Les puissances de l’invisible (Tim Powers – Lunes d’Encre/Denoël)

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Andrew Hale appar­tient aux services secrets britan­niques, dans l’ultra secret projet Declare. Le voilà devenu membre du Parti Commu­niste avant d’avoir eu le temps de lire le Capital, recru­té par les services sovié­tiques, envoyé à Paris comme radio. Où il est confron­té à des phéno­mènes effrayants qui semblent se focali­ser sur lui. Est-ce qu’il n’y aurait pas un combat supérieur aux enjeux politiques, voire militaires de la Seconde Guerre Mondiale, une lutte qui trouve sa source sur le mont Ararat et une expédi­tion russe dans la région en 1848 ?
C’est que Hale est entré dans les services secrets à sept ans sous l’impulsion de sa mère, ancienne religieuse catho­lique qui l’a fait bapti­ser dans le Jourdain. Et il fait ces rêves étranges tous les change­ments d’année…

Amour et religion

À une époque, j’étais suffi­sam­ment fan du travail de Tim Powers pour lire toutes ses œuvres publiées en France. Succé­dant au Poids de son regard qui avait été un très bon cru, Les puissances de l’invisible s’est révélé encore plus ambitieux, rendant hommage aux ouvrages de John Le Carré en y injec­tant une dose subtile de fantas­tique. En général, les mélanges litté­raires me laissent un drôle de goût dans la bouche mais ça ne fait jamais ”expérience génétique ratée” chez Powers. En partie grâce à une assise documen­taire à toute épreuve qui recons­ti­tue avec brio le Moscou des années de guerre, donne l’impression que Powers a passé une partie de sa vie à parcou­rir le désert avec les tribus bédouines et rend terri­ble­ment vivant Philby, oui LE Philby agent double qui travaillait pour les Sovié­tiques et autour de la vie duquel le roman est construit.

Mais c’est surtout son approche du fantas­tique qui me plaît beaucoup. Chez Powers, les Choses, les Puissances ne sont pas hors de notre monde. Elles ont une histoire qui se confond avec celle de l’Humanité, une logique propre qui explique les légendes et les pratiques occultes et, enfin, elles respectent les lois de la physique.
Cette cohérence documen­taire et fantas­tique est une base solide sur laquelle Powers peut s’appuyer pour racon­ter une histoire étonnante. Il a le chic pour créer des person­nages un peu paumés qui se démènent comme de beaux diables – même quand ils ont trop bu, ce qui arrive souvent – pour échap­per au destin qu’on leur a promis et construire leur propre vie. Hale a été choisi et élevé pour un seul but et il lui faut une bonne dose de courage – et l’espoir de l’amour – pour se défaire des liens morti­fères qui le lient aux services secrets de tous bords.

Le monde est complexe (Lego)

Lorsque j’ai lu la première fois le bouquin, j’étais un peu perdu. Le récit est monté sur des flash­backs de Hale, hanté par des évène­ments violents qui ont marqué sa vie, évène­ments que Powers distille à gouttes comptées et, entre l’avalanches de petits détails sur les diffé­rents services britan­niques et ces aller-retours narra­tifs, le lecteur peu intéres­sé par l’espionnage ou les rivali­tés bédouines peut vite décro­cher. À l’époque, cette complexi­té m’avait séduit car elle souli­gnait l’état d’esprit des person­nages qui affron­taient des choses qui dépassent l’entendement. Avec les connais­sances accumu­lées – un des rares avantages de l’âge – j’ai pris un plaisir diffé­rent, savou­rant les détails histo­riques mais, évidem­ment, moins surpris par ce qui attend Hale au sommet du mont Ararat.
Les seuls défauts que j’y vois mainte­nant, c’est le désir de Powers de nourrir sa construc­tion fantas­tique avec le maximum d’évènements histo­riques ou récits de l’Humanité (cela va des Évangiles à la Bible en remon­tant jusqu’à Gilga­mesh). C’est un peu too much et j’ai décou­vert en cherchant des infos pour cet article le catho­li­cisme de Powers qui est évident dans ce texte et qui peut agacer les bouffeurs de curés mais j’avoue que ça m’avait échap­pé à ma première lecture.

Au final, un merveilleux ouvrage fantas­tique qui exploite à fond le thème des services secrets et la Guerre froide sans tomber dans la facili­té. Ça me donne envie de relire du Powers voire d’investir dans un recueil de nouvelles que je n’avais pas vu passer.

Challenge Lunes d’Encres

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C’est le challenge Lunes d’Encre organi­sé par A.C. de Haenne sur son blog http://​les​-murmures​.blogspot​.fr/​2​0​1​6​/​1​2​/​c​h​a​l​l​e​n​g​e​-​l​u​n​e​s​-​d​e​n​c​r​e​.​h​tml qui m’a donné l’idée de relire ce bouquin.

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6 commentaires

    • Une couver­ture de Manchu que je trouve honnête sans plus – le désert n’est pas son domaine de prédilection.

  1. Ca donne envie. Malheu­reu­se­ment, plus le temps passe, et plus le nombre de livres de SF que je n’ai pas lus augmente, alors que le nombre d’édi­teurs, d’auteurs et de lecteurs diminue.
    Je garde Tim Powers pour ma prochaine vie antérieure, d’autant plus que je viens de commen­cer The Expanse, sur les conseils de ton ami blogueur Assez de ZeN qui n’aime rien tant que dire du mal des Legos Batman.
    La dernière fois que j’ai lu un livre mélan­geant espion­nage et fantas­tique, c’était Le Bureau des atroci­tés de Charles Stross. Y’avait un peu de Monty Python dedans, aussi. Et des Nazis dans l’espace, mais c’était pas mal quand même.

    • Quoique là, on est plutôt dans le fantas­tique. C’était bien rigolo le Stross, j’ai dû le chroni­quer rapide sur ce blog.

  2. Un auteur que je connais peu. Je sais qu’il a ses admira­teurs, et ce bouquin est plutôt réputé, ce que tu confirmes.
    Si je le croise (en occasion), je me jette­rai dessus. Et un Lunes d’Encre en plus (ou plutôt deux), ça ne peut pas faire de mal.

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