravi que ça ait été utile.