Henri Villon est un rescapé huguenot du siège de La Rochelle reconverti en capitaine pirate. Un excellent capitaine, même si trop porté sur la bouteille, collectionneur avide de maravillas, ces objets improbables aux propriétés magiques qui semblent venir du futur. Et il y a ces étranges vaisseaux volants qui énervent tous les marins des Antilles.
J’ai déjà expliqué quelque part que je ne suis pas féru des mélanges en ce qui concerne les littératures de genre. Ce Déchronologue fera figure d’exception car, si la partie pirate est réussie, au final c’est bien un livre de science fiction auquel on a affaire.
Stéphane Beauverger propose un récit haut en couleurs, très descriptif quand il s’agit de raconter des horreurs genre prison infernale, blessure purulente ou torture vicieuse (mais il semblerai que ce soit devenu une obligation dans la littérature française de l’imaginaire), et étrangement flou (c’est justifié par l’histoire) quand il s’agit d’avancer dans l’intrigue. Il faut dire que, dans un souci de cohérence qui m’a déstabilisé au début, les chapitres sautent à travers le temps et fréquenter des personnages dont on ne sait toujours pas d’où ils débarquent dans l’histoire est très frustrant. Et il y a quelques coquetteries qui m’ont agacé (pourquoi appeler son vaisseau d’un nom aussi pompeux que le Déchronologue alors que le Tueur de Temps aurait eu plus de gueule et je déteste les citations rock dans les bouquins SF).
À part ces quelques petites réserves, on a droit à un roman fascinant où le monde tel qu’on l’a connu sombre dans un délire étrange qui voit les Amérindiens prendre leur revanche sur l’Histoire, des pêcheurs d’objets à travers le Temps ou Alexandre le Grand subir une défaite humiliante. Beauverger n’explique pas tout et sème des indices sur la vraie nature du monde où évolue Henri Villon et son équipage de damnés. C’est délicieusement frustrant ou assez agaçant, cela dépend de ce que vous attendez d’un roman.
Petite remarque : Beauverger est aussi à l’occasion scénariste BD et, pour ne pas changer, une vraie illustration de couverture aurait eu plus de gueule que ce montage Photoshop.
”le Tueur de Temps aurait eu plus de gueule et je déteste les citations rock dans les bouquins SF” oui mais le mec y fait son délire, pas le tien, ok ?
mais tu as raison, le seul livre de SF dans lequel nous pouvons tolérer du rock sans que ça fasse nanachronisme, c’est le Jack Barron et l’éternité de Spinrad, je sais pas pourquoi mais c’est comme ça. D’ailleurs Spinrad chante (horriblement faux) dans un disque de Maurice Dantec et Richard Pinhas, ça doit être pour ça.
”une vraie illustration de couverture aurait eu plus de gueule que ce montage Photoshop.”
t’es parti à râler ? ou alors le scorbut s’est déclaré à bord ? t’as qu’à proposer une couve alternate, toi qu’es si malin !
Le roman m’a plu, à part le chapitrage en mode randomisation temporelle, assez pénible et vecteur de mal de mer.
Et il a dû avoir un mal de chien à l’écrire, il ne s’y est plus risqué depuis.
Une fois publié, l’œuvre appartient au lecteur. Tu imagines le bateau arrivant au port de la Tortue : « Le Déchronologue est arrivé ! » « Le quoi ??? ». Et la gueule de l’équipage « Je navigue à bord du Nécro…, du Décro…, enfin du bateau du captaine Villon, quoi ! »
Je râle parce que cette couv’, ça gâche un peu (en plus, ça en dit trop). Je râle parce que j’ai râlé au moment d’acheter ce bouquin ! Je râle parce qu’on aurait pu avoir une couv à décrocher la mâchoire avec une histoire pareille. Dès que j’ai du temps, je relève le défi (c’est à dire dans un an).
Et content de te revoir, John.
Les couves de chez folio-sf c’est Aurélien Police qui s’y colle en général. C’est le Siudmak de sa génération ;-) et l’éditeur tient beaucoup à ce qu’il imprime sa patte sur la collec, parce qu’il sort avec sa mère ; il est vrai que le roman de Beauverger est tellement atypique qu’il aurait mérité d’être édité chez La Volte, imitation de manuscrit relié en peau de moine tibétain sur la couve, un truc sobre quoi, juste des enluminures sur les majuscules et peut-être quelques taches de rhum et/ou de sang qui auraient fait baver certains caractères. Comme pour le Hildegarde de Léo Henry.
Bon je m’aperçois que le Dékrokro a en fait été publié chez La Volte avec une couverture nettement plus Siudmak. J’ai raté ma carrière de Directeur artistique.
Je me demandais si tu allais finir ton commentaire sans te rendre compte que ça avait été publié chez La Volte. Le lettrage est encore pire et l’effet Photoshop est plus intrigant et moins révélateur (mais toujours aussi désespérant quand on a été biberonné au Pyle).
C’est l’idée même de jaquette illustrée qui devrait être revue à la baisse (on n’a pas tous eu Pyle comme nounou, comme je te le disais j’ai eu la mère Siudmak, j’en suis pas mort mais y’avait quand même pas mal d’alcaloïdes dans le mélange) et de façon plus générale, toute tentative de conversion d’une histoire dans un autre media que le sien devrait subir le supplice de la planche au dessus d’une bonne grosse faille temporelle.
Imagine si quelqu’un avait l’idée de transposer les comics d’Alan Moore au cinéma, ou les livres de Philip K. Dick en film !
…j’ai pas fait exprès, mais le wiki de la planche est illustré par Howard Pyle !
https://fr.wikipedia.org/wiki/Supplice_de_la_planche
Ah, ça donne des trucs sympas voire iconiques même si ça n’a rien à voir avec le contenu (les jaquettes anciennes pour les romans de Jack Vance sont rarement passionnantes par exemple).
En contemplant la planche de Pyle ou n’importe quelle gravure d’un vieux Jules Verne, on mesure la magie perdue : les images enflammaient l’imagination car bien peu étaient produites et circulaient ; aujourd’hui c’est l’overdose et plus aucune ne nous satisfait. Snif. Je vais m’intéresser à la Volte, qui a l’air d’éditer les Jeury et Curval de leur temps.
Oui c’est sûr que l’on est gorgé d’images et rares sont celles vraiment marquantes.