Après un premier recueil de nouvelles, Janua Vera, déjà chroniqué par ici, voilà donc le premier roman de Jean-Philippe Jaworski. Défenseur de la langue française dans les établissements scolaires et de la fantasy dans le petit univers des romanciers de l’imaginaire en France, Jaworski est un écrivain aux ambitions assez surprenantes.
Benvenuto Gesufal, tueur au service de l’illustre Leonide Ducatore, assassine pour son maître, complote et sue à grosse gouttes pour sauver sa peau entre la belle cité de Ciudalia, les geôles ottomanes (ou quasi) et les terres froides du Nord. Difficile de résumer l’histoire de peur de déflorer des suprises et rebondissements importants.
La première partie de Gagner la guerre donne à penser qu’il a dû accumuler tellement de documentation sur Venise et Florence du XIVème/XVème siècle qu’il aurait mieux fait de pondre un roman historique qui aurait touché un public plus large. Et que je t’explique comment embrocher une galère, comment s’habiller en temps de guerre, déshabiller une donzelle ou les qualités picturales des différents peintres de la Cité. Associées à un personnage principal particulièrement retors qui passe son temps à analyser tous les dialogues, les longues descriptions donnent l’impression que le roman commence par patiner. Et pourtant, alors qu’on ne s’y attends plus, l’histoire se déploie et on finit par tourner les pages à la vitesse de la lumière pour connaître la fin. Il faut dire que l’écriture de Jaworski a les qualités de ses défauts. Il traîne dans les descriptions ? Elles sont d’une précision réalistes impressionnantes. Jaworski est le gars du genre à vous décrire dans le menu le tabassage d’un personnage, la façon dont les os craquent ‑et lesquels craquent – pour ensuite poursuivre avec les divers degrés d’infection des multiples blessures induites. Son goût de la chicane accompagne une description des moeurs politiques particulièrement cruelles ou la morale a du mal à faire son chemin. Et ses choix narratifs révèlent des surprises gouleyantes (il faut le voir abandonner des personnages hauts en couleur dont on apprend qu’ils vont vivre des aventures étonnantes pour suivre notre ”héros” dans ses tournées de bistrot à passer le temps à jouer aux cartes) pour ne pas parler des dénouements loin du manichéisme attendu.
Au final, je le rapprocherai de Sergio Leone : un univers hyper documenté, ultra violent, aux personnages amoraux et inoubliables. Et les amateurs de jeu vidéo retrouveront avec étonnement l’ambiance d’Assassin’s Creed 2. On est loin, très loin des vertes contrées du Comté…