Présenté régulièrement comme une ”fantasy” à la Chinoise, La magnificence des oiseaux est plutôt proche des films fantastiques à costumes chinois : pas mal de délire visuel, des personnages hauts en couleur et des méchants atrocement méchants (un coup d’œil sur Wukupudiu m’informe que le livre a été préalablement publié dans une collection de littérature généraliste) .
Bœuf Numéro 10 (il est le dixième enfant de sa fratrie) est un brave garçon très costaud qui vit dans un petit village reculé où l’on fabrique de la soie. Un jour funeste, les enfants du village sombrent tous dans une espèce de coma et les deux grigous du village, responsables de la catastrophe, échappent de peu au lynchage. Comment soigner ces pauvres gamins ? Bœuf Numéro 10 est envoyé à Pékin engager un grand voyant. Il ne trouve qu’un vieux bonhomme déglingué d’une intelligence prodigieuse, Maître Lo qui, avec son aide, va démêler petit à petit un écheveau de faits étranges qui semblent tous liés.
J’avoue que j’ai failli craquer au bout d’une cinquantaine de pages. Aventures rocambolesques et personnages sans énormément de nuances, la série B me soûlait un peu. Mais, petit à petit, on s’attache aux personnages ”bigger than life” (Maître Li regrette ses 90 ans et les prouesses sexuelles de l’époque, Bœuf est contraint de coucher avec de ravissantes créatures) et dont le duo fonctionne très bien. L’écriture de Barry Hughart est agréable et il est difficile de savoir si les détails savoureux dont il truffe l’histoire ont un quelconque fond de vérité historique. En tous les cas, on pourra glaner de nombreuses références à Alice au Pays de Merveilles – une grosse dame qui veut faire couper des têtes, un lapin qui passe son temps à courir… Le vrai tour de force, c’est qu’il arrive à lier les différents éléments de l’histoire de manière tout à fait satisfaisante.
Deux autres tomes sont sortis ‑considérés comme moins bons- et Hughart a décidé de bouder après s’être fâché avec son éditeur. Un bouquin pour se détendre agréablement qui devrait plaire aux amateurs d’exotisme un peu facile – un critique littéraire dirait ”un très bon scénario de BD”.
Je te rejoins sur la belle réussite scénaristique de l’auteur qui réunit joliment tous les fils d’intrigue tissées ici ou là.
Pour le reste, j’avoue ne pas avoir accroché à cette construction redondante et ne pas m’être attaché aux personnages. Mais je prêche un peu dans le désert, donc ça doit venir de moi !^^
Les personnages sont en effet très simples et je comprends que ça ne puisse pas accrocher. J’ai quand même failli abandonner en cours de lecture :-)
Barry Hughart a connu la même mésaventure que Robert Holdstock et Peter S. Beagle : ils écrivent de façon si ”littéraire” (comme on dit) que des éditeurs français pleins de bonne volonté ont pensé leur rendre service en les publiant, au départ, dans des collections ”généralistes” (comme on dit). Ce qui ne les a pas vraiment aidé à trouver leur public : je soupçonne que les amateurs de ”littérature blanche” (comme on dit) se sont dit en les feuilletant ”Mais qu’est-ce que c’est que ce truc?”, tandis que le radar des fans hardcore (comme on dit) de fantasy et de fantastique n’a réussi à les détecter que quand ils sont ressortis en poche (enfin, dans le cas de Holdstock et Hughart : Beagle n’a pas encore eu cette opportunité, un scandale). Dommage que Hughart ait raccroché, ses romans (les n° 2 et 3 ne sont pas moins bons que le premier, n’écoutez pas les mauvaises langues!) avaient tout pour engendrer un fandom.
Ah donc, vous avez bien aimé les suivants – vous semblez bien être le seul :-) En SF, il semblerait que l’on passe de l’autre côté : alors qu’il était plus intéressant commercialement de cibler un public SF à une époque, il semblerait qu’aux États-Unis, il vaut mieux s’en abstenir si on le peut dès qu’on écrit un roman un peu ambitieux – la SF doit se présenter comme des histoires post Star War plein de types en uniformes qui font piou piou dans l’espace.
Je suppose que vous pensez à des titres comme Cartographie des nuages, La servante écarlate, cette tendance-là ? Oui, aujourd’hui dans les collections SF on aurait du mal à trouver des bouquins aussi ambitieux que pouvaient l’être il y a quarante ans ceux de Priest, de Delany etc. mais la petite graine est allée pousser ailleurs.
Je suis curieux de voir où ? Je pense à La fille automate où l’auteur a publié dans une collection non SF par commodité.
Ah, oui, la fille automate, je ne l’ai pas encore lu, c’est sûrement un bon exemple.
J’ai quand même préféré La fille automate à ces ”Oiseaux”.