Ce bouquin traînait depuis plus de dix ans dans ma bibliothèque et comme je range, je lis.
Graham Greene était assez à la mode dans les années 70/80 en France : il avait inspiré de nombreux films dont des Hitchcock et il était considéré comme un des pères d’un nouveau roman d’espionnage, plus réaliste, moins bling bling. Robert Laffont avait même édité ses œuvres complètes fin 70 d’où est tiré ce Tueur à gages.
Un ministre de la Guerre se fait assassiner par un homme à bec de lièvre et tous les pays se mettent en état d’alerte maximum. Pendant ce temps, en Angleterre, une jeune danseuse de music hall quitte avec tristesse son fiancé policier. Policier à la poursuite d’un petit voleur au bec de lièvre. Qui part pour une petite ville de province.
L’histoire est un peu tirée par les cheveux avec beaucoup de coïncidences forcées mais là n’est pas l’intérêt. Le roman, écrit en 1936, parle de la peur d’une nouvelle guerre mondiale déclenchée par un attentat, une angoisse qui planait sur une Angleterre qui souffre encore de la crise économique. Du coup, on est plus proche des romans de David Peace que ceux d’Agatha Chrisie. Les décors suintent la pauvreté et l’ennui, Greene multiplie les personnages grotesques, imbus de leur insuffisance quand ils sont riches, prêts à frapper ou se vendre quand ils sont pauvres. Son écriture m’a assez surpris avec une suite de scènes particulièrement travaillées où le moindre second rôle a droit à un traitement soigné, souvent marquantes par de petites trouvailles ou des détails qui font mouche. L’assassinat du ministre, la vente de charité, la répétition du spectacle, l’hôpital…
Au centre du roman, deux personnages qui se croisent : une ingénue au grand coeur qui regarde le tueur difforme sans le juger. Un assassin qui a perdu toute foi en l’Humanité et à la recherche d’une sortie de secours.
La chute est particulièrement réussie : on passe d’un roman policier grinçant à l’humour assez noir et à l’intrigue un peu forcée à une fable humaniste émouvante.
Ça donne envie d’en lire plus de cet auteur qui est un peu passé de mode.