Voilà un bouquin SF qui a suscité ma curiosité dès sa sortie . Je connaissais China Miéville pour la fantasy baroque de son Perdido Street Station mais The City & the City nous convie à un voyage moins exotique quoique tout aussi dérangeant.
Imaginez deux villes : Besźel – vieille ville d’Europe Centrale un peu décrépie aux immeubles vétustes et aux transports en communs bruyants – et Ul Qoma – de culture musulmane, laïque, non démocratique mais en pleine expansion économique avec néons tapageurs et buildings frimeurs. Situées dans le même espace géographique. Littéralement. Sans que les habitants d’une ville ne puisse voir l’autre et ses habitants. Comment faire ? En apprenant dès la naissance comment ne pas regarder la ville jumelle et à ne pas y penser. Comment le faire respecter ? Avec une entité policière aussi secrète qu’invisible – la Rupture – chargée d’intervenir immédiatement lorsque l’espace mental et physique entre les deux villes est franchie. L’inspecteur Borlù officie côté Besźel et il se retrouve avec le cadavre d’une jeune et brillante étudiante américaine venue étudier la préhistoire des deux cités (le sous-sol est bourré d’artefacts incompréhensibles). Venue d’Ul Qoma. Il espère refiler le bébé à la Rupture sauf que ça ne peut pas se faire et qu’il ne peut pas s’empêcher de creuser. Il faut dire que l’interaction entre les deux cités est tellement complexe qu’il y a de la place pour les fantasmes. Et s’il existait une troisième population qui serait à l’origine de tout, cachée dans les replis tramés des deux entités ?
Voilà un bouquin ambitieux dans l’approche. Les deux villes sont inspirées de Jérusalem, des villes d’Europe Centrale chrétienne/musulmane mais plus généralement de la nature de toutes les grandes villes où se croisent sans se connaître des gens qui fréquentent le même espace géographique en ignorant tout de leur voisin pour des raisons culturelles, sociales ou autres. Le sel du livre vient du fait que ces villes existent dans notre monde contemporain et Miéville multiplie les références pour bien le faire entrer dans notre tête (musique, fringues, culture, tout correspond à notre XX° siècle), ce qui rend la chose encore plus étrange évidemment. L’histoire policière elle-même est assez classique pour ne pas faire de l’ombre à l’univers où elle se déroule et, ce qui la rend prenante, c’est évidemment la difficulté à maîtriser l’espace spatial pour les enquêteurs. Imaginez une course poursuite où chacun des protagonistes serait dans le même endroit physique mais pas dans la même ville…
Le plus surprenant, c’est que Miéville n’apporte pas de solution au ”problème”: les villes existent parce que leurs habitants désirent qu’il en soit ainsi. Leur culture et leur histoire sont plus fortes que la logique géographique…
Un bouquin très stimulant intellectuellement avec un concept très maîtrisé et qui m’a vu bouquiner jusqu’à tard le soir, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps.
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J’avais adoré Perdido (pas d’adaptation BD encore ? l’univers s’y prête bien …), mais un peu déçu par les Scarifiés. Je vais me laisser tenter par celui-ci.
@Vcube : il faut que le lise, les Scarifiés. Il paraît que Le concile de fer est encore moins bien, alors :-). Je ne l’ai pas écrit mais dans l’écriture c’est beaucoup plus simple que Perdido.
Y a‑t-il un livre spécifique pour aborder l’œuvre de China Miéville ? On en parle partout mais en feuilletant j’ai toujours l’impression que ça va être rébarbatif…
@jérôme : personnellement, je conseillerai plutôt Perdido Street Station qui est le plus beau et le plus riche – bon, je n’en n’ai pas lu des tonnes non plus. Si tu n’as pas peur d’une écriture foisonnante, ça devrait le faire.
@Li-An : En fait j’avais un peu l’impression que c’était une écriture qui valait par ses trouvailles ”visuelles” mais qui était assez rébarbative stylistiquement parlant… C’est un problème récurrent que j’ai avec la SF ou le fantastique d’ailleurs. Mais bon, j’essaierai ”Perdido”…
@jérôme : ben ça dépend de tes goûts. Il faudrait expliquer ce que tu n’aimes pas :-)
@Li-An : Mais même Philip K. Dick, que j’aime bien, je trouve que ça tire parfois à la ligne, que ça manque un peu de sensibilité. Neil Gaiman pareil, il a de très bonnes idées mais ça m’emporte rarement. A l’inverse, Haruki Murakami je trouve ça très intéressant dans cette manière d’utiliser le fantastique comme métaphore sensible mais c’est parfois un peu trop lâché à mon goût…
Voilà, j’ai cité plein de choses qui n’avaient rien à voir l’une avec l’autre, je pense que cette conversation ne va pas aller loin.
En fait, s’il y avait un écrivain de SF ou de fantasy qui écrirait comme Robert Louis Stevenson, ça serait parfais.
@jérôme : oh, il y en a plein ! Jack Vance par exemple :-) K. Dick a une écriture très sèche il me semble. Mais je ne suis pas fort en style d’écriture :-)
@Li-An :
Je me doutais qu’on retomberait sur Jack Vance, je sais pas pourquoi…
(bon ben je note tout ça)
J’aurais proposé Perdido Street Station, le plus connu, mais celui-ci a l’air plus abordable selon Li An.
Un très bon bouquin, j’ai beaucoup aimé sa lecture !
@Guillaume44 : j’imagine que vous avez été plus bavard sur votre blog :-) Je tâcherai d’aller lire ça.