En 1997 (dans notre passé, oui, c’est voulu), la Navy états-unienne peut voyager à travers tout l’univers connu. Et même dans le futur, grâce à des technologies issues de ce même futur. En fait, pas tout à fait le futur. Plutôt une probabilité du futur. Sauf que toutes ces probabilités mènent à une même conclusion : la fin de l’Humanité, gangrenée par une vie extra-terrestre. Et que cette fin, surnommée Terminus, n’arrête pas de s’approcher dans le temps.
Shannon Moss est agent spécial du NCIS (la police de la Navy) et a vu le Terminus de ses propres yeux, y perdant même une jambe. En 1997, elle enquête sur l’assassinat atroce de toute la famille d’un SEAL (corps d’élite de la Navy) qui a disparu avec son vaisseau dans le Grand Espace. Enfin qui aurait dû. Pour en savoir plus, elle doit naviguer vers un futur probable pour obtenir plus d’informations. Un futur qui n’existe que par la présence de Moss, contaminé par sa vision et qui disparaitra corps et biens une fois qu’elle l’aura quitté. Sauf qu’il semblerait que son enquête accélère l’approche de Terminus.
C’est le second roman de l’États-Unien Tom Sweterlitsch mais le premier traduit en France. Les deux blogs SF que je suis l’ont chroniqué de manière enthousiaste la même semaine et ma curiosité était plus forte que mon portefeuille.
Il faut dire que Terminus réussit le combo thriller/SF de manière brillante. On retrouve le sentiment d’effroi de la série True Detective – l’enquête au long cours qui marque les agents qui s’y sont consacrés. Un True Detective à l’envers puisque l’on connait dès le début l’origine de la folie du/des assassins.
C’est aussi un polar métaphysique, un concept qui m’a toujours séduit puisque l’héroïne tente de sauver l’Humanité et la vie sur Terre en plus de stopper des meurtres abominables (j’ai été fan de Sabbat à Central Park de William Hjortsberg où l’âme du détective était en jeu).
La partie SF est tout aussi séduisante, très physique quantique (un peu la thématique de la SF moderne), basée sur la probabilité, l’importance de l’observateur et les univers parallèles. Notre héroïne, durant son enquête, va bondir dans un futur potentiel (on ne peut pas naviguer vers le passé en théorie) où la technologie n’est pas toujours identique (dans un des futurs, le cancer est guéri, dans un autre un système genre supra Internet à base de nanomachines est disponible) et où les personnes croisées n’ont pas eu le même parcours de vie. Un concept qui rappelle un peu celui de 22/11/63 de Stephen King (d’ailleurs cité) puisque le temps passé dans ces futurs n’affecte pas le présent et l’héroïne vieillit donc plus vite que son entourage. J’ignore si ça a déjà utilisé ailleurs mais c’est le voyage dans le temps le plus satisfaisant que j’ai croisé dans mes lectures ces dernières années.
Bref, Sweterlitsch réussit un thriller SF haletant et cohérent avec des personnages marquants et une écriture diabolique (le moindre détail peut avoir son importance dans un futur possible), autant dire que le succès semble assuré. J’ai dévoré en lâchant un peu prise sur les paradoxes temporels (ça devient juste trop touffu pour analyser tout en lisant). Au final, on peut même y voir une vision de la littérature SF puisque le passé décrit semble une alternative possible de notre propre passé (on excusera ainsi une histoire très USA-nombriliste comme la plupart des récits/séries hollywodiens).
La couv
La collection Imaginaire est jeune et se caractérise par des couvertures vaguement consensuelles à base de Photoshop. Celle-ci est cohérente avec l’histoire et j’y vois même une recherche (branches du futur et arbre mort) mais elle donne difficilement une idée de la force du bouquin. La malédiction de l’édition française SF d’aujourd’hui.
pour la couv” – tu ne vois pas l’origine du monde, les cuisses qui s’ouvrent vers le sexe féminin ? ^^
Bon, ta critique me donne envie de le lire, ce bouquin… (merci !)
Voilà une interprétation féministe intéressante – je n’ai pas trop tilté mais il y a une majorité de personnages féminins d’importance avec un rapport pas facile avec les hommes. Et la fin du livre (je ne spoile pas) pourrait faire écho.