Là où gît le fruit étrangleur venu de la main du pêcheur je ferai apparaître les semences des morts pour les partager avec les vers qui se rassemblent dans les ténèbres…
Si vous avez gravé ça sur la porte de vos toilettes, c’est que la Zone X n’est plus très loin.
Deuxième tome de la Trilogie du Rempart Sud, Autorité commence là où Annihilation s’arrêtait (lire ma chronique ici). Les membres de l’équipe envoyées dans la Zone X sont de retour (sauf que l’on ignore comment elles ont franchi le rempart) et John Rodriguez (« appelez-moi Contrôle ») est chargé de les débriefer et plus particulièrement la biologiste. Et Rodriguez n’a pas intérêt à se louper parce que maman, du haut de son poste à responsabilité dans les services secrets, ne va pas toujours le couvrir. Mais qui peut assurer quand il s’agit de la Zone Z ?
Comme dans le premier volume, la paranoïa est partout. Une paranoïa étatique et personnelle du fait de son métier pour Contrôle, paranoïa qui va lentement avaler son univers personnel.
J’ai craint la déception en sortant de la Zone mais pas du tout. Jeff Vandermeer fait peu de révélations et elles ouvrent des perspectives tout aussi étranges. On découvre l’histoire du rempart sud, comment et pourquoi les autorités l’ont édifié et tout le personnel de scientifiques ambitieux qui se cognent à un mystère qui défie la raison. Et ils en semblent plutôt affectés. La réalité est cotonneuse et l’horreur qui finit par surgir est à peine devinée, juste entrevue, une porte de sortie pour ceux qui ne supportent plus la réalité.
Bref, si vous avez aimé Annihilation, ce Autorité me paraît incontournable.
Le Cercle de Farthing – Jo Walton (Folio SF)
J’en profite pour chroniquer ici Le Cercle de Farthing d’une auteure britannique qui est bien connue dans la tranche SF/fantastique, Jo Walton (son Morwenna a cumulé les prix Hugo et Nebula). J’étais curieux de découvrir son œuvre et, bah, j’ai été déçu.
1949 – Le Japon n’a pas bombardé Pearl Harbor, les USA ne sont pas entrés en guerre contre l’Allemagne nazie et l’Angleterre, livrée à elle-même, a signé la paix avec Hitler. À Farthing, les artisans de la paix se sont réunis pour préparer un prochain vote au Parlement. Mais James Thirkie, leur leader, est retrouvé assassiné avec une étoile jaune poignardée sur sa poitrine. Est-ce David Kahn le coupable — le mari juif de la fille de la famille ? Scotland Yard enquête.
L’écriture est agréable, la description de la vie à Farthing va réjouir les fans de Dowtown Abbey, mais comme dirait Hitchcock, il faut un bon méchant pour faire une bonne histoire. Et toute au plaisir de ridiculiser la haute société politique britannique, Walton oublie de rendre l’histoire palpitante. Une fois le mobile compris, j’avoue que j’ai expédié la fin du bouquin sans même m’intéresser au modus operandi – mais vu les conséquences, on se fiche un peu de qui a fait quoi exactement.
Jo Walton a le bon goût de rappeler que la grande bourgeoisie anglaise était tout aussi antisémite que celle du Continent et que le populisme d’extrême droite peut bousculer n’importe quelle démocratie si les circonstances le permettent mais son histoire policière est bien faiblarde. Et il y a une proportion particulièrement élevée de personnages qui sont homosexuels ou ont eu des relations de ce type sans que je ne comprenne bien pourquoi.