Le 15 janvier 1947, on retrouve dans un terrain vague de Los Angeles le corps découpé en deux d’Elizabeh Short, 22 ans. Ce fait divers sanglant va frapper l’opinion américaine de l’époque par sa brutalité (la jeune femme a été longuement torturée), ses rebondissements (l’assassin envoie des lettres à la presse et à la police) et finalement l’incapacité des forces de l’ordre à régler l’affaire. Ce crime impuni va alimenter les gazettes pendant longtemps, permettant à des apprentis détectives d’écrire des livres et d’échaffauder des théories diverses et variées. En France, il faut attendre le roman de James Ellroy Le Dahlia Noir, premier livre d’un quatuor d’anthologie pour s’intéresser à l’affaire. Il faut dire que la propre mère d’Ellroy est assassinée à Los Angeles en 1958 dans des circonstances assez proches et son deuil va passer par une fascination intense pour le Dahlia Noir.
Le livre témoignage de Hodel est d’ailleurs préfacé par Ellroy, ce qui a décidé ma lecture. Le point de vue est ébouriffant : Hodel, ancien policier des Homicides de Los Angeles à la retraite, découvre dans les papiers d’un père hyper autoritaire et redouté des photos d’une jeune femme dans laquelle il reconnait le Dahlia Noir. Comment son père, coureur de jupons infatigable, a‑t-il pu être en relation avec le Dahlia (la jeune femme hérite de ce surnom pour sa teinture de cheveux noire et son goût pour les fleurs du même nom) sans être inquiété par la police de l’époque ? Hodel se lance dans trois années d’enquête pour conclure … à la culpabilité de son propre père. Il faut dire que le paternel est un personnage hors norme : jeune surdoué prodige (il participe au programme de définition du Quotient Intellectuel), il entre dans une école d’ingénieur à 15 ans, devient chroniqueur judiciaire dans le Los Angeles de la Prohibition à 16 ans, chauffeur de taxi avec acquointance avec la Mafia puis se décide pour des études de médecine qui le conduira à des postes de responsabilité dans l’administration médicale après avoir été bombardé général 3 étoiles en Chine précommuniste. Hodel père est aussi un ami d’enfance de John Huston avec lequel il échange diverses petites amies (la mère d’Hodel est créditée aux dialogues du Trésor de la Sierra Madre) et Man Ray avec lequel il partage une passion pour la photographie. Tous les trois sont des amateurs du marquis de Sade et Hodel père invite régulièrement Man Ray à ses soirées fines. Soirées fines qui finiront mal puisque Hodel père se retrouve devant les tribunaux, dénoncée par sa fille pour inceste suite à une séance d’hypnotisme qui aurait mal tourné. La fuite est un bon moyen de survie et après le procès gagné, Hodel père s’envole pour Hawaï puis l’Extrême Orient où il épouse une riche veuve avant de devenir un homme d’affaire avisé. Sauf que ce n’est pas le scandale qui l’a fait fuir mais bien les soupçons d’une enquête qui le considère comme le principal suspect dans l’affaire du Dahlia Noir. Enquête qui tournera court comme celle menée par la police de Los Angeles.
La richesse du livre, ce n’est pas seulement la recherche obstinée d’Hodel d’indices, de témoignages et de preuves de la culpabilité paternelle, c’est surtout le fait qu’il a l’intelligence de mettre toute l’affaire en perspective et il explique avec brio pourquoi son père n’a jamais été arrêté et que le Dahlia Noir n’est qu’une victime parmi une longue liste parmi d’autres affaires non résolues de femmes assassinées violemment à Los Angeles. Au point de lier la mort de la mère d’Ellroy à celle du Dahlia.
La théorie est fascinante mais péche sur un point important : l’absence de preuve directe. Le LAPD (police de Los Angeles) a tellement foiré sur le coup là que tout ce qui concluerait définitivement à la culpabilité du Dr Hodel est hors de portée : preuves matérielles disparues des scellés, empreintes digitales manquantes, refus de l’inspecteur en charge du dossier de communiquer. Ce flou artistique contribue à une guerre des théories assez rigolote puisque les ”spécialistes” de la question voient d’un mauvais oeil la résolution éventuelle d’une affaire qui leur ”appartient” et on peut s’amuser à lire les sites dédiés qui traitent du bouquin en question avec des phrases du genre ”Je n’ai pas lu le livre mais les conclusions d’Hodel me semblent fausses”. Hodel a quand même des atouts de choc : ce n’est pas un amateur mais un policier expérimenté qui a mené une enquête dans les règles de l’Art et son père a été officiellement suspecté du meurtre du Dahlia. Ellroy ne pouvait qu’être fasciné par une vérité qui mèle flics ripoux, assassin hors norme et influence artistique, des thèmes qu’il a développé dans son propre roman…
J’ai oublié de préciser que De Palma a réalisé un film intitulé Le Dahlia Noir inspiré du roman de Ellroy sorti en 2006. Je ne l’ai pas encore vu.
Ils en avaient parlé à l’époque dans l’émission ( géniale ) ”Mauvais genre ” sur France culture , un mot : passionnant !
Le contraire aurait été étonnant (qu’ils n’en parlent pas). J’aurai été curieux d’entendre leur point de vue sur la question.
Un rapport avec le film de Brian de Palma que j’ai pas vu ? J’aurais dû ?
Ah oui, zut, j’ai oublié de le préciser. C’est bien le film tiré du bouquin de Ellroy. À la sortie du livre de Hodel, les amateurs se sont demandés si le projet cinématographique irait au bout. Je ne l’ai pas vu. Je sais que les critiques sont très partagées sur ce film (à part Scarlett, il semblerait que ça ne soit pas super réussi).
Vous parlez de L.A confidential ( peros j’ai bien aimé )
.Confidential(roman).Confidential(roman).Confidential(film)
si c’est le cas ce n’est pas un film de De Palma ;-)
Alala, ces jeunes qui parlent sans savoir. Le film LA Confidential est tiré du troisième volume du quatuor et est un film tout à fait regardable même s’il est loin de la complexité du bouquin (le meilleur des quatre). Quant au Dahlia Noir par De Palma http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=54771.html
Ah ok …bon autant pour moi :) ( je suis plus à la page question ciné moi après deux ans loin de la France )
Je suis ton père, Luke !
@olivier : Effectivement. C’était le 18 novembre 2006, si j’en crois les archives de l’émission ), ce qui ne nous rajeuni pas… C’est trop loin pour que l’enregistrement soit tjs en ligne.
Je me souviens de cette émission, mais très très vaguement de la critique de cet ouvrage. Il me semble que les critiques n’étaient pas convaincus par les arguments de Hodel fils.
Un fils qui proclame que son père, par ailleurs surdoué, est un assassin… Y a‑t-il un psychanalyste dans la salle ? ;-)
Le film de De Palma est pitoyable, mieux vaut lire Ellroy.
pilaf : oui malheureusement c’est dommage que l’on ne puisse pas écouter les très anciennes émissions …et désormais je crois que l’on ne peux écouter que la toute dernière alors qu’il y a deux ans , on pouvait remonter les 5 ou 6 dernières …
Il ( radio france ) devrait nous faire des compils de nos émissions favorites ;)
@Pilaf : ah c’est sûr que c’est gratiné mais son dossier tient la route.
@Doc Mars : bon voilà au moins quelqu’un qui a un avis justifié sur la question. Je vais attendre que ça passe sur la télé pour me faire une idée de ce film.
@olivier : pas du tout, Thierry. On peut bien écouter les dernières émissions. Pour un meilleur confort d’écoute, je conseille un logiciel genre Itunes (à part que c’est de la daube mais passons) qui permets de télécharger automatiquement les mises à jour du site. Ça fonctionne désormais très bien et la qualité sonore est bien meilleure que celle fournie pour les archives.
tu veux dire pas seulement la toute toute derniere ?
car a chaque fois que j’essaie je ne trouve que la toute derniere …bon je vais fouiner plus alors …
Tu vas dans les archives…
Ah ! Ce livre a été un gros choc ! Des preuves quasi-concluantes, un faisceau d’indices hallucinants et surtout, surtout, cette note manuscrite de la main du père rigoureusement semblable à la graphie du meurtrier… Mon livre choc d’il y a deux ans !
Quand au Dahlia réalisé par De Palma, il est à fuir comme la peste : casting ratée, réalisation qui frise le ridicule, scènes absconses (la mère qui fait la poule lors du dîner, un grand moment) et le truc le plus extraordinaire : les meilleures moment du livre ont TOUS été oubliés !
Et tu es peut-être au courant : La fin de la trilogie Underworld en Novembre chez Rivages ! Yes !
Vivement qu’il passe à la télé ce film :-)
Je n’ai pas accroché au premier Underworld. Et donc je n’ai même pas lu le deuxième :-)
Heu, Li-an, désolé ; je parlais du prochain Ellroy !
Je parlais du Dalhia pour le film et de la série de bouquins de Ellroy, j’avais bien suivi :-)
Autant pour moi, j’ai cru que tu parlais d’une trilogie célèbre du cinéma !
Pour en revenir à Underworld trilogy, les deux premiers livres sont construits en trois grosses parties, culminant chacunes avec le pétage de plombs d’un des personnages principaux… La lecture en est difficile, mais une fois assimilés l’écriture ”Dum-dum” d’Ellroy, c’est du bonheur !
Et je vois que tu es sur Radix – quelle folie ! Quasi-aussi bien que Dune ou Hypérion !
Un peu difficile à boucler Radix mais des choses passionnantes.