Voilà un roman qu’il est difficile de résumer. Voyons ce que les gens en disent sur le Web. « Voilà un roman qu’il est difficile de résumer ? ». Ça m’avance bien.
Évitez les auto-stoppeuses nues
La file qui se noie ne se présente pas comme un roman, mais comme un texte rédigé par la narratrice, India Morgan Phelps, dite Imp, Une narratrice qui se déclare folle, fille et petite fille de folles – elle est en effet sous médicaments et suivie par un psychiatre. Elle a pris l’habitude d’écrire lorsqu’elle sent que sa réalité lui échappe. Elle lui échappe bien depuis qu’elle a croisé une fille nue au bord de la route. En été. Ou était-ce en hiver ? Ou les deux ?
Hantise contemporaine
Le texte délivré par India est donc lacunaire, propice aux divagations et multi-formes. Ses obsessions et angoisses passent par des tableaux (elle peint elle-même) représentant des femmes menacées et qui l’obsèdent depuis sa petite enfance. India évite de parler de certaines choses, reporte des révélations, délivre deux nouvelles qu’elle a écrites (elles-mêmes tournant autour de tableaux traumatiques) et le résultat de ses recherches (articles de journaux, recueils de contes…) sur la nature de la fille qu’elle a invitée chez elle. Le lecteur est donc confronté à une énigme et des angoisses sur lesquelles il ne peut pas se faire un avis tranché. India se fait-elle un cinéma ou est-elle réellement confrontée à une créature de légende ? L’auteure, Caitlin R. Kiernan, joue aussi avec des références littéraires : le Shining de Stephen King et Lovecraft puisque notre héroïne habite Providence, mais n’aime pas l’écriture du fameux écrivain.
Les dernières pages ouvriront une dernière perspective et chacun est libre de faire son interprétation. Je n’ai pas été très étonné de découvrir le nom de Jeff Vandermeer dans les remerciements. On retrouve le même sens du fantastique décalé, le goût des formes différentes et le thème de la hantise.
2020
Je me suis rendu compte que c’était probablement mon premier roman années 2020 (il a été publié originellement en 2012) puisque India préfère les filles (sans que ce soit le sujet, même si ça joue évidemment sur le déroulement de l’histoire) et tombe amoureuse d’une femme transgenre. Les thématiques du mâle toxique et de la femme sorcière ou victime sont abordées, mais toujours dans l’optique du fantastique angoissé d’India. Ce n’est donc pas vraiment un roman engagé et je suis bien dans l’embarras pour le conseiller. À réserver aux lectrices/lecteurs amateurs de fantastique et de littérature pas conventionnelle.