John Nyquist est détective privé, un détective privé au bout du rouleau, mais aussi teigneux et tenace qu’on peut l’imaginer. Il court après cette fille de la haute qui a fuit ses parents pour glisser dans les endroits glauques de Soliade, accro à cette nouvelle drogue qui permet peut-être de voir son propre futur.
Jeff Noon nous sort ici un curieux roman policier/SF qui vaut surtout pour son ambiance. Le monde où évolue le privé Nyquist ressemble beaucoup à l’univers noir du cinéma hollywoodien des années 1940 d’un point de vue technologique mais c’est vraiment le seul point commun. Car Soliade, la ville où le jour est sans fin, forme un tout avec Nocturnia (la partie plongée dans la nuit à jamais) et Crépuscule, une zone floue et intermédiaire où la raison se perd. Un homme d’ombres est moins un livre de SF qu’un livre onirique dans un univers dément, mais d’une douce démence avec sa propre logique interne, où chacun peut décider de la zone temporelle qu’il habite, où des hommes de mains sont faits d’un brouillard vivant et les assassins sont invisibles. Le héros étant complètement déphasé, on court avec lui, un peu hébété, happé par le classicisme de la structure étrangement imbriquée dans un rêve malsain.
J’imagine que si on n’accroche pas, on risque d’être agacé par l’artificialité de l’univers et le peu d’épaisseur de l’histoire policière – qui se révèle in fine une histoire fantastique. Mais si on est adepte de dépaysement mental, on sera fasciné par les ombres à la Tim Burton des décors et personnages.
J’ai toujours tourné autour de l’oeuvre de Jeff Noon sans jamais sauter le pas. Ta chronique va finalement me pousser à le faire. Faut juste que je trouve le temps de.
Ah ben mince, je n’aurais pas pensé que ça pouvait fonctionner dans ce sens pour les envies de lecture :-)