Theodore Sturgeon a longtemps été un de mes auteurs de SF préférés. Ses personnages fragiles plus ou moins à son image, peu à l’aise dans le monde où ils vivent, m’ont toujours marqué et ce recueil de la fameuse collection Le livre d’or… souligne magnifiquement cette thématique récurrente. Et c’est d’autant plus réussi que, sur cette obsession, Sturgeon propose des approches complètement différentes.
Je ne vais pas parler de toutes les nouvelles mais de celles qui m’ont le plus marquées… et qui sont les dernières du recueil – bien construit.
M.Costello, héros est une fable bien grinçante où un commissaire de bord d’un vaisseau interstellaire raconte sa rencontre avec M.Costello, un grand homme politique injustement banni par ses pairs. Un homme qui sait comprendre les besoins secrets de gens et surtout œuvrer à une société vraiment sécurisée… En ces temps actuels où les politiques demandent à contrôler de plus en plus la vie privée des citoyens, c’est une vision grinçante qui garde son actualité. J’imagine que les lecteurs de l’époque l’ont vu comme un pamphlet anticommuniste alors que ça penche plutôt vers l’anarchisme.
Parcelle brillante voit un simple d’esprit recueillir une femme blessée poursuivie par des truands qu’il va soigner du mieux qu’il peut. Sturgeon manie un humour noir bien senti et montre une facette ricanante de son empathie pour les exclus en allant jusqu’au bout de la logique du récit.
L’autre Célia est le texte le plus étrange : un grand gaillard en attente d’une décision médicale a pris l’habitude de visiter les appartements voisins de son immeuble, une espèce de hobby voyeur qui remplit sa vie. Un jour, il tombe sur une locataire particulièrement étrange et intervient de manière indirecte dans sa vie. C’est une histoire surréaliste, bizarre, que Sturgeon explique à peine. Et c’est d’autant mieux comme ça.
Un crime pour Llewellyn est d’un humour grinçant : Llewellyn est un petit bonhomme sans aspérité qui travaille dans un hôpital et vit avec une petite femme qui s’occupe de tout. Sa vie est réglée comme du papier à musique. Sa vraie raison d’exister, c’est la connaissance intime du péché qu’il commet : il n’est pas marié avec la femme qui couche dans son lit. Cet équilibre va être rompu de manière irrémédiable et Llewellyn devra faire des pieds et des mains pour le retrouver.
C’est presque une thématique des frères Coen et je suis sûr qu’ils pourraient en tirer un film merveilleux.
Sans être du même niveau, les autres nouvelles sont toutes intéressantes à lire et j’avoue que j’ai pris un énorme plaisir à retrouver ce genre de littérature qui raconte des histoires inattendues et excitantes. Du coup, je vais sûrement relire les quelques romans de Sturgeon.
Couverture très laide de Siudmak qui n’a rien à voir avec le contenu .
Ah ! Sturgeon, j’étais un de ses fans hardcore moi aussi… Dans les années 60 ‑70, j’essayais de mettre la main sur tout ce qu’il avait publié (en français) et quelle déception quand j’avais lu la longue interview de lui qu’avait publiée Galaxie, où il mentionnait un certain nombre de titres qui n’avaient pas encore (à ce qu’il me semblait) été traduits… Depuis à peu près toutes les nouvelles que j’avais lues à l’époque, en recueils ou dans Fiction ou Galaxie, ont été rééditées sous différentes présentations, mais je soupçonne qu’il reste encore quelques inédits.
Il a sûrement des inédits. Notamment côté ”policier” puisqu’il a dû écrire des nouvelles dans ce genre pour la foultitude de revues de l’époque. Enfin, j’imagine puisque je ne crois pas avoir vu de bibliographie française. Avec Wiki, on doit avoir ça.
D’excellents souvenirs également, dont plus particulièrement ”Cristal qui songe” et ”les plus qu’humains”…
Quasiment ses deux seuls romans… Mais très marquants en effet.
Ce Livre d’Or fait partie de ceux que je ne possède pas…
Il a l’air bon, je vais le noter dans mes priorités !
Je me posais justement la question. Pas étonnant que tu ne le trouves pas, je pense que ça doit être un des meilleurs.
Il existe un omnibus pas mal fait et encore disponible qui rassemble une trentaine de nouvelles et deux romans.
https://www.noosfere.org/livres/niourf.asp?numlivre=2146561804
Ah tiens je ne connaissais pas (peut-être horrifié par la couverture).
Et il faut ajouter la réédition récente et à pas cher d’une novelette terrrrible :
https://www.noosfere.org/livres/niourf.asp?numlivre=2146575146
Ça a l’air de foutre les chocottes.
Ces deux nouvelles étaient dans le livre d’or, non ? Peut-être dans de nouvelles traductions (Je répare tout, c’est Parcelle brillante / Bright Segment).
” Un peu de ton sang” n’est pas paru dans le livre d’Or, mais dans les Histoires à faire peur d’Alfred Hitchcock. Si tu m’envoies ta carte bleue, je peux te mettre le livre d’or en ligne au format ePub.
N’oublie pas le code secret !