La Reine Pomare IV va régner sur Tahiti de 1827 à 1877. Première représentante royale a avoir été baptisée à sa naissance, elle va voir la France et l’Angleterre faire la guerre sur son territoire pour tenter d’imposer leur influence respective via leurs missionnaires. Deux ans de guerre pendant lesquels vont s’affronter soldats français et Tahitiens. La victoire de l’amiral Bruat ouvre la porte à un protectorat français qui scelle l’avenir de Tahiti.
C’est cette période qui intéresse le père O’Reilly. Puisant dans les correspondances, les courriers officiels, les rapports administratifs ou la presse locale, il fait le portrait souriant d’un Tahiti qui s’ouvre à l’influence extérieure, d’un Tahiti qui commence à oublier ses traditions ancestrales et qui vit au rythme des bateaux qui font escale dans la rade de Papeete. O’Reilly n’hésite pas à aborder toutes les facettes de la vie de l’époque (politique, économique, religieux ou médical) dans une écriture simple et très vivante, n’hésitant pas à développer anecdotes et petites histoires de la vie quotidienne. Le prix du calicot chez Mme Maria Chéry n’aura plus de secret pour vous, vous découvrirez les soirées animées qui se déroulent dans la partie de l’hôpital réservé aux femmes alcooliques ou les problèmes posés par le bétail qui vaque sans entraves. Plus sérieusement, il évoque le scandale des navires chiliens recrutant des Polynésiens de force ou par la ruse pour les envoyer dans les mines d’Amérique du Sud où beaucoup mourront au travail. Les premiers condamnés à mort de l’Administration française mériteraient de passer à la postérité. Trois travailleurs chinois impliqués dans des bagarres mortelles sont condamnés à la guillotine. Ils mettent dans l’embarras les autorités qui n’ont pas un tel instrument sous la main. Qu’à cela ne tienne, des menuisiers marins vont improviser une guillotine parfaitement fonctionnelle ! Les condamnés sont transférés sur le lieu de l’exécution et on s’aperçoit qu’il y a erreur sur une des personnes (ils doivent tous se ressembler, ces Chinois). Quant à la guillotine, la voilà bloquée : les zélés artisans ont voulu la peindre et le coltar a coincé la lame. Les pauvres condamnés à mort ont tout le temps de méditer sur ce qui les attend pendant qu’ils assistent aux efforts des officiels pour remettre en fonction la machine de mort…
On pourra regretter que le livre manque un peu d’émotion vécue mais les colons n’ont jamais eu la fibre littéraire. Pas de roman, de carnet intime qui aurait pu aider à mieux comprendre le vécu et l’état d’esprit de l’époque. Pire encore, les travaux du premier médecin de l’île, grand botaniste, vont être pieusement enterrés avec lui. Quand au recueil du révérend Orsmond qui a rassemblé tout ce qu’il a pu des mythes et traditions orales de la Polynésie, le gouverneur Lavaud l’a ramené en France avec lui mais on perd à partir de là la trace du manuscrit… Il semblerait que Tahiti soit condamnée à vivre dans les mémoires à travers une légende dorée perpétuée notamment par un Gauguin qui débarquera 14 ans après la mort de la Reine et qui ne l’aura pas vu organiser une réception suivant les coutumes anciennes à Moorea (avec danses ”obscènes” et dévoilement de jeunes filles enveloppées dans des ”tapas”) ou ordonner un deuil traditionnel qui oblige hommes et femmes à couper leur cheveux en signe d’affliction.
Ceci peut vous intéresser
!ABC Pour signaler une erreur ou une faute de français, veuillez sélectionner le texte en question et cliquer sur l’icône R en bas à gauche.
La coaltar, croisement improbable du koala visqueux et de l’altier casoar, est un goudron obtenu par distillation de la houille, utilisé pour calfeutrer les coques des navires. Sa racine anglaise ne laisse planer aucun doute sur son orthographe, un peu plus sur sa prononciation qu’on entendra au choix avec un o ouvert ou fermé. A moins qu’on ne soit dedans. C’était la minute nécessaire de Me Capello.
Ce qui est bien avec les blogs c’est qu’il n’y a pas besoin de développer les trucs un peu pointu, il y a toujours un commentateur pour compléter les trous. Merci Hobopok.
Il est intéressant de savoir qu’en Nouvelle-Calédonie, le mot coaltar, aussi écrit coltar, comme il se prononce, (mais pas coltard, comme on le trouve souvent) est autrement plus employé qu’en métropole :
Une route coltarée y est une route goudronnée,
Se faire coltarer par les gendarmes, c’est se prendre une amende.
Cela viendrait de l’armée américaine qui, pendant la guerre du Pacifique, aurait goudronné (coltaré) les pistes de l’île qui ne connaissait pratiquement pas le goudron, à part à Nouméa.
Moi aussi je sais utiliser Google ! ;D
Merci donc à Google. Perso je lis le Larousse, une sorte de livre avec des pages. Ce qui explique que l’orthographe coltar m’ait parue aussi exotique. D’ailleurs O’Reilly il devait bien être irlandais ou quelque chose, et on va envoyer Li-An vérifier son orthographe dans son joli livre (avec des pages).
Dans le livre, c’était marqué ”coltar”. Je n’ai pas cherché plus loin…
Don tact.
Le Larousse, c’est un genre de site web papier non ?
Rhoaââ, pfou, ça y est, maintenant c’est Provisus 2.0 !
J’ai cru comprendre que les Péruviens étaient effectivement en grande partie responsables de la destruction (du génocide ?) de la civilisation pasquane.
On leur doit notamment la perte sans doute irrémédiable de l’écriture rongo-rongo grâce à leur ingénieux système de déportation de masse (même le roi a fini dans les mines du Pérou !), ainsi qu’aux maladies introduites par les rares survivants…
Ont-ils déporté en masse d’autres îliens ?
Ils ont clairement ratissé la Polynésie. C’était un peu l’époque des contrats de travail foireux avec toute une population chinoise notamment qui a été exploitée sans vergogne.
Il doit y avoir d’intéressants scénarii à tirer de tout ça !!! (au moins pour un Oncle Paul !)