Tahiti au temps de la reine Pomare (Patrick O’Reilly – Les éditions du Pacifique)

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La Reine Pomare IV va régner sur Tahiti de 1827 à 1877. Première repré­sen­tante royale a avoir été bapti­sée à sa naissance, elle va voir la France et l’Angle­terre faire la guerre sur son terri­toire pour tenter d’impo­ser leur influence respec­tive via leurs mission­naires. Deux ans de guerre pendant lesquels vont s’affron­ter soldats français et Tahitiens. La victoire de l’ami­ral Bruat ouvre la porte à un protec­to­rat français qui scelle l’ave­nir de Tahiti.
C’est cette période qui intéresse le père O’Reilly. Puisant dans les corres­pon­dances, les courriers officiels, les rapports adminis­tra­tifs ou la presse locale, il fait le portrait souriant d’un Tahiti qui s’ouvre à l’influence extérieure, d’un Tahiti qui commence à oublier ses tradi­tions ances­trales et qui vit au rythme des bateaux qui font escale dans la rade de Papeete. O’Reilly n’hésite pas à aborder toutes les facettes de la vie de l’époque (politique, écono­mique, religieux ou médical) dans une écriture simple et très vivante, n’hési­tant pas à dévelop­per anecdotes et petites histoires de la vie quoti­dienne. Le prix du calicot chez Mme Maria Chéry n’aura plus de secret pour vous, vous décou­vri­rez les soirées animées qui se déroulent dans la partie de l’hôpi­tal réser­vé aux femmes alcoo­liques ou les problèmes posés par le bétail qui vaque sans entraves. Plus sérieu­se­ment, il évoque le scandale des navires chiliens recru­tant des Polyné­siens de force ou par la ruse pour les envoyer dans les mines d’Amé­rique du Sud où beaucoup mourront au travail. Les premiers condam­nés à mort de l’Admi­nis­tra­tion française mérite­raient de passer à la posté­ri­té. Trois travailleurs chinois impli­qués dans des bagarres mortelles sont condam­nés à la guillo­tine. Ils mettent dans l’embarras les autori­tés qui n’ont pas un tel instru­ment sous la main. Qu’à cela ne tienne, des menui­siers marins vont impro­vi­ser une guillo­tine parfai­te­ment fonction­nelle ! Les condam­nés sont trans­fé­rés sur le lieu de l’exé­cu­tion et on s’aper­çoit qu’il y a erreur sur une des personnes (ils doivent tous se ressem­bler, ces Chinois). Quant à la guillo­tine, la voilà bloquée : les zélés artisans ont voulu la peindre et le coltar a coincé la lame. Les pauvres condam­nés à mort ont tout le temps de méditer sur ce qui les attend pendant qu’ils assistent aux efforts des officiels pour remettre en fonction la machine de mort…
On pourra regret­ter que le livre manque un peu d’émo­tion vécue mais les colons n’ont jamais eu la fibre litté­raire. Pas de roman, de carnet intime qui aurait pu aider à mieux comprendre le vécu et l’état d’esprit de l’époque. Pire encore, les travaux du premier médecin de l’île, grand botaniste, vont être pieuse­ment enter­rés avec lui. Quand au recueil du révérend Orsmond qui a rassem­blé tout ce qu’il a pu des mythes et tradi­tions orales de la Polyné­sie, le gouver­neur Lavaud l’a ramené en France avec lui mais on perd à partir de là la trace du manus­crit… Il semble­rait que Tahiti soit condam­née à vivre dans les mémoires à travers une légende dorée perpé­tuée notam­ment par un Gauguin qui débar­que­ra 14 ans après la mort de la Reine et qui ne l’aura pas vu organi­ser une récep­tion suivant les coutumes anciennes à Moorea (avec danses ”obscènes” et dévoi­le­ment de jeunes filles envelop­pées dans des ”tapas”) ou ordon­ner un deuil tradi­tion­nel qui oblige hommes et femmes à couper leur cheveux en signe d’affliction.

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11 commentaires

  1. La coaltar, croise­ment impro­bable du koala visqueux et de l’altier casoar, est un goudron obtenu par distil­la­tion de la houille, utili­sé pour calfeu­trer les coques des navires. Sa racine anglaise ne laisse planer aucun doute sur son ortho­graphe, un peu plus sur sa pronon­cia­tion qu’on enten­dra au choix avec un o ouvert ou fermé. A moins qu’on ne soit dedans. C’était la minute néces­saire de Me Capello.

  2. Ce qui est bien avec les blogs c’est qu’il n’y a pas besoin de dévelop­per les trucs un peu pointu, il y a toujours un commen­ta­teur pour complé­ter les trous. Merci Hobopok.

  3. Il est intéres­sant de savoir qu’en Nouvelle-Calédo­nie, le mot coaltar, aussi écrit coltar, comme il se prononce, (mais pas coltard, comme on le trouve souvent) est autre­ment plus employé qu’en métropole :
    Une route colta­rée y est une route goudronnée,
    Se faire colta­rer par les gendarmes, c’est se prendre une amende.
    Cela viendrait de l’armée améri­caine qui, pendant la guerre du Pacifique, aurait goudron­né (colta­ré) les pistes de l’île qui ne connais­sait prati­que­ment pas le goudron, à part à Nouméa. 

    Moi aussi je sais utili­ser Google ! ;D

  4. Merci donc à Google. Perso je lis le Larousse, une sorte de livre avec des pages. Ce qui explique que l’ortho­graphe coltar m’ait parue aussi exotique. D’ailleurs O’Reilly il devait bien être irlan­dais ou quelque chose, et on va envoyer Li-An vérifier son ortho­graphe dans son joli livre (avec des pages).

  5. J’ai cru comprendre que les Péruviens étaient effec­ti­ve­ment en grande partie respon­sables de la destruc­tion (du génocide ?) de la civili­sa­tion pasquane.
    On leur doit notam­ment la perte sans doute irrémé­diable de l’écri­ture rongo-rongo grâce à leur ingénieux système de dépor­ta­tion de masse (même le roi a fini dans les mines du Pérou !), ainsi qu’aux maladies intro­duites par les rares survivants…
    Ont-ils dépor­té en masse d’autres îliens ?

  6. Ils ont claire­ment ratis­sé la Polyné­sie. C’était un peu l’époque des contrats de travail foireux avec toute une popula­tion chinoise notam­ment qui a été exploi­tée sans vergogne.

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