Wallace Wood (1927 – 1981) a produit des images marquantes et on ne compte plus les dessinateurs qui se sont inspirés de son travail – Chaland dans sa période SF réaliste par exemple.
En 2010, une exposition lui est consacrée à Palma de Majorque avec la présentation de nombreux originaux prêtés pour l’occasion par des collectionneurs privés. Ce Woodwork est le catalogue – 300 pages, beau papier, belles reproductions – de l’expo. Il retrace l’ensemble de sa carrière assez chaotique, se concentrant sur le travail sans s’appesantir sur la vie privée – Wood buvait trop et a touché à la drogue.
La première chose qui frappe dans le livre, c’est la courbe d’apprentissage de Wood. En trois, quatre ans, il passe d’un dessin gros doigt à quelque chose de très précis et rapidement, ses fameuses ombres arrivent. Et en 1951, ce sont ses incroyables couvertures pour Weird Science puis, en 1954, ses parodies pour Mad, qui justifient à elles-seules la recherche des vieux numéros. Et ensuite, on peut se demander si les fans aigris n’ont pas un peu raison lorsqu’ils se plaignent que ”c’était mieux avant”. Wood encre le travail des autres (Kirby), réalise des illustrations pour Galaxy (mais c’est loin d’être un roi de la couleur), travaille pour les comics de super héros de manière très classique et son personnage, Dynamo, avec les collants, les bottes de cavalier du XVIIIème siècle, le gros ceinturon sur le slip blanc, ses gros gants Mappa et ses coupes de cheveux hebdomadaires est loin d’être excitant.
C’est que Wood est très irrégulier : il peut être incomparable lorsqu’il se lâche dans des délires plutôt humoristiques mais pour gagner sa croûte, il travaille le plus souvent dans un réalisme passe partout pas très passionnant surtout qu’une de ses faiblesses avérées, c’est le visage réaliste, un peu vide chez lui. Ses collaborateurs ont pour consigne d’aller le plus vite le plus efficacement possible et s’il faut repomper les collègues, ça ne pose pas de problème. Du coup, malgré les cris d’enthousiasmes des rédacteurs du bouquin qui, à chaque période, trouvent des planches ”où l’on retrouve Wood à son meilleur”, le non fan peut trouver ça un peu barbant.
À la fin de sa carrière, Wood développe un personnage sexy pour l’armée US, Sally Forth (au visage un peu vide encore une fois) qui a été pas mal publié en France dans les années 70 et ira jusqu’à la BD de cul pas super intéressante.
J’avoue que j’ai fini le bouquin un peu déprimé. Si Wood a montré qu’il pouvait être génial, créant littéralement un style très particulier entre la caricature et le réalisme d’une efficacité impressionnante, il n’a jamais pu le développer sur le long terme, s’adaptant au marché et crachant les planches comme une mitrailleuse juste pour vivre, se fâchant avec des gens qui auraient pu le pousser plus loin et se noyant dans ses addictions (tel Uderzo et sa main qui lâche, c’est en partant en vacances qu’il se découvre des migraines intenables qui vont lui bouffer une partie de sa vie).
Au final, un beau et gros bouquin, un peu mangé par le fait qu’il soit en deux langues (anglais et espagnol), ce qui limite la place pour les images, qui intéressera peut-être plus les fans de comics et de Wood que le public de curieux – les images vraiment étonnantes étant déjà largement connues et visibles sur le Web. Mais ça donne envie d’aller fureter du côté des vieux numéros de Mad rien que pour la beauté des planches qu’il a réalisées à cette époque.
Merci pour cette bio-critique,passionnante.Ces pages dessinent autrement,malgré elles,le cheminement de W.Wood.C’est un drôle de ”presque” gâchis où le dithyrambe est mal-venu.J’aimerai bien que les fans s’expriment là-dessus.
@julien : je n’ai mis que des trucs qui me plaisaient, hein…
Le concept de crayonné/encrage propre aux studios ne me passionnent pas vraiment, du coup je n’ai pas mis d’exemples de son encrage sur Kirby par exemple.
Livre acheté suite discussion au sujet de Wallace wood sur le désormais légendaire blog de li-an.
Je trouve que contrairement à d’autres produits éditoriaux, (fond de tiroirs de Frazetta, Franquin etc) cet ouvrage est honnête de part la richesse numéraire de son contenu graphique et la qualité des reproductions.
Il justifie à ce titre d’un rapport qualité prix excellent dans son édition U.S (Chaste nus de l’onéreuse édition originale supprimés de la couverture).
Je comprend le sentiment de frustration que la carrière de Wood produit,et forcement le livre puisqu’il couvre des styles aussi différents que nos goûts.
Dans un monde idéal, Wood aurait connu le succès éditorial indépendant à la fin de sa vie.
Concernant sa carrière réelle, de nos jours paraîtrait un complément d’ouvrage illustrant plus le côté underground de sa carrière, Witzen et autres…
@kris : sa période underground est intéressante en effet mais malheureusement, il n’a plus l’âge pour ça à l’époque et j’imagine que le public de l’époque était plus attiré par des gens de leur génération.
Le texte bilingue est un dommage collatéral à la petitesse du public intéressé par l’ouvrage.
N’étant pas à une ânerie près ni très réveillé, je m’aperçois en écrivant que les feignasses éditeurs U.S auraient pu supprimer la langue espagnole et remaquetter le livre !
@kris : euh, ça aurait coûté bonbon…
Concernant la qualité déclinante du travail de Wood, en plus des soucis de santé, un paramètre me semble intéressant, la juste ou insuffisante rétribution du travail.
Les E.C comics proposaient le meilleur tarif de leur époque 26 – 28 $ la planche (source kindle Book ”Wallace Wally Wood si c’était à refaire de l’excellent Guillaume Laborie”), peut-être plus pour leur dessinateur vedette. Il faut que je retrouve la référence, je crois me rappeler que le tarif page à atteint pour Wood des sommets avec Mad Magazine lui offrant le temps de livrer son travail le meilleur. À méditer en ces temps de pingrerie éditoriale…
@Kris : oui mais on paye toujours mieux ceux qui sont populaires et bien côtés :-) et c’était le cas de Wood. Ils rappellent dans le livre qu’à l’époque, Wood louait son appart 3 $ la semaine ou quelque chose comme ça.
c’est quoi l’anecdote sur Uderzo ? (enfin, si anecdote il y a)
@jérôme : Uderzo a décidé de prendre des vacances après des années de turbin incroyable. Au retour, sa main tremblait. Depuis, c’est son frère qui fait l’encrage – il n’est d’ailleurs jamais crédité.
@Li-An : Ah ok, je savais pas que la détérioration de sa dextérité avait été soudaine. Mais sans que l’encreur soit crédité, je ne crois pas qu’Uderzo ait fait mystère qu’il avait des assistants sur ses derniers albums.
@jérôme : ben il pouvait difficilement le faire puisque c’était de notoriété publique.
*J’ignore s’il a bossé pour les ”tales of the crypt”, mais son style graphique fait bien penser à celui de certains dessinateurs de l’époque, dans le domaine. Maintenant, les cartoonists US de cette période avaient aussi, je pense, défini un style que tous suivaient plus ou moins à leur manière.
@Boyington : oh non, il y avait des styles très différents. Les influences majeures étaient Caniff et Foster mais on reconnaissait bien les personnalités (ils ne travaillaient pas en studio à l’époque).
@jérôme Les collaborateurs surAstérix crédités sur les derniers albums aux editions Albert René (encrage Frédéric Mébarki).
Repreneur tout désigné du dessin d’astérix aprés des années de collaboration Monsieur Mébarki aurait jeté l’éponge suite à la pression, laissant place à la candidature de Conrad.