Plus fétichiste que Bill Ward, tu meurs

The Wonderful World of Bill Ward (Eric Croll – Taschen)

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La France n’a connu pendant très longtemps de Bill Ward que ses illus­tra­tions porno­gra­phiques pour de petits fasci­cules SM rassem­blées par les éditions Dominique Leroy ou Le scara­bé d’or. Le jeune amateur décou­vrait des créatures trop maquillées aux seins énormes, à la choucroute généreuse, sanglée dans des robes hyper moulantes et des bas brillants qui violen­taient de toutes sortes de façon des jeunes hommes au pénis parti­cu­liè­re­ment bizar­re­ment dessi­né. Mais ce que la France ignorait, c’était que Bill Ward était avant tout un dessi­na­teur de gags coquins connu pour… ses créatures trop maquillées aux seins énormes etc etc.

Il y a plusieurs recueils consa­crés à l’œuvre de Ward mais à mon avis ils doivent tous se ressem­bler puisque ce dernier dessi­nait toujours la même chose ou quasi­ment mais avec un tel soin maniaque qu’il atteint l’expres­sion intense d’un fétichisme quasi maladif.

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Je connais mal l’his­toire des revues olé olé des USA, mais il semble­rait qu’il y ait à une époque (les années 40 et le début des années 50) où, pour contour­ner la censure, de gros malins ont pensé à repré­sen­ter des demoi­selles dans des positions délicates (attachées, fessées…) mais sans montrer de partie ”honteuse”. Pour compen­ser l’absence de nudité, ces dames arboraient la panoplie complète féminine de l’époque (bas, corset, talons hauts et culottes pas petites) plus des acces­soires cuir (gants et bottes en général). Betty Page est le modèle le plus repré­sen­ta­tif de l’époque et son look ainsi que ses tenues ont inspi­ré de nombreux artistes – aussi bien illus­tra­teurs que chanteuses pop.

Betty Page
Betty Page

En bandes dessi­nées, c’est Sweet Gwendo­lin de John Willie qui marque les esprits de l’époque – enfin, ceux qui avaient le courage d’ache­ter le magazine Bizarre. Gwendo­line sera d’ailleurs publié aux Humanoïdes Associés dans les années 70 (il faudra que j’en fasse un billet).
Les gags de Bill Ward se rapprochent de cette veine visuelle fétichistes mais il atteint un cap inéga­lé. Son côté obses­sion­nel le pousse à repré­sen­ter bijoux, fourrure, cuir, bas et gants avec un soin hyper maniaque qui fait que le person­nage dispa­raît litté­ra­le­ment derrière les vêtements. Ward ne dessine pas une femme mais des éléments fétichistes portés par une femme – au visage souvent inexpres­sif et aux poses clichées. C’est ce rendu qui en fait un vrai génie du dessin : peu d’artistes ont réussi à trans­cen­der à ce point des acces­soires pour en faire des images scintillantes et marquantes.

Le livre publié par Eric Kroll passe en revue toute la carrière de Ward et présente princi­pa­le­ment des gags de pin ups. Grand format, papier très épais, c’est un beau livre incon­tour­nable pour l’ama­teur. Malheu­reu­se­ment, la carrière porno­gra­phique de Ward est juste esquis­sée : ce dernier avait plutôt honte de ce travail très alimen­taire, mais ces images sont parmi les plus marquantes de l’illus­tra­tion pornographique.

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À noter que Ward a réali­sé aussi de petites bandes dessi­nées érotiques exacte­ment sur les mêmes obses­sions, mais qui perdent en inten­si­té vu qu’il n’avait pas le temps d’y mettre le même soin maniaque.

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