Les couvertures de cette collection de chez Denoël sont tellement moches que je n’ai jamais cherché à lire les recueils de nouvelles signées Gene Wolfe datées des années 1980 et parues dans cette collection. Mais il n’est jamais trop tard pour racheter ses erreurs.
Les nouvelles
Un chalet sur la côte & Kevin Malone – deux histoires à chute un peu trop prévisibles.
June dans les ténèbres, La mort de Hule, Extraits du carnet du docteur Stein & Thag ont été écrites pour une suite d’anthologie annuelle, Continuum. On commence par une histoire très simple dans un futur où les gens peuvent décider de passer à un niveau supérieur d’existence – ce qui revient à disparaître de ce monde. Le changement d’état provoque des échos dans le monde qu’il quitte. Un père essaie d’empêcher sa fille de prendre cette décision. La deuxième voit le père partir à la recherche de sa fille. Le troisième, à travers les notes d’un médecin, nous présente une jeune fille « possédée » par différents personnages (ceux des nouvelles précédentes) en guerre contre Thag (à peine cité auparavant). Et enfin, Thag est un conte fantasy reprenant tous les protagonistes.
Pour quelqu’un qui tente d’écrire des histoires comme moi, c’est très déstabilisant, mais aussi excitant, de voir un auteur jouer littéralement avec ses propres écrits, les tordant et les malmenant pour les amener ailleurs.
L’homme du Nebraska et de la Néréide – une histoire fantastique, classique et peu passionnante autour des nymphes de la mythologie grecque.
Dans la maison de pain d’épice – un magnifique tour de passe-passe littéraire. À partir d’un conte traditionnel, Wolfe nous explique dès le début ce qu’il en est et le lecteur est amené à croire qu’il lit autre chose. Tel est pris qui croyait prendre.
L’homme sans tête est un vrai récit fantastique où un jeune homme sans tête (yeux, bouche, etc… sont placés sur son corps, oui, c’est un Blemmye) raconte les efforts de ses parents et les siens pour s’intégrer dans le monde en dissimulant son « handicap ». C’est drôle parce que c’est du grand bricolage qui rappelle le cinéma de Gondry. Et la chute est très jolie.
Notre voisin, par David Copperfield est une espèce d’enquête façon romans britanniques du XIXème siècle où un personnage s’intéresse à son voisin, médecin au comportement suspect. Là encore, Wolfe déjoue totalement nos attentes pour remettre de la réalité sociale dans un univers littéraire qui penchait plutôt vers les classes supérieures.
Le détective des rêves rappelle Borgès ou Chesterton. Un détective parisien (sic) de la Belle Époque est contacté par un émissaire prussien pour enquêter sur un phénomène étrange : certains habitants d’une petite ville voient leurs rêves habités par un seul et même personnage. Que des trucs que j’adore ! Une ambiance quelque peu Lynchienne et une conclusion tout aussi énigmatique.
Péritonite est une histoire dont le narrateur appartient à une tribu qui vit… sur un corps humain. L’ambiance est un peu tendance La guerre du feu avec exploration, aventures (cheveux, bouche, etc… sont visitées). Une idée assez géniale.
Toutes les couleurs de l’Enfer est de la SF et je ne l’ai pas du tout aimée. Pour le coup, je n’ai pas trop compris ce que Wolfe voulait raconter.
Lukora voit une expédition terrienne sur une planète inconnue proche de la Terre et habitée par des créatures proches des folklores traditionnels. On retrouve une thématique, assez connue de Wolfe, de la dissolution dans un univers fantasy.
Suzanne Delage n’est ni SF ni fantasy ni fantastique. Une histoire cruelle d’un vieux garçon aux habitudes tranquilles qui va découvrir qu’il aurait pu avoir une autre vie.
Mon livre est un petit paradoxe littéraire. Bon…
La plus belle femme du monde est une nouvelle SF/fantastique qui rappelle un peu l’Asimov des Chroniques martiennes – avec une construction très classique de trois personnages qui racontent une histoire effrayante qui leur est arrivée. Encore la thématique d’un monde fantasy parallèle que Wolfe a arpenté. Moyen.
L’histoire de la rose et du rossignol (et de ce qui s’ensuivit) est un pur conte des Mille et une Nuits avec mendiant débrouillard et princesse intrépide. Assez réjouissant, mais très classique au fond.
Conclusion
Si l’ouvrage est très inégal, les meilleures nouvelles m’ont vraiment donné envie d’en lire plus. L’originalité de l’écriture de Wolfe et son style sont incomparables à mes yeux.
C’est vrai,côté fantastique, science fiction, et même roman noir, les couvertures m’ont souvent repoussé, également…chez Pocket par exemple. .
J’attends dès lors la couverture de ce Wolfe par Li An…y a matière !
L’affreux Siudmak chez Pocket. En plus, j’en ai quelques uns. Quel gâchis. J’ai peut-être un peu de temps pour faire une fausse couv. On va essayer.
Je garde un bon souvenir du recueil L’île du Docteur Mort (lu il y a longtemps!): le souvenir d’un recueil de nouvelles assez homogène. Un recueil de nouvelles qui, au contraire, partent dans tous les sens – hard science, fantasy, science fantasy, conte, fable, weird fiction, tout ça avec l’approche si particulière de Gene Wolfe – ça me tente bien ! Celui-là, je l’avais raté à sa sortie ; je suppose qu’on ne le trouve plus qu’en occasion ?
Je l’ai lu il y a très longtemps dans mes souvenirs. Je ne crois pas l’avoir acheté d’ailleurs. Il faudra que je réessaye du coup. J’avais beaucoup aimé La cinquième tête de Cerbère.