Bullet Train, aussi violent que la ligne B
Commençons par l’apéro avec Train, un film d’action cartoon inspiré d’un manga où l’on voit Brad Pitt, un truand spécialisé dans le vol en quête de sagesse intérieure, entrer dans le rapide Kyoto pour dérober une mallette. Le train en question se révèle peuplé de tueurs psychopathes qui s’entretuent joyeusement.
Je ne suis pas fan des films d’actions mais celui-là lorgne plus du côté du film de kung-fu et de Tarantino que des monstruosités super héroïques. Brad Pitt développe son personnage à la cool pas trop futé, les méchants sont des personnages hors du commun et on a droit même à un petit twist que je n’ai pas vu venir. Très recommandé et très pop corn.
Saison 3, parking et rapacité
Toutes les saisons sont écrites en fait par Noah Hawley qui a ses petites marottes, une espèce d’extension de certaines thématiques des frères Coen, réalisateurs du film éponyme dont s’inspire la série. Cette saison 3 multiplie les références à la Bible.
Emmit et Raymond Stussy sont deux frères (tous les deux interprétés par Ewan McGregor) que tout semble opposer. À la mort de leur père, Raymond s’est approprié la voiture dont il rêvait pendant que Stussy se contentait de la collection de timbres qui s’est révélée d’une valeur suffisante pour se lancer dans les affaires. Il est désormais le Roi des Parkings de sa ville pendant que Raymond se contente du boulot peu reluisant de garant de caution (comme dans Jackie Brown de Tarantino) et va jusqu’à se maquer avec une de ses clientes. Poussé par sa copine, Raymond décide de s’emparer du dernier timbre possédé par son frère. Au même moment, un mystérieux investisseur décide de prendre la main sur la compagnie d’Emmit.
J’ai failli laisser tomber au bout de deux épisodes. Le confit entre les frères est très artificiel – chacun est poussé dans le sens de l’affrontement par leur proche – et la figure du Mal est un peu fumeuse. Le personnage, qui représente l’Avidité, n’est pas états-unien et ses hommes de main sont asiatique et russe. Autant dire que le Mal, c’est l’Étranger. Ça fait un peu tousser. Le personnage de flic féminin, emblématique de la série, fait cette fois-ci équipe avec une collègue mais elles n’ont pas un poids très importants sur le récit. Et puis l’épisode 3 m’a poussé à continuer. C’est un épisode « inutile » où la fliquesse part à Los Angeles pour son enquête et la tonalité quelque peu Lynchienne, la petite histoire racontée avec de l’animation sortent quelque peu de l’ordinaire. Je me suis accroché parce que je me suis demandé comment le méchant allait tomber. Pour les amateurs, on retrouve un personnage de la saison 1 et ça tourne presque au film d’action façon Usual Suspects. La chute est moyenne.
Saison 4, Dieu est une femme et elle est méchante
La saison 4 est un peu hors sol. Dans les années 50, à Kansas City (Missouri), la mafia italienne fait face aux nouveaux venus Afro-Américains désireux de se faire leur propre place au sommeil criminel. Il y a bien une figure du Mal, cette fois-ci féminine et bien barrée. C’est beaucoup plus ambitieux visuellement que la saison 3 mais… Mais je me suis vite arrêté. Il y a une tonne de personnages qui dispersent le récit, les deux chefs de gang manquent de charisme (Chris Rock et Jason Schwartzman) et on a déjà vu des histoires d’embrouilles de Mafias bien plus ambitieuses. Enfin, je dis ça, je ne sais pas comment ça se finit. La seule partie qui m’a accroché, c’est la famille multi-raciale et la gamine qui écrit des histoires. À noter que le raccord avec le monde Fargo passe par deux évadées de prison, ça fait très ténu.
Saison 5, Home Sweet Home
La femme d’un concessionaire automobile se fait enlever par deux truands engagés par son mari. Ça ne vous rappelle rien ? C’est le début tout craché du film Fargo. Ce clin d’œil ludique va amener une histoire bien différente. Dorothy Lyon (Juno Temple, épatante) est une femme au foyer comblée mariée au plus gentil des hommes et mère d’une fille épatante. Pour elle, il n’y a rien de plus important que sa famille et son foyer. Alors lorsque son ex (Jon Hamm) veut la récupérer, il faut redouter la fureur de la tigresse.
Ce coup-ci, pas besoin d’attendre de voir, j’ai été scotché dès le premier épisode. Juno Temple crée un personnage inoubliable de maman avec une toute petite voix douce qui se révèle plus dangereuse qu’un crotale-gorille. Jon Hamm campe un shérif cowboy Malboro qui n’a cure des lois fédérales et d’une sans limite (« À quoi ça sert d’être milliardaire si on ne peut même pas faire tuer quelqu’un. »). Avec autant de figures du Mal tendance ultra-droite états-unienne, le Diable avait de la concurrence. Cette saison, le fantastique apparaît sous la forme d’un personnage étrange qui semble venir d’un autre siècle et instrument d’une Justice divine pour le coup très aveugle (Sam Spuelle minéral et fascinant).
Soyons honnête, l’écriture n’est peut-être pas aussi parfaite que les deux premières saisons. L’ obligatoire femme-flic est un personnage un peu artificiel qui passe les plats entre les différents protagonistes et je me suis demandé longtemps à quoi servait exactement le personnage de Sam Spuell jusqu’à la toute fin du tout dernier épisode, dans une conclusion que j’ai beaucoup aimée.
La thématique développée dans cette saison est clairement les violences faites aux femmes et la sororité mais, plutôt que de copier la lutte violente très masculine, l’héroïne cherche une autre voie. Déjà, elle combat avec tout ce qui lui tombe sous la main et n’utilisera que très peu les armes à feu. Elle cherche d’abord une solution légale – malheureusement inefficace – à son problème principal. Et son ambition, c’est l’amour, la douceur et la compréhension. Les amateurs de coups tordus et d’humour noir sont priés de rester, le personnage de Leigh fait très bien le boulot. Et la Mort viendra chercher son dû.
Triades – La mafia chinoise à la conquête du monde
Ce n’est pas un documentaire, c’est un truc hallucinant, un film de gangsters inédit, un film politique effrayant. Signé Antoine Vitkine, cette série documentaire retrace l’histoire des mafias chinoise, de leur évolution et de leur avenir possible. Comme le souligne le réalisateur dans ses interviews, il y a peu de documentation sur les Triades qui restent un fantasme relégué aux quartiers chinois de l’Occident (rappelez-vous L’année du Dragon de Cimino). C’est pourtant une histoire longue et riche qui mérite d’être racontée, surtout depuis qu’elles se sont alliées objectivement au Parti Communiste Chinois, qu’elles ont pourtant combattu à Shangaï dans les années 30.
Le documentaire est d’autant plus passionnant qu’il comporte des interviews décomplexées d’un chef de Triade et de petites mains (en activité et repentis). Les images d’archives sont hallucinantes, les histoires dignes d’inspirer les cinéastes – en fait, certaines Triades sont aussi producteur cinéma et ont donc financé des films à leur gloire. Leur influence sur la politique à Taiwan (où leurs liens avec le pouvoir a accéléré paradoxalement le passage à la démocratie), à Hong Kong où ils ont joué le jeu des autorités et leurs investissements financiers dans la sphère d’influence de la Chine jusqu’au Canada – il y a une forte communauté chinoise à Vancouver et les politiques se sont affichés avec des responsables de Triades – donne le vertige. En fait, j’ai trouvé ça bien plus excitant que les histoires de mafiosi italiens. Peut-être parce que c’était tout nouveau pour moi.
Poupoupidou – Polar Marylin
Puisque j’ai dit beaucoup de bien de la série Polar Park, il faut que je dise quelques mots sur Poupoudidou de Gérald Hustache-Mathieu où on voit un romancier de polar (Jean-Paul Rouve) débarquer dans la ville la plus froide de France suite à un héritage foireux et décider d’y rester en découvrant la mort suspecte d’une Marylin de province. Ça vous rappelle évidemment la série susnommée tournée dix ans après le film. On retrouve donc le même couple d’enquêteurs interprétés par les mêmes acteurs dans le même décor. Encore plus fort, il y a des échos entre la série et le film (le chien, l’ado qui fait l’accueil à l’hôtel qui est revêche dans un cas, amoureuse dans l’autre). C’est donc un exercice très étonnant de voir les deux objets filmiques.
Le film est toutefois moins réussi. Si Sophie Quinton est remarquable dans son rôle de jeune femme qui se pense la réincarnation de Marylin (et même dans la façon dont elle est filmée qui évite tout glamour et reste près du personnage), le concept est un peu trop artificiel (sa vie est le décalque de celle de Marylin) pour m’emballer totalement. Le personnage de Rouve se révèle plus nombriliste, persuadé qu’il aurait pu sauver la victime, alors qu’il est incapable de ressentir le désir des personnages qui l’entourent. Et c’est au final plus tragique que la série.
Mrs Maisel saison 5 – l’histoire d’une vie
La dernière fois que j’ai parlé séries, j’ai oublié de dire un mot de l’ultime saison d’une de mes chouchous, The Marvelous Mrs Maisel. Lorsque j’ai appris que la saison 5 serait la dernière, mon petit cœur s’est serré. Parce que c’était la preuve que le monde est injuste et, surtout, je me suis dit qu’ils ne pouvaient que louper la sortie d’un truc aussi génial. Il faut dire que chaque saison représentait un temps assez court de la vie de Miriam Maisel, la standupeuse new-yorkaise bourgeoise et juive. Et à chaque fois, elle se heurtait à un mur invisible qui la renvoyait quasiment au point de départ de sa carrière. On ne pouvait pas nous laisser avec une histoire inachevée. Et les scénaristes ont relevé le défi. Cette saison raconte comment Miriam a fini par percer et toute sa carrière, ses mariages foirés, ce que sont devenus ses enfants (pas facile avec une maman absente et célèbre), son ex-mari et, surtout, se reconcentre sur le tandem Miriam/Suzie (son agent). Entre ruptures et réconciliation, on finit par comprendre que ce qui reste de plus précieux dans toute cette aventure, c’est encore leur amitié.
Les séquences ébouriffantes :
- deux versions d’une comédie musicale dédiée au ramassage des ordures à New York (un spectacle financé par la Mafia). Une avec Miriam enthousiaste et une autre avec la même dégoûtée.
- l’épisode de l’hommage rendu à Suzie pour l’ensemble de sa carrière où on apprend que sa sœur a sorti un tube disco dans les années 70.