Le second numéro de Kanyar, la revue qui veut vous raconter des histoires – une déclaration ambitieuse, la plupart du temps on vous propose juste des textes littéraires, jamais des histoires – avec une couverture flash de Conrad Botes.
Puisqu’il n’y a plus la surprise du premier numéro, on attaque ce nouvel opus avec un esprit critique plus aiguisé. On remarquera qu’il y a en effet des histoires, certaines proche du genre, certaines à chute (certaines tombant trop vite) et qu’il y a une forte tendance à la fuite du personnage principal et la mer un peu partout (donc des marins).
L’événement margouillesque c’est un premier texte – Borussia Daressalam – de Jean-Christophe Dalléry qui maquette aussi sous le pseudonyme transparent d’Hobopok. L’Afrique coloniale de 1914, un match de football compliqué à organiser entre régiment anglais et régiment allemand et la guerre qui se déclare. Vous saurez tout sur les habitudes nutritives du troufion allemand de l’époque en garnison africaine et vous comprendrez mieux pourquoi les États-Uniens blancs pendaient les Noirs dès que ces derniers avaient une arme en main.
Le vrai tout premier texte de la revue est signé Olivier Appollodorus – dit tout aussi transparentement Appollo. La désolation envoie un Évariste Hoarau sur le Marion Dufresne en tournée aux Karguelen, fuyant les amours déçues et se prenant pour un nouveau conquistador comme tout touriste lambda qui se respecte. Une histoire en deux parties – à la Japonaise ? – qui risque de faire pleurer les bobos écolos à chaudes larmes. Mer déchaînée, terres désolées, le lecteur du Voyage aux Îles de la Désolation retrouvera les images d’Emmanuel Lepage en découvrant le texte, de manière un peu paradoxale je le crains.
Histoire d’Éladd de Xavier Marotte imagine un chroniqueur du Figaro embarqué par un pays dont vous ne savez rien pour lui inventer une nouvelle Histoire digne de paraître dans les journaux. Un récit enlevé et surprenant qui s’amuse avec les limites du story-telling, une abominable invention de rapetisseurs d’esprits pour les habitués des pauses Coca.
De la volonté d’Antoine Mérieau est à recommander aux lycéens préparant leur BAC philo. Ils réviseront agréablement les concepts et la biographie de Nietzche tout en prenant conscience que, contrairement à ce que l’on apprend à l’école, la philosophie est aussi un acte dangereux. Pour le coup, une véritable petite histoire policière.
Le Vacance de Cécile Antoir est le dernier des récits qui m’a bien plu – même si c’est probablement pas pour les raisons choisies par l’auteure – avec son écriture évasive et sa réalité floue qui peut rappeler K. Dick. Je ne sais toujours pas qui est l’homme qui relie les meubles dans cette maison d’été aux odeurs de myrtilles – moi, je les cueillais à la main les myrtilles.
J’ai failli oublier La terrible madame Alloume d’Emmanuel Genvrin qui décrit une Malgache héritière à ses dépends du colonialisme français, au comportement sexuel agressif et à la soif de revanche sociale terrible. Un beau personnage, ma foi, qui mériterait un peu plus d’espace.
Et, last but not least comme on dit dans les pubs anglais en roulant par terre, Pioupiou du directeur de la revue, André Pangrani, dit de manière translucide Anpa, qui rappelle que le service militaire était obligatoire pour les gens de notre génération et qu’il fallait une bonne dose de culot pour espérer y échapper. Anarchasis rumine dans la caserne ses chances de passer pour un vrai épileptique auprès du conseil de révision en rêvant à une liberté peu patriotique ma foi. On voit pourquoi c’est Pangrani le chef dans la revue…
Ayant passé le cap des deux premiers numéros avec succès, Kanyar propose une souscription pour les trois numéros suivants pour une somme modique de 45 euros (soit à peu près un album BD et demi de nos jours). Enivrés par cette chronique, je vous imagine cliquant frénétiquement sur ce lien – http://www.revuekanyar.com/#/superette/4237506 – anxieux de dépenser rapidement l’argent du ménage et engloutis par la fièvre de Nouel. Tant pis pour vous.