Hans Hillmann (1925 – 2014) est un illustrateur allemand réputé pour ses affiches de films d’une modernité radicale. En 1974, il décide de réaliser son propre film… sous forme graphique.
Papier tue-mouches est une nouvelle de Dashiell Hammett qui voit un enquêteur confronté à la disparition d’une fille de bonne famille qui aime les voyous.
Hillmann a choisi de réaliser des illustrations pleines pages en grisaille avec un texte succinct en légende ce qui donne une narration onirique traversée par des moments de violence suspendue et de déambulations silencieuses. C’est vraiment un livre étonnant au graphisme très détaillé au niveau du décor avec des éléments étranges qui m’a rappelé le travail de Nicole Claveloux par exemple. Il y a une table surchargée qui bouffe la place et j’ignore quelle signification elle peut avoir. Hillmann cherche des atmosphères, détourne des photos, rend irréalistes des décors recomposés.
La préface est signée Art Spiegelman qui pose des questions intéressantes notamment sur la définition actuelle de ce que l’on appelle désormais un « roman graphique » avec une phrase étonnante : « bien que ce ne soit pas une bande dessinée, c’est bien un roman graphique » (évidemment, Hillmann n’a jamais pensé faire de la BD et le roman graphique n’existait pas). Sur le moment, j’ai hurlé (dans la librairie, j’étais tombé sur la sentence en feuilletant le livre). Mais il n’a pas tort. Le roman graphique est devenu un concept flou qui permet aux éditeurs de caser tout et n’importe quoi du moment qu’il y a un semblant de narration mélangeant texte écrit et images. On se retrouve avec une définition qui me dérange un peu où la bande dessinée ne serait plus qu’un sous-genre du roman graphique. Ça me dérange parce que j’aime la bande dessinée dans sa forme historique qui a montré son efficacité et sa puissance narrative. En faire un sous-genre ressemble en plus à une énième tentative d’en atténuer l’intérêt aux yeux d’une classe intellectuelle qui ne l’a jamais comprise ni admise, incapable de la placer dans une vision de l’Évolution de l’Art – un concept que je trouve suspect par ailleurs.
Hillman publie l’ouvrage en 1982 et, étonnamment, il ne semble avoir eu aucun écho en France alors qu’on l’aurait très bien vu publié par les Humanoïdes Associés de l’époque. L’édition proposée ici par La Table Ronde est très soignée et on retrouve la nouvelle originale à la fin. En fait, la faiblesse du bouquin c’est peut-être l’histoire qui ne casse pas trois pattes à un canard, mélange assez étrange de polar noir et d’énigme à la Agatha Christie et dont l’intérêt tient surtout à la galerie de personnages.
Très impressionnant.Pour le coup,passé un hurlement(c’est fou le nombre de romans graphiques qui nous tombent dessus),je vais encore passer de longs instants devant ces pages vertigineuses:il y a bien une autre histoire qui se dissimule là,distillant dans la lumière,dans une ligne comme des réponses au court roman.Êst-il l’auteur-probable-de la maquette?Hammett,comme Chandler,récemment traduit de nouveau,n’a t’il pas longtemps été trahi,coupé..?
Il faut en effet accepter de se perdre dans les images, ce qui n’est pas très naturel en BD. La maquette, elle est simple : une page/une illustration.
Je n’ai encore rien lu de Hammett (à part cette nouvelle du coup) alors que j’ai tout lu Chandler. Il faudra peut-être que je jette un œil sur les nouvelles traductions.
Vieux concept que le roman graphique , 1969 Poème-bulle de Dino Buzzati .
Spiegelman cite God’s Man de Lyn Ward (1929).