Acheté d’occasion, voilà un livre qui aura traîné dans ma bibliothèque pendant des années. Malgré de bonnes critiques, l’idée de voir mélanger le Versailles de Louis XIV avec une créature étrange – une sirène pour tout dire – me paraissait un peu trop artificiel comme l’avaient été d’autres livres issus de melting pot improbables. Et Vonda N. McIntyre est plus connue pour ses novellisations de Star Wars ou Star Treck que pour son roman multi-primé Le serpent du rêve.
1693, le Roi Soleil se fait vieillissant et Versailles est le centre du monde européen. Yves de la Croix, jeune et séduisant père jésuite, revient de son expédition : il ramène le corps d’une créature marine proche de l’homme et sa femelle qu’il a capturé en haute mer. Marie-Josèphe, sa jeune sœur qui a échappé au couvent et à l’école de St Cyr, brûle de l’aider dans ses recherches sur ces créatures étranges, elle qui est férue de mathématiques. Mais Marie-Josèphe comprend rapidement que la sirène est une créature intelligente avec laquelle elle peut communiquer. Saura-t-elle la sauver des griffes du Pape, du désir d’éternité de Louis XIV et de la casserole ? Échappera-t-elle aux intrigues amoureuses de la cour ? Trouvera-t-elle l’amour ? Aura-t-elle une belle robe pour le prochain bal ? Vous découvrirez tout ceci en lisant ce roman bien troussé.
Franchement, au bout de quelques pages, j’ai eu l’impression de lire une novellisation d’un manga. La jeune fille dynamique et intelligente, qui excelle en mathématiques et en musique, qui charme toute la cour par sa beauté et qui prend le temps d’apprécier les belles robes, on est dans un archétype manga de première classe. Mais j’y ai aussi trouvé beaucoup de plaisir. McIntyre s’est documentée à fond et rend bien la vie quotidienne à la cour du Roi Soleil, décrivant par le menu les différentes fêtes, cérémonies et le protocole. Vous saurez tout sur la mode de l’époque et les coulisses du pouvoir. Et, en même temps, ses personnages à la Dumas sont d’une énergie communicative et on s’esbaudit de leurs efforts pour rester dignes dans un univers où seule la volonté du Roi compte.
C’est un des points forts du livre : rendre tangible les effets de l’absolutisme sur la vie des sujets du Roi, le pouvoir de l’Église et de son désir de tout contrôler – le corps comme l’esprit. De l’anti-Stéphane Bern en quelque sorte et qui rappelle que notre ”héritage culturel chrétien” n’a pas que de bons côtés. De plus, le second rôle masculin le plus marquant a le bon goût d’être athée, ce qui nous change un peu.
Au final, un livre qui se lit très bien, qui ravira les lecteurs en quête de dépaysement historique avec quelques réflexions pertinentes sur les vertus de la démocratie et de la liberté de penser.