Yvan Delporte (Christelle & Bertrand Pissavy-Yvernault)

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Heureu­se­ment qu’il y a les anniver­saires et autres Noëls pour se faire offrir ce genre de bouquin. Parce qu’un livre sur Yvan Delporte à 65 €, on se dit que ce n’est pas raison­nable. Et pourtant…
J’ai attaqué sa lecture avec une vague curio­si­té. Ce que je savais de Delporte se résumait à quelques lignes : rédac chef mythique de l’heb­do­ma­daire Spirou, grand copain de Franquin avec lequel il anime l’aven­ture du Trombone Illus­tré et person­nage que l’on croisait réguliè­re­ment dans les planches des dessi­na­teurs étique­tés Dupuis. Je l’avais moi-même croisé de loin au festi­val de St Malo où il faisait office de repré­sen­tant belge de l’Adabd, toujours vaillant en fauteuil roulant. Chris­telle et Yvan Pissa­vy-Yvernault font un travail extra­or­di­naire qui m’a laissé un peu baba : partis pour réali­ser un portrait basé sur des entre­tiens avec Delporte, ils se rendent vite compte que le refus de se livrer du légen­daire barbu ne peut être compen­sé que par les témoi­gnages de ses proches, amis et collègues. Le livre est donc compo­sé de voix multiples qui se répondent, s’entre­croisent voire se contre­disent. Delporte était un person­nage farfe­lu, curieux du monde et organi­sa­teur né. Fouteur de merde né rétorquent ceux qu’il a fatigué. Sous son impul­sion, Franquin a produit nombre de dessins, s’est lancé dans l’aven­ture Gaston et créé des person­nages inoubliables pour le Trombone (sans oublier les Idées Noires), Peyo a sorti ses meilleurs histoires Schtroumpfes, etc… Mais le talent de Delporte dépas­sait la BD : c’est quelqu’un qui était pote avec Barba­ra, qui chantait dans un groupe rock, qui s’inté­res­sait à la physique et la grammaire japonaise, j’en passe et des meilleures. Du coup, on se retrouve avec le portrait d’un homme fasci­nant plus que d’un énième profes­sion­nel de la BD, d’autant plus fasci­nant qu’il refuse de se livrer et on a l’impres­sion qu’une partie de sa person­na­li­té reste­ra une énigme.
Au final, un portrait à multiples facettes qui n’hésite pas à faire témoi­gner ceux qui n’ont pas été ses amis (pauvre Cauvin qui n’a jamais su pourquoi il ne pouvait pas lui caser ses scéna­rios), un aperçu vivant du monde de la BD des années 50/​70 (Delporte était très pote avec Gotlib ou F’Murrr) et une mise au point pour les incultes comme moi (on découvre l’impor­tance de Rosy et de Charles Dupuis dans l’aven­ture Spirou). Entre autres parce que c’est un livre très riche, riche­ment illus­tré qui vous donne­ra l’illu­sion de rentrer dans l’inti­mi­té de Franquin et qui dopera votre capaci­té à séduire les jeunes filles.

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17 commentaires

  1. P.…., y en a qui ont leurs anniver­saire et Noël plusieurs fois par an dans le coin ! Pas sympa de faire ainsi baver les copains. Pô juste. (Tiens, est-ce qu’à la média­thèque départementale?…)

  2. Effec­ti­ve­ment un livre passion­nant (je n’ai pas atten­du le père Noël et j’ai cassé ma tirelire dès sa sortie). Le plus amusant, c’est son attitude avec des auteurs qu’il n’aimait pas (sans que ceux-ci aient compris pourquoi) et qui ont tout de même fini pas prospé­rer pendant le règne de Thier­ry Maertens. En fait, Maertens regar­dait vers le passé, tandis que Delporte regar­dait vers le futur.

  3. Livre passionnant;un prix entiè­re­ment justifié(contrairement au triste TROMBONE ILLUSTRE(sorti au m^me moment),à l’impres­sion décevante.Je reste trés intéres­sé par les réactions un peu tièdes vis à vis de Delporte:Elles enrichissent un portrait d’un homme passionné,cultivé et enthousiaste(et aux enthou­siasmes successifs).Mais il est intéres­sant aussi de voir les anti-Martens(Roba entre autres)fonçant dans l’aven­ture du TROMBONE,puis se dégon­flant un peu et retour­nant sagement à leurs pages habituelles.Rétrospectivement,il me semble bon qu’un Martens ait été nommé au poste de rédac-chef avant une nouvelle ère(De Kuyssche).Un journal est fait de ses vagues,je crois,toutes impor­tantes dans la vie de la presse.A noter la jeunesse de Delporte,les premiers chapitres-les plus diffi­ciles à établir?-sont des pages d’une grande beauté.Iconographie beton;l’un des rares ouvrages d’une quali­té quasi-littéraire…Ce serait bien,que,aprés les éloges sur Delporte,ses succes­seurs actuels aient le gout de ces m^mes audaces,animés par autant de curiosité,nourrie d’autant de cultures.Bravo et merci aux auteurs(ben oui,quoi.)

  4. Et Waster­lain, c’était du sujonc­tif impar­fait ? D’après ce que j’ai compris, Delporte s’est au début très bien enten­du avec toute une généra­tion et ne voyait pas trop d’inté­rêt de rajou­ter des nouvelles têtes ou alors il fallait qu’il soit séduit tout de suite (genre une demoi­selle mignonne comme Brété­cher). Je ne pense pas que ce soit un rédac­teur qui ait cherché un ”rajeu­nis­se­ment”. Il a très bien géré les auteurs de sa généra­tion chez Spirou. Après, le Trombone, c’est déjà autre chose.

  5. L’intel­li­gence de Delporte est juste­ment de n’avoir jamais pensé en des termes pareils de rajeu­nis­se­ment ou de cible ou autre…Il a raté Wasterlain(ou encore Fred)mais il a bien vu Ryssack,Roque,Hausman…Delporte regar­dait vers le futur..?M^me pas,je crois qu’il s’en foutait et fonction­nait au présent,non?Chaque rédac­teur en chef a sa part de coups réussis,d’erreurs etc…

  6. Oui mais c’est parti­cu­lier dans son cas puisqu’il n’y avait pas de problème de vieillis­se­ment des auteurs quand il dirigeait le journal :-)

  7. Pour Brété­cher on le comprend, cette nana avait (a encore pour son âge) un physique (et pas que je sais, c’est vrai) renversant !
    A part ça, ce livre a l’air très inter­es­sant… J’espère avoir l’occas’ d’y j’ter un p’tit coup d’oeil un d’ces quat’.
    En passant j’me permets de signa­ler le blog des innom­mables dans lequel Conrad publie les strips origi­naux en N/​B. Ca aussi c’est renver­sant… http://​web​.me​.com/​c​o​n​r​a​d​w​i​l​b​u​r​/​L​e​s​_​I​n​n​o​m​m​a​b​l​e​s​/​B​l​o​g​/​A​r​c​h​i​v​e​.​h​tml

  8. Oui, j’ai suivi le blog de Conrad mais ça a été en fait une décep­tion. J’ai surtout ressen­ti l’absence de vraie histoire et une provoc un peu facile dans le fameux projet refusé.

  9. Oui, il y a un plaisir du dessin évident mais qui s’effi­loche je trouve dans Cloaques.
    Je ne leur reproche pas leur provoc mais plutôt d’avoir pleuré sur la censure Spirou­tienne alors que le truc était impubliable là-bas même avec la meilleure volon­té du monde.
    J’aurai peut-être un autre avis sur la question dans 2 ans :-)

  10. Un autre aspect intéres­sant du livre est l’amitié.Isabelle Franquin apporte quelques témoi­gnages importants.Delporte est resté un lycéen,par son enthousiasme,ses empor­te­ments enrichis­sants mais aussi par l’aspect ”copain”,pas vraiment ”ami” et peu intime.Comme un timide mettant toute son audace dans son travail,travail au fil des ans de plus en plus loué et encen­sé et cepen­dant de moins en moins sollicité.Il y a un coté pathé­tique dans cette énergie au soir de sa vie.Malgré lui,on l’a enfer­mé dans un ”age d’or” et j’ai un peu le senti­ment que le regard de la profes­sion devenait un peu condes­cen­dant vis à vis de son apport possible.Comme un vieil homme que l’on sort pour le folklore alors que son point de vue était toujours moderne et curieux des autres.Mais je noircis peut etre le tableau et romance un peu mon opinion..?

  11. Le ”problème” avec Delporte c’est son côté ”dandy” (qui a bien plu aux gars de l’Assoce, j’ima­gine). En fait, ce n’est pas un créateur mais un soutien, un organi­sa­teur. S’il n’avait pas croisé la route de Dupuis, il aurait pu faire des choses complè­te­ment diffé­rentes… ou rien :-)

  12. Pour l’his­toire, j’vois plutôt ça comme une suite de scènes mais effec­ti­ve­ment je ne suis pas sûr que les auteurs savaient toujours où ils allaient.
    Pour la provoc’, il me semble que le duo a contri­bué à question­ner et dynami­ter le modèle de l’époque. Il faut aussi se souve­nir que c’était des (post)-ados !

  13. Et puis il y a le dessin. LE DESSIN (pour moi l’un des 3 ou 4 meilleurs dessi­na­teurs de sa génération) !
    O ressent le kiff que le mec a pris, kiff (réacti­vé et même amélio­ré par l’expé­rience et la forme même)que pour ma part je ressens inten­sé­ment devant ces strips (et dont je ne me lasse pas).
    Mainte­nant, chacun ses couleurs, hein Li-An ? ;)

  14. Le retout du fils prodigue… :-) Je jette­rai un oeil sur ce croise­ment impro­bable entre Rosy et l’Express.

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