TS Sullivant a déjà eu les honneurs de ce blog. Son dessin hors norme à base d’animaux magnifiquement caricaturés et d’une personnalité folle réjouit l’amateur. Lorsque un ouvrage est paru chez Fantagraphics en 2021, je me suis dit « Ne vous précipitons pas, attendons une bonne occasion pas trop chère ». Mal m’en a pris puisque cette édition a été épuisée. Puis, un an plus tard, Komics Initiative a lancé un Ulule pour une version française. Le prix est élevé, on peut trouver des tonnes de dessins de Sullivant sur le Web, je n’ai pas donné suite. Et puis, à Noël, j’étais en panne d’idée cadeau. Alors…
Pour un gros bouquin, c’est un gros bouquin. Il pèse son poids et la fabrication est de qualité. On regrettera quand même une inversion de pages dans la préface, c’est un peu ballot. Il est constitué de dessins de l’artiste (il ne dessinait que des gags) classés par périodes, chaque période étant introduite par un texte de spécialiste ou d’artiste fameux. Le dernier chapitre montre des reproductions d’originaux et évoque sa méthode de travail. C’est, comme on peut s’y attendre, phénoménal graphiquement. Sullivant s’est révélé assez tardivement et a développé un univers visuel qui n’a pas son équivalent. On découvre qu’il travaillait sur très grand format (genre 50 cm) et qu’il grattait comme un malade son encrage jusqu’à obtenir le résultat espéré. Il est connu pour ses animaux et on cite souvent Franquin en comparaison. Je suis d’accord, les deux artistes réussissent quelque chose de rare : ils dessinent des animaux et pas des humains sous forme animale (même si Sullivant les habille fréquemment). Des animaux qui ont une vraie personnalité qui les rend très attachants.
Mais les textes ? Eh bien, je laisserai la parole à John Cuneo (illustrateur dont j’ai déjà parlé sur ce blog) qui fait remarquer que c’est tout à la gloire du génie de Sullivant d’être placé parmi les plus grands humoristes…malgré des textes d’une pauvreté quelque peu indigente. On commence le bouquin assez amusé par le côté Almanach Vermot (sans les jeux de mots) mais, au fur et à mesure, on finit par se lasser de l’absence totale de modernité des légendes. Il parait que les mauvaises langues insinuaient que certains dessins voyaient un texte ajouté à posteriori et ça ne m’étonnerait pas. Pour excuser Sullivant, il faut préciser qu’il avait aussi des compères pour lui écrire une partie des textes.
Terminons sur plusieurs notes positives. Cuneo souligne que les formes dessinées par Sullivant ne sont pas toujours immédiatement compréhensibles. On voit des masses de hachures et, on finit par deviner une trogne d’hippopotame (magnifiques hippopotames), le cou gracile d’une girafe, un manteau de fourrure de Mme Gnou. Son inventivité dans les poses oblige le lecteur à s’arrêter pour bien apprécier ce qui lui est offert. L’éditeur a décidé de publier des dessins qui caricaturent les minorités (Noirs, Juifs, Natives…). Même si Sullivant n’en a pas abusé, cela permet aussi de rappeler le contexte de l’époque. Assez curieusement pour nous autres lecteurs français, ce sont les Irlandais qui sont les plus représentés, comparés à des singes à plusieurs reprises.
Pour les amateurs de dessin, c’est un ouvrage indispensable (si on peut se le permettre), mais ne vous attendez pas à mourir de rire, malheureusement. Le génie de Sullivant tient entièrement dans son dessin.
Infiniment beau…deja croisé et aimé ici même,il me renvoie aux sentiments éprouvés à la découverte de ”la crognote rieuse”(!),ou aux pionniers que purent être Bud fisher, Rube Goldberg,du Roy Crane…cette précision tout en grâce du trait;ce pont entre 19ème et 20ème siècle… Ah,et des plans, des cadrages..!
Il a une image en tête et il fait tout pour qu’elle soit la plus marquante possible tout en prenant un énorme pied dans le dessin. Son utilisation de la perspective rajoute un côté surréaliste. Et je me demandais qu’est-ce que sa hyène m’évoquait. Évidemment, la Crognotte quelque part.