Le fleuve des Dieux (Ian McDonald – Denoël/​Lunes d’Encre)

Une Inde fragmen­tée en petits royaumes, un policier Krish­na à l’arme au double canon – un pour les intel­li­gences artifi­cielles, l’autre pour les corps humains – un troisième sexe troublant pour un conseiller politique musul­man, un opposant tradi­tio­na­liste que l’on ne rencontre jamais, des stars virtuelles qui croient à leur propre existence, un fils à papa qui débute une carrière d’humo­riste, une femme au foyer qui rêve de jardins et de romances à l’eau de rose, un rocher dans l’espace qui a plusieurs millions d’années et qui contient un photo­ma­ton qui tire le portrait d’un chercheur améri­cain perdu dans l’Inde et …

J’ai lu plusieurs romans de Ian McDonald dont l’écri­ture était très inspi­rée à une époque par Garcia Màrques. Une SF très litté­raire et peu scien­ti­fique qui rêvait de pays chauds en état de décom­po­si­tion. Je dis ça mais je suis bon pour relire Desola­tion Road et Nécro­ville m’attend toujours dans la biblio­thèque. La grande – très grande – idée de ce roman, c’est de situer l’his­toire dans un futur proche dans une Inde parti­tion­née, où les ingénieurs infor­ma­tiques ouvrent de nouvelles dimen­sions pour chercher de l’éner­gie gratuite, où il est possible de se trans­for­mer litté­ra­le­ment (lourde chirur­gie esthé­tique et repro­gram­ma­tion neuro­nale inclues) en une personne de troisième sexe – ni homme ni femme, neutre. Pendant ce temps, la mousson n’arrive pas, la guerre pour l’eau est décla­rée et les États-Unis ont banni les intel­li­gence artifi­cielle de troisième niveau qui sont vraiment, vraiment trop intel­li­gentes pour l’Homme.
Ça fourmille donc de bonnes idées et de vie, la plus marquante à mes yeux est le soap Town & Country entiè­re­ment réali­sé par ordina­teur où les acteurs virtuels ont éclip­sé les stars humaines, puisqu’en plus d’inter­pré­ter leur rôle dans la série, ils parti­cipent à une vie people scéna­ri­sée dans un univers complè­te­ment factice. Une mise en abîme verti­gi­neuse. Cette richesse du roman est comme un reflet de l’idée que l’on se fait de l’Inde tradi­tion­nelle tout en la présen­tant comme un élément majeur de l’ave­nir de notre planète (ce qui est plutôt réaliste), pleine d’éner­gie et engon­cée dans ses problèmes de classe et de religion. Le livre est truffé d’expres­sions indiennes et je n’ai décou­vert le lexique qu’à la fin mais ça ne m’a pas gêné plus que ça. Par contre, les théories scien­ti­fiques abordées m’ont paru bien plus obscures qu’une partie de cricket locale. Évidem­ment, entre deux inter­ven­tions de robots militaires, le mariage program­mé de stars du soap et la décou­verte de drogues pour le moins étonnantes, le lecteur se demande comment tout cela va se terminer.
Ben de manière tarabis­co­tée et peu satis­fai­sante de mon point de vue – je dois souffrir d’une maladie neuro­nale qui m’oblige à voir des lacunes dans les récits narra­tifs. Si tous les fils se relient avec une certaine fluidi­té, la partie la plus faible du roman suit une chercheuse occiden­tale confron­tée au météo­rite venu d’un passé lointain qui lui imprime son visage et celui de son maître à penser et ex-amant. L’objet ET en lui-même justi­fie­rait un livre et ce n’est qu’une petite partie du récit qui n’apporte pas grand chose à l’ensemble (si ce n’est une fin à la Odyssée de l’Espace). Au final, tout parti­cipe à cette insatis­fac­tion : des person­nages qui ne semblent pas arriver au bout du mystère qui les motive. Mais avant ces cent dernières pages, vous aurez fait un sacré voyage qui méritent ample­ment le détour.

Je vais finir en ronchon­nant encore une fois avec une couver­ture de Manchu un peu à l’Ouest où on voit un robot naviguer sur un Gange assez vide. Je pensais que ce pauvre Manchu avait eu droit à un résumé de trois lignes pour pondre son image (ça arrive) mais le blog de Lunes d’Encre affirme sans rire que McDonald a validé la couver­ture. Il n’y a pourtant aucun robot de ce genre dans toutes les 600 pages du bouquin (la philo­so­phie du truc étant d’ailleurs bien résumée par un person­nage de petite frappe : pourquoi les Améri­cains s’obs­tinent-ils à fabri­quer des objets desti­nés à une tâche précise alors que les humains sont polyva­lents et apprennent très vite une fois conve­na­ble­ment punis ?).

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