Après le très étonnant Sept morts d’Evelyn Hardcastle, voilà le second roman signé Stuart Turton. Autant dire que je me suis un peu précipité pour acquérir L’Étrange Traversée du Saardam.
Lieu clôt marin
Le Saardam, navire de la Compagnie hollandaise des Indes orientales, quitte le port de Batavia pour Amsterdam, un long voyage périlleux de huit mois. À son bord, en plus des passagers classiques, le gouverneur, sa femme, sa fille, une troupe de mousquetaires et, à fond de cale, le célèbre Samuel Pipps, le chouchou des puissants, connu pour son intelligence hors norme qui lui permet de résoudre les enquêtes les plus complexes. Comment s’est-il retrouvé là, quelle cargaison transporte réellement le Saardam, quelle est la nature réelle du démon Old Tom qui s’est invité au voyage, l’amour est-il possible ? Voilà quelques unes des nombreuses questions qui hantent Arent Hayes, le garde du corps de Pipps, montagne de muscles et rédacteur des aventures de son maître. Qui porte lui-même, gravé dans sa chair, la marque du démon.
Sherlock au trou
Si vous aimez les romans à mystères, vous allez être servi. Turton nous bombarde d’une suite d’évènements étranges, de personnages effrayants et de motivations troubles, imbriqués les uns dans les autres ou faussement séparés. La résolution d’une énigme semble en appeler dix autres. C’est bien beau les mystères, ça excite l’imagination (enfin, chez moi en tous les cas) mais encore faut-il savoir les résoudre habilement sans décevoir le lecteur. De ce point de vue, on va dire que le boulot est fait honnêtement vu la complexité des enjeux mis en place. Mais c’est évidemment moins marquant (et plus truqué) que la structure des Sept morts qui devenait vertigineuse au fur et à mesure que l’on avançait dans le récit. Turton réussit quand même à nous balader avec une description très violente des rapports humains de l’époque (sociaux, hommes/femmes, marins/soldats), un goût du grotesque, une galerie de personnages marquants et un sens du naturalisme qui fait voyager dans le Temps. Si le personnage principal fait penser à Sherlock, c’est plutôt du côté d’ Agatha Christie que l’influence se fait sentir (une floppée de suspects dans un espace clôt) et on retrouve la petite originalité : l’enquête nécessite l’alliance de plusieurs personnes pour avancer, comme dans les Sept morts.