Quand Thomas Day m’a proposé quelques uns de ses ouvrages à lire, je n’ai pas hésité longtemps pour L’instinct de l’équarrisseur – sous-titré Vie et mort de Sherlock Holmes. Malgré quelques avertissements oratoires, je me disais que je n’avais rien à perdre à retrouver le détective de Conan Doyle, même dans un univers steampunk. Même assassin officiel de sa très Libertaire Majesté.
Si vous n’aimez pas que l’on triture vos personnages préférés dans tous les sens, il vaut peut-être mieux ne pas investir dans cet ouvrage. Day a décidé d’aller très loin dans le détournement des personnages tout en conservant habilement leur nature intrinsèque.
Après une petite introduction utile aux lecteurs qui ne connaîtraient pas les aventures sur papier du célèbre détective et les éléments biographiques importants de la vie de Conan Doyle – passionné d’ésotérisme, oui madame, Day démarre pied au plancher.
Conan Doyle n’a pas pu inventer un tel personnage de toute pièce, c’est bien connu. Il a donc dû s’inspirer d’un personnage réel… C’est bien le cas, sauf que les Sherlock et Watson n’habitent pas sur notre Terre ou plutôt dans notre dimension. Ils vivent dans un univers décalé où des petits extra terrestres poilus genre Ewoks ont débarqué il y a fort longtemps, boostant par leurs connaissances la science humaine. Dans ce monde, Watson est un chercheur fou digne de Géo Trouvetou et Holmes – marié à une Indienne de l’Inde – a été engagé par la Reine – un régime royal libertaire – pour flinguer les méchants ce qui n’est pas sans satisfaire ses propres pulsions sadiques. Watson a inventé une machine qui lui permet de voyager entre les dimensions et de récupérer le vrai Conan Doyle qui s’inspire des aventures vécues dans la Terre parallèle pour les narrer de manière très édulcorées et adaptées au goût de l’époque victorienne.
Voilà donc Doyle parti à la poursuite de Jack l’Éventreur dans les deux mondes avec Oscar Wilde en assistant, avant de croiser Moriarty qui a découvert un moyen de devenir immortel et qui en fait profiter sa maîtresse Elisabeth ”Shiva” Worrington, rousse volcanique aux désirs de feu. Il y a le Machu Pichu, Butch Cassidy et le Kid, un vol plané de Freud, bref c’est un grand délire assez gore par moment dont le rythme et le décalage m’ont souvent fait penser à une version comics du personnage – les auteurs comics ont un talent certain pour s’approprier les personnages historiques et les passer à leur propre sauce à base de ketchup.
Au final, un roman défouloir qui divisera les lecteurs : délire réjouissant pour certains, trahison kitsch pour les autres, il n’a qu’un défaut à mes yeux – l’utilisation forcenée du name dropping (ou ”utilisation de personnages historiques à toutes les sauces”).
La name-dropping, assez typique de la littérature steampunk, ne m’avait pas dérangé, bien au contraire, notamment quand il est utilisé pour détourner des personnages célèbres (la fameux passage avec Freud), avec beaucoup d’humour (le passage dans le dirigeable).
Je garde un bon souvenir de ce roman, vif et enlevé.
C’est une question de goût. Par exemple, j’ai aussi beaucoup de problème avec les romanciers français qui truffent leurs textes de références musicales – souvent de leur jeunesse.