Les deux mondes de Neal Stephenson (deux volumes – 10/18)
Neal Stephenson, je l’ai lu quand il faisait de la SF – ce genre ancien et presque disparu – avec les excellents Samouraï virtuel et L’âge de diamant, deux romans qui correspondent à l’époque à mon retour à la lecture de SF. Les deux ouvrages sont déjantés, plein d’idées étonnantes et finissent en délire pyrotechnique si mes souvenirs sont bons. J’ai lu d’autres Stephenson – dont une espèce d’histoire de l’informatique – et de gros pavés n’ont toujours pas trouvé preneur en France. Les deux mondes est un thriller d’action et ça fait bizarre de retrouver ce genre de bouquin chez 10/18 chez qui j’ai découvert Castaneda et Borgès.
Richard Forthrast est le créateur du jeu multi-joueurs persistant en ligne (MMORPG) T’Rain mais aussi un objecteur de conscience pendant la guerre du Vietnam, un ex-trafiquant d’herbe et l’oncle d’une nièce adorée adoptée et originaire d’Éthiopie. Et enfin, c’est un gars compréhensif qui prête une clef USB au petit ami de sa nièce adorée. Le début d’une embrouille qui va dégénérer de façon phénoménale – impliquant la plupart des services secrets, des terroristes Al Qaida, une chinoise Hakka têtue, un hackeur tout aussi chinois, la Mafia russe et un puma amateur de chair fraîche.
Il y a un truc qui est bien avec Stephenson, c’est qu’il va au bout des choses. Quand il crée un univers virtuel à la World of Warcraft – le MMORPG le plus populaire – il n’en fait pas une pâle copie mais un truc encore plus ébouriffant développant le modèle économique et proposant des pistes de gameplay qui sortent de l’ordinaire. Même chose avec les fusils d’assaut ou la vie quotidienne dans une ville côtière chinoise. On ressent son plaisir du détail juste qui permet de rendre les choses plus vivantes et crédibles. Bon, sauf les persos.
Les persos chez Stephenson sont tous des têtes brûlées hyper courageuses et têtues avec des talents incroyables. C’est Die Hard mais en équipe. La comparaison n’est pas fortuite puisque comme le personnage de Bruce Willis, tout le monde porte un regard décalé sur les emmerdes qui lui tombent dessus avec la régularité d’un métronome. Et heureusement, parce que, sinon, ce serait insupportable de péripéties. Soit on se laisse embarquer soit on se lasse vite mais on admirera la construction du bouquin qui fait littéralement exploser une floppée de personnages pour les faire ensuite tourner dans une spirale narrative qui va les faire rejoindre.
Au final, je me suis plutôt bien amusé mais ça manque cruellement d’enjeux métaphysiques. Et comme la plupart des thrillers, ça vieillit vite – le MMORPG est en perte de vitesse ces derniers temps.
C’est quand même très très décevant par rapport à sa production passée (la partie qui a été traduite en français). Il aurait décidé de vivre de sa plume en se livrant à des JamesBonderies qu’il ne s’y prendrait pas autrement.
Mais ça paye plus la SF, mon bon monsieur.